LES NUITS BLANCHES DE SAINT-PETERSBOURG
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 Milan Nouchkine

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Milan Nouchkine
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Milan Nouchkine


Messages : 81
Date d'inscription : 12/02/2011
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MessageSujet: Milan Nouchkine   Milan Nouchkine Icon_minitimeDim 20 Fév - 2:02


MILAN NOUCHKINE

starring JARED LETO
NOM : Nouchkine
PATRONYME : Nikolaievitch
PRENOM : Milan
AGE : 32 ans DATE DE NAISSANCE : 06 décembre 1778 LIEU DE NAISSANCE : Saint-Petersbourg
HABITE : Saint-Petersbourg



Métier & Rang


    Prince de…, je fais partie de la noblesse russe. Loin de profiter comme certains de ce statut qui, à mon sens, ne justifie en rien une quelconque légitimité, je fais partie des proches du Tsar Alexandre 1er. Officiellement, je fais partie de ses plus proches amis et conseillers dans les affaires intérieures et extérieures de notre patrie. Cependant, en réalité, même si je suis effectivement un proche conseiller du tsar, je suis ce qui s’apparenterait le plus à un espion. Je me lie d’amitié avec les hauts dignitaires, j’essaie de me trouver partout, et d’être mobile et disponible pour mener à bien ma mission d’infiltrage au profit de l’Empire. Bien sûr, je prends soin de rencontrer Alexandre très souvent pour lui faire part de ce que j’apprends. Je sais que je ne suis pas le seul espion, mais nous ne nous connaissons pas. Et c’est certainement mieux comme ça pour tout le monde.



Physique


    Loin d’avoir le profil du russe type, je suis pourtant un bel home. N’y voyez là aucune vanité de ma part, mais je ne me suis jamais considéré comme laid. Pourtant, à mes yeux si cette beauté extérieure cache une laideur intérieure, elle ne sert à rien. Le physique doit être le reflet de l’âme. Je suis grand, et j’ai de longs cheveux bruns qui forment des boucles quand le temps est humide. Un regard bienveillant et de grands yeux bleus profonds viennent illuminer mon visage quand je n’ai pas e cœur de sourire. Pourtant, je souris souvent et mon sourire rend souvent les choses plus faciles avec mes interlocuteurs. Une ossature fine, je ne prends que très peu de poids malgré mon fort appétit, et je suis très mince. Pourtant, loin d’être rachitique, j’ai ce qui s’apparente plus à une musculature sèche. Prompt à l’exercice, je ne manque jamais une occasion de m’adonner à l’escrime lorsque je ne suis pas sur mon cheval à travers la plaine avoisinant Saint Petersbourg. Je n’aime que peu devoir me vêtir comme un noble et je préférerais ne jamais me défaire de mes vêtements fétiches que je n’use que lorsque je suis en voyage.

Caractère


    Ceux qui me connaissent vraiment vous dirait que je suis un homme gentil, attentionné, dévoué, honnête et droit. Bien sûr, je ne dis pas qu’ils se trompent sur moi mais utiliser ces adjectifs pour me qualifier serait selon moi me restreindre à un rôle de gentilhomme lisse et sans caractère. Et c’est ce que je ne suis pas. Le monde non plus n’est pas lisse, et je l’ai appris que bien tôt. Je ne suis pas un homme manichéen, je ne pense pas que l’Homme soit soit bon, soit mauvais. Il n’y a pas de blanc et de noir…Il y a tellement de nuances. Et c’est cette nuance que je suis au plus profond de moi. Bien sûr, je m’efforce d’être un homme loyal, généreux et fidèle. Mais parfois dans la vie, des événements vous contraignent à explorer le côté sombre de votre personnalité. Je suis l’espion du Tsar, et je n’ai pas cette fonction seulement parce qu’Alexandre est mon ami, mais parce que je sais interpréter les gestes, que je lis entre les lignes, et que je suis très observateur. Voilà ce que je suis vraiment : un homme qui s’efforce d’être bon mais qui doit parfois faire des choses regrettables.

Liens

ANASTASIA NOUCHKINE née KRISTIANOV:- ancienne fiancée et belle-sœur :Avant d’être la femme de mon frère Dmitri, elle était ma fiancée. Elle l’a été pendant prés de dix ans. Et si au départ, je ne la voyais comme une enfant, j’ai fini par l’aimer. Et même si on l’a arrachée à moi en la donnant en mariage à mon frère, je ne cesse pas d’être totalement amoureux d’elle. Je sais qu’elle m’en veut encore d’avoir échoué pour nous sortir de cette situation, mais je ne désespère pas qu’elle finisse par accepter de me pardonner. Je serai autant patient qu’il le faut avec elle. Parce que je l’aime..



NATACHA KRISTIANOV: – fiancée - C’est ma fiancée mais pour moi comme pour elle, nous le sommes pas. Elle en aime un autre, et s’est fiancée à lui. Je suis ravie de lui servir d’alibi pour aller le retrouver et nous sommes devenus amis.

NIKOLAI NOUCHKINE:-père- Mon père n’est pas ce qu’on appelle un père exemplaire. Il est même loin de tout ça et je sais qu’il ne feint que de m’aimer pour ce que je peux lui apporter. Tout n’est que félonie avec lui, et si j’ai encore du respect pour lui, c’est parce que je suis respectueux des notions de famille.




TATIANA NOUCHKINE: – mére – Je ne connais pas vraiment ma mére et je ne pense pas avoir grand-chose à lui dire. Elle ne s’est jamais interessé à ses enfants, et se désinteresse de bien des choses. Je doute même qu’elle se rende compte à quel point elle me blesse à fuir ses responsabilités de mére.




DMITRI NOUCHKINE: – frére – J’ai longtemps fermé les yeux sur ce qui aurait pu me sauter aux yeux chez Dmitri. Mais maintenant qu’il est allé trop loin, j’attends le bon moment pour le faire tomber. Je sais que je ne serais pas capable de commettre un fratricide mais je peux laisser les autres se charger de le remettre à sa place.




PAVLINA NOUCHKINE:Il n’y a sans doute pas meilleure sœur que Pavlina. Très complices, nous nous confions souvent l’un à l’autre. Elle a la vie que j’aurais aimé avoir, mais je ne la jalouse pas. Elle a son lot de malheurs aussi, et même si je m’efforce d’être là pour elle, je suis trop malheureux pour lui être d’un quelconque vrai réconfort.




ALEXANDRE ROMANOV:Alexandre est mon meilleur ami depuis bientôt vingt ans. Même si parfois nous sommes en désaccord et en froid l’un avec l’autre, je sais qu’il fait de son mieux pour concilier son rôle de Tsar, et sa vie privée.




Hors jeu


    Comment avez vous connu le forum ? Sur Meetic je crois…
    Un petit mot ? Non…
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Milan Nouchkine   Milan Nouchkine Icon_minitimeDim 20 Fév - 2:13


Milan Nouchkine Milan110

Premiére partie



Je suis né le 10 octobre 1778 à Saint Petersburg en Russie. Je suis issu de la noblesse russe, je sais que mon rang est convoité et que lorsque j’assiste à un bal où le banquet était plus qu’opulent, le peuple meurt de faim. J’aimerais y faire quelque chose mais je suis hélas impuissant face à ce problème. Mes parents ont eu six enfants, mais seuls trois ont survécu à la petite enfance. Il ne reste donc plus que mon frère Dmitri, âgé de six ans de plus que moi, et Pavlina, ma petite sœur qui elle est ma cadette de sept ans.

Je n’ai que très peu de souvenirs jusqu’à la naissance de Pavlina. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. J’ai été élevée par une nourrice dés ma naissance et c’est vers elle que je vais toujours. Cela se passe ainsi dans nos familles. Les femmes sont faites pour mettre des enfants au monde mais c’est rarement elle qui les élève. J’a donc été confié à Ludmilla, ma nourrice, que j’aime comme ma mère. Ma mère, elle était sans doute trop fatiguée par ses grossesses et fausses couches à répétition. Et puis elle a vécu tant de fois la mort d’enfants que je doute qu’elle nous aime comme une mère est censée aimer ses enfants. Peut-être nous en veut-elle encore aujourd’hui d’être encore en vie ? Je ne sais pas, nos rapports sont cordiaux mais ils ne sont pas ceux d’une mère et de son fils. Tout comme les choses sont difficiles avec mon père mais pour d’autres raisons.

Je n’ai donc de souvenir qu’a partir de la naissance de Pavlina, et nous avons la même nourrice c’est peut-être pour cette raison également. Pavlina a toujours été une gentille petite fille. Quand je n’étais pas avec mon précepteur à apprendre l’histoire, la géographie, les langues ou les mathématiques, je me glissais dans la nurserie et je regardais Ludmilla langer Pavlina ou jouer avec elle. J’ai été témoin de ses premiers pas, et c’est à partir de ce moment là que nous avons commencé à être inséparables. Je jouais très souvent avec elle, si bien que j’ai sans doute passé plus de temps à habiller des poupées plutôt qu’a jouer avec des soldats de plomb.

Mes souvenirs sont un peu flous parfois mais j’arrive tout de même à me souvenir de ces après-midi où Mère recevait des amies qui venaient avec leurs enfants. Bien sûr c’était nos nourrices qui prenaient soin de nous, et ces petites réunions étaient surtout là établies pour que les enfants apprenant à se connaître. Nous ne le savions pas encore à cet âgé mais nous étions destinés les uns aux autres dés nos naissances. Et encore aujourd’hui je serais incapable de définir les liens familiaux pouvaient exister entre nous. Ce qui est certain c’est que nous sommes tous cousins a un certain degré. Je me rappelle un peu plus de ces petites filles que nous voyions plus que les autres. Si j’avais su à cette époque que c’était parce que nous étions Dmitri et moi censés nous marier avec elle, je n’aurais sans doute pas autant joué avec elles. Nous étions insouciants et elles étaient si jeunes. La plus âgée, Ekatarina avait quatre ans de moins que moi, elle était un bébé à mes yeux.

Les années passaient donc à une allure folle et j’étais un enfant relativement heureux. J’avais la chance malgré des parents peu présents, d’avoir une vie dorée. Mais à douze ans, j’ai du quitter ce petit cocon. J’ai quitté Saint Petersbourg pour Postdam en Prusse afin selon mon père de recevoir l’éducation militaire que tout enfant de mon âge se doit de recevoir suivant son rang social. La première année a été sans doute la plus difficile. Le changement était radical. Je ne m’accoutumais que trop difficilement à l’environnement et au climat prusse. Fort heureusement, je pouvais compter sur d’autres camarades. Mon meilleur ami, Alexandre, était russe lui aussi. Et si, au départ je ne savais pas qui il était amené à être le futur Tsar de Russie, ça ne m’a jamais fait le regarder autrement. Nous nous sommes serrés les coudes et nous avons fait ce qu’on pourrait qualifier de quatre cent coups. Nous avons souvent fait le malheur de nos professeurs et nos camarades. Mais cet enseignement, nous le prenions au sérieux. Nous savions être aussi studieux que nous étions facétieux. Alexandre avait régulièrement la chance d’obtenir des passe-droits de la part de sa grand mère, la tsarine qui l’avait élevé comme son propre fils. Les années passaient à vive allure et j’avais déjà seize ans. Alexandre avait été prié de rentrer à Saint Petersbourg pour se marier et nos adieux bien que timides ont été émouvants. Il allait me manquer et je l’enviais de rentrer dans notre ville natale, mais je savais que bientôt je rentrerais à la maison. J’aurais pu rentrer, mais je voulais intégrer les rangs de l’armée. Alors je suis resté. Oh pas longtemps n’est ce pas… Les relations entre la Prusse et la Russie s’étaient soudainement détériorées et si la Russie avait surpassé en nombre sa voisine la Prusse lors de nombreux affrontements. Je fus alors prié par mes précepteurs et mon père de gagner la Grande Bretagne… L’Europe était en proie à de nombreux affrontements. J’aurais préféré me réfugier en France et ainsi profiter de leur enseignement mais la Révolution avait laissé des traces. Je pris donc le bateau en catimini. Personne ne devait .savoir que des Russes cherchaient à gagner la patrie de George III

Pendant deux ans j’ai tout consacré à cet enseignement militaire et à ma préparation. Je devais remercier étrangement Geroge III qui, en conflit avec la France Revolutionnaire, me permit de demeurer sur le sol britannique, et de profiter du même enseignement militaire que les futures troupes britanniques. Mes relations avec mes parents étaient épistolaires. J’ai reçu la visite de mon frère Dmitri mais je n’aimais pas ce qu’il était devenu. Je n’arrivais pas à mettre la main dessus mais quelque chose me gênait. La dureté de mon éducation m’avait endurci mais j’étais resté le même au fond. Je rêvais toujours d’amour et de bonheur. C’est d’ailleurs l’amour qui m’a poussé à m’aventurer plus encore dans le continent européen. Alors que je rêvais de revenir chez moi, je suis resté en Grande-Bretagne. Cette terre m’avait accueillie à bras ouverts et j’y avais appris beaucoup. J’étais le noble russe que tous les gens se battent pour avoir à leurs réceptions. C’est là-bas que je suis tombé amoureux.

J’ai su au premier regard que c’était la femme que je voulais pour épouse. Elle était grande, voluptueuse. Elle avait des yeux rieurs, un sourire malicieux, de longs cheveux tressés et ramenés en un chignon serré. Et quand nos regards se sont croisés je dois avouer que je me suis senti être un enfant. J’avais pourtant été initié aux plaisirs de l’amour comme mon rang me l’ordonne presque par des femmes qu’on choisissait pour moi. Mais devant Anne, je n’étais qu’un enfant ignorant de l’amour. Je lui ai fait la cour pendant prés de deux mois avant qu’elle ne m’accorde une promenade à cheval. Le baiser qu’elle m’a offert après six mois de cours a été celui qui m’a convaincu d’envoyer une missive à mon père. Je voulais épouser cette femme. C’était elle. J’avais dix huit ans, tout comme Anne et nous étions en âge de nous marier. J’ai attendu la réponse de mon père avant de demander au père d’Anne la main de sa fille. Mais la réponse tardait. Je devenais des plus impatients, et j’avais même eu envie de me marier avec Anne en secret. Quand la réponse me parvint enfin, j’eus envie d’hurler….

Mon père me refusait le droit de demander la main d’Anne, il me le défendait même. Et pis encore, il me sommait de revenir en Russie. Les choses semblaient avoir changé depuis que Catherine la Grande, Tsarine de toutes les Russies avait succombé à une crise cardiaque selon mon père, et que son fils Paul qu’elle avait pourtant tout fait pour écarter du pouvoir était monté sur le trône de Russie. Ce que bien entendu j’ai ignoré. J’ai tenté de demander de l’aide à mon ami Alexandre qui je le savais, était amené à succédé à son père. Je me disais naïvement qu’avec l’appui du futur tsar, je pourrais épouser Anne. Mais six mois passaient et les lettres de mon père se ressemblaient. Il m’ordonnait de rentrer sur le champ et me menaçait de venir me faire chercher en Angleterre. Il alla même jusqu'à feindre une maladie chez ma sœur pour me faire revenir. Et il y parvint. Inquiet, je me mis en hâte de rentrer à Saint Petersburg, quittant (je le sais maintenant) à jamais ma chère Anne. Je lui promis de revenir et je mis un long mois à rentrer à Saint Petersburg, priant chaque jour que ma sœur survive. Mais lorsque je revins à la maison, Pavlina s’étonna que je sois revenu. Mon père m’avait menti, je venais de m’en apercevoir…

Je finis par savoir, un mois après mon retour, pourquoi mon père refusait de m’accorder le droit d’épouser Anne. Il avait d’autres desseins pour moi. Il m’avait fiancé sans me demander mon aval à la fille d’un de ses amis. Et Dmitri épouserait sa sœur aînée. Je refusais catégoriquement d’épouser une femme que ni je n’aimais, ni je ne connaissais. Mais mon père se contenta de me rire au nez avant de me dire que je l’épouserai que je le veuille ou non.

Quelques semaines plus tard, alors qu’Alexandre me pressait de lui venir en aide parce qu’il constatait que son père ne cessait de ruiner tout ce qu’avait fait sa grand –mère pendant des années et que j’avais répondu qu’il pouvait compter sur mon aide, mon père m’annonça que j’allais rencontrer ma fiancée. Nous ne nous étions pas parlé depuis des semaines. Je ne parlais plus qu’avec Pavlina et j’avais perdu mon sourire. Les lettres que j’envoyais à Anne ne semblaient pas lui parvenir et je ne reçus aucune nouvelle d’elles. Je me languissais de trouver une solution à mon problème et me fustigeait de ne pas l’avoir épousée en secret comme elle me l’avait demandé.

Lorsque j’arrivais devant le palais des Kristianov, je compris que j’étais déjà venu ici…. Je me rappelais du parc sans me souvenir réellement de qui vivait ici. Nous fûmes accueillis par l’ami de mon pére qui nous invita dans un grand salon. Je voyais bien l’impatience dans l’attitude de mon frère, puisqu’elle contrastait avec mon attitude taciturne. Je refusais de me montrer ravi de me trouver ici. Je voulais en finir vite. J’avais besoin de trouver du réconfort auprès de mon ami Alexandre qui avait organisé une soirée de jeux de hasard entre amis. Mikhail Kristianov nous présenta alors ses filles. La plus âgée devait avoir quinze ans tout au plus. Je ne comprenais pas comment on pouvait faire penser une jeune fille de cet âge là au mariage. Dmitri lui, souriait et je sentais quelque chose d’étrange dans son regard. Comme lorsqu’il était venu en Prusse, je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Nos pères nous présentèrent et alors que je gardais la tête baissée et que je montrais toujours mon mécontentement, celle qui était ma promise m’arracha un sourire. Je n’avais pas ri depuis des semaines mais quel choix avais-je après la réflexion qu’elle venait de faire à son propre père. Oui, elle avait raison…il existait une différence d’âge importante entre nous. Et puis…nous ne nous aimions pas.

Rapidement nous fûmes poussés à nous isoler pour faire connaissance pendant que nos pères mettaient sans doute les bases de leur accord en place. Alors c’était ainsi ? Nous n’étions que des pions dans leurs desseins ? Je doute que Dmitri ait été mis au courant de la raison de ces mariages arrangés…Et même encore aujourd’hui je ne sais toujours pas pourquoi il nous fallait épouser ces filles là.

Je n’étais pas à l’aise. Et ma fiancée non plus. Je n’avais rien à lui dire. Elle était si jeune, elle paraissait si jeune. Combien d’années nous séparaient ? Sept...Je ne pus m’empêcher de m’asseoir lorsqu’elle répondit à cette question. Sept années….Elle n’était encore qu’une enfant…Et pis encore, je ne l’aimais pas, et je doutais de l’aimer un jour. Je pourrais peut-être avoir de l’affection pour elle, mais je ne l’aimerais pas…

J’appris pourtant à la connaitre comme les convenances l’exigeaient. Mais elle était encore une enfant, jouant à la poupée et courant partout. Je ne lui en voulais cependant pas, elle se comportait comme une enfant de son âge. Mais j’avais vingt ans, et j’aspirais à d’autres choses que de passer mes journées à jouer à des jeux enfantins. Fort heureusement, Alexandre m’invitait souvent à de petites festivités privées. Nous jouions à Colin-Maillard avec des amis et quelques unes de leurs favorites et ça me permettait de supporter les longues journées ou je ne faisais rien d’autre que suivre une petite fille qui courait partout. Mais je m’attachais à elle étrangement. Elle savait me faire rire, et puis lorsque j’arrivais à canaliser son énergie débordante, je pouvais bavarder avec elle. Et j’aimais ça. Elle était très intelligente. Et rapidement elle est devenue ma confidente.

S’il n’y avait pas d’amour dans cette future union, au moins il y aurait une véritable amitié. Et finalement c’était peut-être le plus important non ? J’aurais une épouse avec qui je m’entendrais bien, et j’irais chercher le plaisir dans d’autres bras. Comme tous les hommes qui m’entouraient.

Je n’avais toujours aucune nouvelle d’Anne et je n’avais toujours aucune raison de me trouver en Angleterre. Je me languissais de la revoir et je devais agacer Anastasia à ne cesser de lui parler d’Anne. Il n’y a sans doute que lors de nos promenades à cheval que je n’en parlais pas. Anastasia était une cavalière émérite et j’aimais galoper avec elle. Plus les mois passaient, plus je me sentais à l’aise avec elle. Notre complicité était évidente. Et puis, pour une raison obscure, on nous avait installé nos propres appartements au sein du palais Kristianov, si bien que je pouvais passer moins de temps avec mes amis. Dmitri semblait à l’aise, contrairement à moi. Sa fiancée semblait malheureuse, éteinte et lorsque je lui en parlais, il ne répondait pas.

Ce fut pourtant lors de la réception du nouvel an donnée par le Tsar et à laquelle nous fûmes conviés, qu’Alexandre me permit d’enfin trouver une raison de me réjouir. Il souhaitait que je parte pour l’Angleterre avec l’ambassadeur de Russie pour chercher à savoir ce qu’il se tramait. Cette mission, sous couvert d’une nomination accueillie comme une réussite par mon père, était je le savais destinée à faire tomber le Tsar. Alexandre rêvait de pouvoir afin de penser à autre chose à sa vie de famille qui semblait l’insatisfaire et le rendre malheureux et il participait à la fronde contre son père. Les relations entre la Russie et l’Angleterre étaient tendues, puisque la Russie s’était rangée du côté de la France et qu’il était de notoriété publique que Paul 1er était un pion dans le jeu de Napoléon.

Nous étions en 1800 et je partais pour l’Angleterre avec une certaine appréhension. J’étais heureux de pouvoir avoir l’opportunité de revoir Anne mais j’avais peur qu’elle ne soit pas aussi heureuse que moi. Et puis je laissais Anastasia qui n’avait plus que moi. Bien sûr elle avait ses parents, ses sœurs, ses amies, mais elle était seule. Elle ne parlait plus vraiment aux autres. Et le décret de Paul 1er de faire interdire l’introduction de romans étrangers en Russie n’allait pas arranger le moral de ma fiancée. J’avais l’impression que plus elle grandissait, plus elle était triste. Mais j’avais d’autres préoccupations en tête. Je sentais que nous étions à l’aube d’une année cruciale. Et la suite des événements allaient me donner raison.

Arrivée cinq semaines plus tard en Angleterre, j’eus fort à faire. Pris dans un tourbillon diplomatique et une correspondance poussée avec Alexandre qui me demandait de plus en plus de détails, j’eus quand même le loisir d’assister à une représentation d’un ballet et de rencontrer Anne. Ma surprise fut totale lorsque j’appris qu’elle était désormais mariée. J’eus pendant une semaine envie d’hurler mais je m’aperçus bien vite que la distance avait eu raison de cet amour. Et puis, j’attendais de plus en plus les lettres d’Anastasia. Je sentais qu’elle n’était pas parfaitement heureuse dans ce qu’elle m’écrivait. Je relisais ses lettres précédentes chaque soir dans l’attente remplie d’espoir une nouvelle qui viendrait combler mon cœur. Je devais avouer qu’elle a commencé à me manquer alors que j’étais en Angleterre depuis trois mois. Et puis il y avait ce passage que je lisais encore et encore et dont je ne me lassais pas.

« Je n'ai jamais autant pensé à vous que depuis que vous êtes parti. Je dois avouer que je ne m'attendais pas à recevoir une lettre de votre part. Je pensais que vous ne me voyiez encore que comme une enfant, et je suis ravie de constater que ce n'est pas là. Quelques années nous séparent, mais je ne voudrais pas que cela ne devienne un fardeau pour la suite. Ne serait-ce pas dommage ? Je suis sûre que nous pourrions partager beaucoup de choses à l'avenir. »



Je pris alors sur moi d’être un peu plus aventureux dans cet échange épistolaire. Et je commençai à lui parler de mes sentiments. Et au fil des lettres, nous parlions à demi-mots de cette longue absence et du manque que nous avions l’un de l’autre. Oui, elle me manquait. Et plus seulement en tant qu’amie. Elle me manquait comme une femme manque à son fiancé. Peut-être l’idéalisais-je parce que je ne la voyais plus chaque jour, mais elle était passée dans mon cœur de l’enfance à l’âge adulte.

Une relation de confiance s’était établie et je savais que personne ne lisait nos lettres sinon j’aurais eu des remontrances de certaines personnes à n’en pas douter. Je me confiais à Anastasia et elle le faisait avec moi. La vie à Saint Petersbourg ne lui était pas douce et j’étais navré de ne pouvoir illuminer ses journées. Les miennes n’étaient pas plus douces mais j’étais un homme et je savais y faire face. J’eus envie de lui parler un peu plus de ce qui rythmait mes journées mais je ne pouvais que peu lui en dire, alors je m’épanchais sur ce que je ressentais. Et durant quelques lettres, nous évoquâmes la neige. Je fus subjugué par son habileté à me redonner le sourire par ses mots.

« A-t-il enfin neigé en Prusse ? La neige semble vous manquer. Comme je vous comprends. Si j'aime tant Saint-Pétersbourg, c'est presque uniquement à cause de la neige. Il a encore beaucoup neigé cette semaine, et si vous aviez été là, vous auriez adoré, j'en suis certaine. La neige a cette incroyable capacité à faire ressortir mon âme d'enfant, que mon père semble si pressé de m'arracher. Il ne m'autorise que très peu de distractions, et sans vous à mes côtés, je suis seule, je n'ai plus personne à qui parler. Ma sœur Katia est tellement différente depuis qu'elle est fiancée à votre frère... Son état m'inquiète, mais je n'ose en parler à quiconque. Si seulement vous étiez là pour me rassurer. Vous me manquez. »

Si j’étais inquiet désormais pour elle, je ne l’étais pas moins des relations entre la Russie et l’Angleterre, je sentais qu’on voyait en moi maintenant un ennemi. Mais pouvais-je blâmer mes amis anglais de ne plus avoir confiance en moi ? Je dus suivre les conseils d’Alexandre et de quitter l’Angleterre. Je me rapprochai alors d’Anastasia en gagnant la France où mon aide était la bienvenue. J’eus la surprise de la visite secrète d’Alexandre où il commença à s’épancher sur ses desseins. Influencé par l’éducation donnée par sa grand mére, il prétendait qu’il valait mieux s’entendre avec la France plutôt que de s’entendre avec la Grande-Bretagne. Et puis, je me doutais qu’il était attiré par les idées progressistes et le charisme de Napoléon. Je tentai de la raisonner mais il semblait exalté par de nouveaux amis. Lorsqu’il partit, je sus que j’avais échoué. Je savais qu’il allait bientôt regretter de ne pas m’avoir écouté.

Et puis…une lettre a tout chamboulé dans mon esprit et dans mon cœur.

« C'est étrange... La neige commence presque à m'ennuyer. Sans doute parce que je ne peux que passer mes journées à la regarder à travers la fenêtre de ma chambre. Je me languis de vous. J'aurais aimé que vous puissiez rentrer avec le printemps. Le temps paraît tellement long. Peut-être que je ne rêve pas de vous, mais je pense à vous. Presque plus que quand vous étiez là. C'est risible n'est-ce pas ? Parfois il nous faut un coup du destin pour réaliser les choses... Sachez que j'attends votre retour avec grande impatience. »

J’ai relu cette lettre encore et encore et j’aurais pu la réciter tellement je connaissais chaque mot, chaque lettre. Je commençais à comprendre que cet éloignement venait tout simplement de révéler nos sentiments. Je venais de comprendre qu’elle avait pris toute la place dans mon cœur et qu’il n’y avait plus de place pour aucune autre. J’étais si heureux d’y trouver aussi ce portrait d’elle que j’avais trouvé dans cette même lettre. Il ne me quittait pas un seul instant.

J’ai demandé à mon père dans une de mes lettres ce qu’il en était de l’avancée de ce mariage, mais comme à chaque fois où j’évoquais un sujet dont il n’avait pas envie de s’entretenir avec moi, il a ignoré cette lettre. J’ai attendu un mois avant de prendre la décision de revenir en hâte. Je me fichais qu’on ait encore besoin de moi en France ou en Prusse ou n’importe où ailleurs, je voulais épouser Anastasia rapidement. Après tout, elle m’était promise. Alors, nous n’allions à l’encontre de personne. Je lui ai envoyé une lettre avant de partir afin qu’elle se prépare à mon retour et qu’elle ait le temps d’y songer avant de me donner une réponse.

Pourtant, lorsque je suis arrivé à Saint Petersbourg au beau milieu de la journée j’ai été surpris par mon père et celui d’Anastasia. J’avais l’impression qu’on les avait avertis de mon arrivée alors que je pensais n’en avoir soufflé mot à personne. La nouvelle de mon arrivée sembla se propager comme une trainée de poudre parce qu’alors que je parlais aux deux hommes de ce que je souhaitais, la maison semblait s’animer.

Ils refusaient une nouvelle fois d’avancer la date du mariage. J’avais beau clamer qu’Anastasia était assez âgée pour m’épouser et que ces fiançailles étaient risibles tellement elles duraient, ils campaient sur leurs positions et la conversation devenait de moins en mois possible. Alors que je perdais patience, la mère d’Anastasia fit son apparition avec d’autres jeunes femmes, mais je ne fis pas vraiment attention, bien trop furieux. Ma patience fut mise à rude épreuve mais je répondis poliment à toutes leurs questions alors que je ne voulais évoquer que mon mariage.

Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque je vis ma fiancée en peignoir d’intérieur s’avancer vers nous et prendre la parole. Je fus étonné par ce qu’elle était devenue. Ce n’était pas seulement la sublime jeune femme, c’était la façon dont elle mit fin aux interminables questions de mon père et de son ami. Je ne pus qu’acquiescer et les deux hommes s’inclinèrent finalement. Peu à peu, nous nous retrouvâmes seuls mais je vis bien que la mère d’Anastasia aurait préféré que sa fille aille se coucher. Mais elle ne sembla pas me défier. J’étais dés lors sous le charme de ma fiancée. Cupidon avait eu raison de moi.

Je l’entrainai alors en silence vers un salon où nous nous assîmes côte à côte. Si elle était heureuse de me revoir, il en était de même de mon côté. Même si, je l’avoue, je ne savais quoi lui dire pendant prés de cinq minutes. Encore sous le coup de ces changements opérés en elle, j’étais comme un adolescent qui découvre qu’il est attiré par les femmes. Je me suis finalement tourné vers elle, et ses mains dans les miennes je lui ai fait part de ce que je souhaitais. J’ai noté son moment d’hésitation et j’ai été plus que troublé lorsqu’elle s’est jetée à mon cou et qu’elle m’a embrassé. Bien sûr, j’avais déjà embrassé plus d’une femme, et Anastasia n’était qu’une jeune femme, mais je l’aimais, et c’était son premier baiser. J’ai entouré ma fiancée et je lui ai offert son premier baiser. J’étais aux anges et j’ai du faire appel à toute ma volonté afin de lui dire qu’il valait mieux que nous allions nous coucher.

Le lendemain, j’ai plaidé à nouveau notre cause. En vain…Je devenais fou…il me fallait attendre et attendre. Je voulais l’épouser, c’était cela le plus important et cela devrait les combler .Je cherchai le soutien d’Alexandre mais son père avait été assassiné, et je savais qu’il avait participé à cela. Tout comme moi en un certain sens…Même si j’avais des regrets, je savais qu’avec ou sans moi les opposants au tsar défunt auraient tôt ou tard réussit à mettre fin à son règne. Alexandre, bien qu’étant certainement mon meilleur ami, ne pouvait rien pour moi. Oh je le savais ! Mais j’aurais aimé qu’il puisse le faire.
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Milan Nouchkine   Milan Nouchkine Icon_minitimeDim 20 Fév - 2:25

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Deuxiéme partie:

Je me fis alors une raison et je tentai de me comporter avec Anastasia comme un fiancé patient, mais au fond je n’attendais que ces instants volés. Je me languissais de ses baisers et lorsque nous avions enfin le loisir d’être ensemble et d’être deux amoureux, j’avais l’impression que le temps se jouait de nous et qu’il passait à une allure folle. Nous parlions de tout et de rien, nous tentions maladroitement de ne pas trop nous regarder en présence d’autres personnes parce que nous voulions garder nos sentiments cachés. Nous pouvions cependant faire confiance à la dame de compagnie d’Anastasia. C’était une sainte femme et jamais elle n’a rechigné à nous permettre de nous retrouver un peu seuls. Pourtant, je sentais régulièrement les inquiétudes de ma fiancée. Elle ne savait que penser de sa sœur et de mon frère. J’avais bien pris note de certaines choses mais je me disais que Dmitri la regardait ainsi que parce que contrairement à sa fiancée, Anastasia semblait heureuse. Oui, Ekaterina paraissait cinquante ans de plus tellement elle était éteinte. Pauvre fille…si j’avais su, j’aurais réagi.

Tout ce que je pouvais faire c’était entourer et écouter Anastasia. Et à vrai dire, j’étais davantage préoccupé par ce qu’il se passait en Russie à un point de vue diplomatique. Alexandre, avait finalement retourné définitivement sa veste et il semblait prendre exemple sur la France. Je ne l’enviais pas vraiment mais je me laissais aller à son enthousiasme. Sans doute avais-je besoin après plus de quatre ans de fiançailles d’oublier qu’on refusait encore que j’épouse Anastasia. J’ai été pris par les filets d’une jeune courtisane et j’ai noyé ma frustration dans sa couche. Je m’en suis voulu au moment même où je l’ai dénudé, mais j’étais sans doute poussé par le désespoir cette nuit-là. J’aurais bien pu ne pas lui avouer et j’en aurais eu le droit légitime puisque j’étais un homme, mais je voulais être parfaitement honnête avec elle.

Je ne fus pas étonné pourtant lorsqu’elle le prit aussi mal. Je comprenais parfaitement. Que je sois un homme n’excusait pas tout. Je l’aimais et pourtant j’avais passé une nuit avec une autre. Je n’ai rien dit, et je me suis contenté de partir lorsqu’elle m’a giflé. J’avais mérité son courroux, alors il me fallait assumer.

Les jours qui ont suivis j’ai multiplié les tentatives d’en parler avec elle mais elle ne m’a accordé aucun moment. Rien n’y faisait. Ni mes requêtes auprès de sa dame de compagnie, ni mes bouquets de fleurs, ni mes lettres. J’aurais pu me lasser et simplement attendre le bon vouloir de nos pères concernant ce mariage mais j’étais épris d’Anastasia, et j’avais besoin de son pardon.
Cependant, Alexandre avait besoin de moi auprès de l’ambassadeur de France en Russie et je ne pus intensifier mes tentatives de parler à Anastasia. Je finis par tomber malade en plein été 1802. Je crus vraiment que ma dernière heure avait sonné. La fièvre me prit subitement, la folie sembla s’emparer de moi, et nombreux furent mes délires. Je restai prés d’un mois alité, et ce n’est que lorsque je repris le fil de ce que j’étais, que je m’aperçus de l’omni présence d’Anastasia. J’eus la confirmation par le médecin que rarement elle ne me quitta, et qu’elle fut une infirmière émérite. Au péril de sa propre vie, elle m’avait veillé. Je n’osais cependant pas lui demander si elle m’avait pardonné.

J’aurais aimé pouvoir me rappeler de toutes ces nuits où elle semblait m’avoir veillé. Je me demandais même comment elle avait fait pour passer toutes ses nuits à me veiller. Je doutais que son père eut été en accord avec ça. Cela resterait sans doute un mystère…Un mystère bien étrange. Mais un mystère tout de même. L’essentiel était tout de même qu’Anastasia m’ait pardonné. Quand j’avais repris connaissance, elle était là, à me tenir la main, sa tête posée sur le lit, et somnolant à moitié. Je lui avais caressé les cheveux pour la réveiller et je lui avais souri. Et puis, quand elle m’avait souri en retour, j’avais su qu’elle me pardonnait. Je n’osais pourtant pas lui demander davantage. J’avais sans doute peur de l’entendre me reprocher certaines choses.
Alors la vie avait repris son cours. J’avais été finalement déclaré guéri de ce qui avait ressemblé selon le médecin au typhus. Nous ne sûmes que quelques semaines plus tard que le typhus avait fait des centaines de morts dans le pays. Je pouvais alors me sentir extrêmement chanceux d’y avoir réchappé. Je remerciai Dieu chaque jour de m’avoir épargné, et heureusement pour tous, je ne contaminai personne. Le pire de tout aurait été de contaminer Anastasia.

Un mois après que j’eus été autorisé à quitter la chambre, Alexandre fêta l’anniversaire de sa femme et il convia bon nombre de la noblesse russe à ce bal. C’est donc avec beaucoup de plaisir que nous nous rendîmes à l’anniversaire de Louise. Le banquet fut somptueux et je ne quittai pas des yeux Anastasia. Ma douce Anastasia était devenue une superbe jeune femme et je voyais bien que si elle était fiancée, les hommes ne se privaient pas de la contempler. J’aurais aimé hurler à la terre entière qu’elle était ma fiancée. Ma victoire fut de courte durée. Bien sûr la première danse elle me l’accorda à moi. Mais ce fut la seule. Je ne pus que jauger les hommes qui se bousculaient à son bras. Je n’en pouvais plus de la voir valser avec d’autres. Oui, j’étais jaloux. Je savais qu’elle avait beau être ma fiancée elle ne m’appartenait pas pour autant, j’en éprouvais tout de même un sentiment de possessivité. Non, j’étais tout à fait contre l’idée qu’un être humain appartient à un autre. Qu’un cœur appartienne à celui d’une autre personne, je trouvais cela tout à fait normal. Mais on ne possédait pas une personne. Je savais que mes idées passaient pour progressistes et qu’on me raillait souvent mais je m’en moquais.et pourtant je me comportai comme un cerbère durant toute la nuit où dura le bal. Anastasia dansait et dansait…encore et encore. Et moi je la regardais. Je fus jaloux de tout le monde. De son père, de mon frère, d’Alexander, de tous ! Mais le pire fut sans doute de la voir valser avec Constantin. Je connaissais le frère d’Alexandre. Si le Tsar était relativement volage, il était toujours discret. Constantin, lui, ne l’avais jamais été et je doutais que cette valeur ne faisait pas partie de son langage. Oui, je connaissais Constantin. Et je connaissais aussi très bien sa fâcheuse tendance à la violence. Je l’avais vu jeter une tasse de thé sur sa femme. Quoique puissent être les différents qui existaient entre eux, rien ne justifiait un tel acte de violence envers une femme. Je savais pourtant qu’il n’était pas heureux en mariage, mais je n’aimais pas qu’il se permette de tenter de séduire Anastasia. J’étais de plus en plus agacé de la voir sourire et accorder toute une série de danses sans me jeter le moindre regard. Je me doutais bien que le fait que je ne prenne pas part aux valses ne passa pas inaperçu mais en tant qu’homme c’était moi qui avait le pouvoir d’inviter. Et si je décidais que je n’inviterai personne, je savais que personne ne m’en ferait le reproche à voix haute. Qu’ils jasent, je m’en moquais. Le plus dur durant cette soirée, ce fut de la voir sourire et rire. J’aurais aimé qu’elle ne soit à moi.

Tout le monde avait peu à peu pris congé de nos hôtes et ce fut notre tour. Je tendis un bras à Anastasia mais je ne lui adressais pas un seul mot. J’étais trop furieux. Bien trop. Et puis, elle semblait heureuse. Elle avait passé une très bonne soirée. Et elle ne m’adressât pas un seul mot. J’avais pensé qu’elle m’avait pardonné lorsqu’elle m’avait accordé sa première danse mais maintenant tout pourtant à croire que je m’étais fait avoir. Non, elle ne m’avait pas pardonné, et pis encore elle prenait du plaisir dans les bras d’autres hommes. Enfin en tout bien tout honneur. Anastasia n’était pas une courtisane, et jamais elle ne le serait. Elle avait trop de droiture pour être de ces femmes là. Le trajet du palais d’Alexandre à celui de la famille d’Anastasia me sembla durer une éternité. J’eus même du mal à me contenir de lui dire à quel point son attitude m’avait blessé. Je ruminais. Et comme dans ces moments là, je serrais les dents et je me retenais. Je n’étais pourtant pas un homme violent. Non, quand je perdais mon sang-froid, je me fermais totalement. Ma colère restait toujours intérieure. Et c’est ce qu’il s’est passé cette nuit-là. J’ai tout enfoui en moi, et à peine le laquais nous ouvrait la porte de la voiture que je laissais Anastasia.

Aussitôt arrivé dans cette chambre qui était la mienne, je fermais les yeux et je me laissais aller au chagrin sur mon lit. Je refusais de pleurer devant quiconque. J’étais un homme et un homme ne pleure pas. Tout du moins pas en public. Les larmes qui mouillaient mon lit étaient silencieuses. Je ressentais toute cette colère. Alors c’était ainsi ? Elle se vengeait de mes révélations ? Toujours est-il que même si je lui en voulais, je ne pus m’empêcher d’aller ouvrir le tiroir de mon secrétaire et que je pris toutes ses lettres. Je les connaissais pourtant comme si je les avais écrites moi-même mais j’avais besoin de relire les mots avec lesquels elle m’avait avoué peu à peu son amour. J’avais besoin de me rassurer en quelque sorte. Il y avait aussi cette correspondance avec Alexandre. Dans nos correspondances, nous n’évoquions jamais ce qui était mon rôle. Si ses infidélités dont nous parlions étaient secrètes, mon rôle l’était bien davantage. Au moins, malgré tout, il valait mieux que nos correspondances sur les amours du tsar soient interceptées plutôt que des directives comme celles qu’il me donnait.

La porte de ma chambre s’ouvrit et je me demandais qui pouvait s’aventurer dans mes appartements à cette heure là. Je n’eus même pas le temps de me demander si c’était Alexandre qui me faisait chercher pour les menaces que j’avais adressées à son frère Constantin, qu’Anastasia apparut à l’embrasure de la porte, refermant le plus délicatement du monde la porte de ma chambre. Comment était-elle arrivée sans encombre ici ? Et puis…il fallait une clé pour entrer dans mon boudoir…Mais cette clé, elle l’avait. Elle était dans sa main. Je dus avoir une expression affolée non pas seulement due à sa présence ici. C’était plutôt la tenue dans laquelle elle se présentait à moi. J’allais, ce soir, de surprise en surprise. Elle était en tenue de nuit, dans ma chambre. Je ne comprenais pas puisqu’une demie heure auparavant elle ne m’avait pas adressé un seul mot. C’est ainsi que je lui ai fait comprendre par une attitude distante, les bras croisés ramenés contre ma poitrine que je désapprouvais sa présence, sa tenue et son attitude. Si elle ne m’avait pas pardonné si facilement mon incartade, pensait-elle vraiment que moi j’allais lui pardonner si facilement sa petite comédie. Bien entendu qu’il était hors de question que je lui pardonne. J’aurais préféré qu’elle ne vienne pas.

Elle n’eut pourtant pas l’attitude et la réaction d’une femme de l’époque. Non, une femme russe ordinaire n’aurait pas fait, ni dit ce qu’elle a fait et dit, elle. Une noble russe n’aurait pas enfreint les règles de la bienséance en entrant en pleine nuit dans la chambre de son fiancé, elle n’aurait pas pointé son index sur lui ni ne lui aurait fait les reproches qu’Anastasia m’a fait. Parce qu’elle me reprochait d’être un homme, et d’avoir une vie douce. Non, je n’avais pas une vie douce. J’étais fiancée à une femme dont j’étais follement heureux, et que je ne pouvais pas épouser tant que nos parents ne nous y aient pas autorisés. Une femme qui m’avait ignoré et qui avait dansé avec des hommes tout un bal durant. La bienséance aurait voulu qu’elle n’accorde aucune danse à des étrangers. Seul Alexandre était en droit de danser avec elle.

Et puis, même si elle avait raison en disant de moi que j’étais jaloux, je ne pouvais qu’avouer qu’elle avait raison. Oui j’étais jaloux. Mais alors que j’allais la renvoyer dans sa chambre le plus calmement du monde, elle m’a fait part de quelque chose auquel je n’avais jamais songé. Jamais je n’avais songé qu’elle puisse souffrir du fait qu’étant une femme, elle ne se sente pas libre. Tout comme je n’avais jamais songé qu’elle puisse penser qu’elle passerait de cette prison instaurée par son père et dans laquelle elle devait se ranger à ses décisions sans avoir aucun mot à dire à ma prison à moi. J’étais stupéfait qu’elle puisse penser que je lui dicterais sa conduite. Il en était tout simplement hors de question. Bien sûr lorsque je serais son mari, je prendrais les décisions, mais elle aurait un rôle à jouer. Il était hors de question qu’elle joue les figurantes dans notre vie quotidienne. Je ne voulais pas d’une femme comme cela. C’était pour cela que j’aimais autant Anastasia. Même si elle n’avait jamais foulé le sol de l’Europe de l’Ouest elle semblait avoir une vision très occidentale du couple et de la vie. Je ne savais pas d’où lui venait cette vision et cette énigme m’attrait.

Je restais alors interdit, les bras ballants le long de mon corps, incapable de réagir, trop enclin à me poser de nombreuses questions. Anastasia, elle, pleurait tout son saoul. Lorsque je m’aperçus enfin du désarroi de ma fiancée, je m’avançais vers elle. Elle m’attendrissait tout comme elle me donnait cette envie de l’aimer. Je la pris alors dans mes bras, et sans un mot puisque j’étais peu doué pour parler de mes sentiments je la cajolais. Je cajolais une enfant dans un corps de femme de dix huit ans. Anastasia ne ressemblait plus vraiment à une enfant. Et ce bal avait été en quelque sorte le premier où elle avait été révélée à toute la noblesse russe résidant à Saint Petersbourg. Je ne doutais pas que la beauté de ma jeune fiancée ferait demain le tour de tous les salons et de toutes les discussions. Si sa beauté ne m’avait pas échappé à moi, elle n’aurait échappé à personne. Surtout pas à Constantin…

Mais je décidais de ne pas m’appesantir sur ma jalousie et de sceller le pacte de paix avec Anastasia. Alors qu’elle se serrait contre moi, je ne pus m’empêcher de la désirer. Réaction tout à fait normale chez un homme sauf qu’elle n’était pas une courtisane. Elle était ma fiancée. Raison de plus me disais-je intérieurement. En un sens, elle m’appartenait.

Ce fut au départ un besoin de la serrer un peu plus étroitement alors qu’elle semblait lasse et que notre dispute venait de s’achever sans un mot. Je n’avais aucune arrière pensée quand j’ai commencé à caresser ses cheveux. Mes gestes étaient même tendres comme ceux que l’on a avec un enfant qui a du chagrin. Seulement, plus elle se cramponnait à moi, plus je me laissais aller à d’autres envies. Je ne voulais qu’embrasser son épaule lorsque je la dénudai en laissant glisser le tissu. Cela aurait du s’en arrêter là puisque c’était déjà fort inconvenant. Mais sa peau satinée et laiteuse qui semblait s’animer sous le contact de mes doigts me donna envie d’y poser mes lèvres. Et alors que j’embrassais son épaule, je sus que je devais m’arrêter sous peine d’aller bien trop loin.

Mais alors que je réalisais ce qu’il se passait, Anastasia était déjà nue, offerte telle une offrande et je voyais bien qu’elle avait peur. Je ne voulais pas qu’elle ait peur de l’amour. Je voulais que ce soit naturel pour elle. Ca l’était pour moi. Malgré le fait que je savais que nous n’aurions pas du, c’était naturel. C’était la première fois que je le faisais par amour, et j’étais soucieux de bien faire. J’allais lui arracher sa virginité et je voulais que cela reste le plus beau moment de toute sa vie. Cependant je savais qu’il n’y a pas acte plus naturel que celui de l’amour alors je lui dis de me faire confiance et de se faire confiance. Alors, tout se passa bien. Elle me laissa l’aimer doucement encore et encore. Je sus pourtant que la défloration lui fit mal et qu’elle lui arracha quelques saignements mais je m’efforçais d’être le plus doux possible.

Je ne pus m’empêcher de pleurer devant elle, alors que jamais je n’avais pleuré devant qui que ce soit, mais elle venait de m’offrir bien plus que son cœur cette nuit là. Elle s’offrit toute entière à moi, et j’en fus touchée. Je savais pourtant que nous avions fauté puisque nous n’étions pas mariés. Mais destinés l’un à l’autre je la rassurai en lui disant que si on nous demandait une preuve de sa virginité lors de notre nuit de noces, nous trouverions une ruse. Elle n’avait pas à s’en inquiéter. Et c’est ainsi que cette nuit là fut la plus belle de mon existence.

Bien sûr à partir de cette nuit là, je ne dormis que très rarement seul. Bien souvent, Anastasia me rejoignait dans mon lit ou alors je la retrouvais dans le sien. Certains domestiques s’étaient aperçus du mangée mais ils n’ont jamais rien dit. Au contraire, j’avais l’impression qu’ils veillaient sur nous. Nous avons frôlé à de multiples reprises d’être découverts mais nous pouvions compter sur la dame de compagnie d’Anastasia pour arranger les choses. Ce fut des mois où je me sentis vraiment heureux. Ce n’était pas seulement de pouvoir aimer Anya, c’était le bonheur de voler des instants de bonheur. Oui j’étais heureux. Anastasia me rendait heureux et je m’efforçais de la rendre heureuse en retour.

Fort heureusement, j’étais heureux dans ma vie privée, parce que du côté de ma vie publique, les choses n’étaient pas aussi gaies. La Russie s’était enfoncée ces dernières années dans un conflit avec la France, et ce n’était pas notre alliance avec l’empire austro-hongrois qui nous donnait les moyens de vaincre l’ennemi. L’année précédente, l’armée avait du battre en retraite et nous avions perdu une bataille. Je voyais bien qu’Alexandre ne semblait plus faire réellement confiance en ses alliés. Il avait besoin d’alliés, mais il semblait ne pas y croire. Pis encore, j’avais l’impression qu’il avait perdu la foi. Tout semblait s’étioler dans sa vie. Sa vie personnelle essuyait autant d’échecs que sa vie de Tsar. J’avais beaucoup de chagrin pour lui, mais nos éducations respectives ne nous permettaient pas de nous confier l’un à l’autre et d’interférer dans la vie privée de l’autre.

Les trois années suivantes ne changèrent rien. La Russie s’enfonçait de plus en plus dans des batailles que nous perdions encore et encore. Alexandre perdait ses enfants un à un. Et moi…j’étais toujours fiancé…Rien ne changeait. Finalement, étais-je aussi heureux que cela ? Sans doute pas…Mes suppliques auprès de mon père et de celui d’Anya aboutissaient à la même réponse encore et encore : « Il n’est pas encore l’heure ». J’envisageais même en 1808 de demander à Anya de s’enfuir avec moi et de m’épouser en secret. Mais je ne trouvai pas la force de la faire fuir ce pays qu’elle aimait tant. Et je savais qu’elle avait beaucoup de chagrin de voir sa sœur aînée sombrer peu à peu dans une certaine folie. Pas un seul jour ne passait sans qu’elle ne me dise à quel point elle avait peur pour Ekaterina. J’avais pourtant essayé de comprendre en alertant Dmitri mais il ne semblait pas s’en soucier. Le dialogue fut vite rompu entre nous.

C’est donc dans des dispositions comme celles là que mon père m’annonça enfin que j’épouserais Anastasia l’été suivant. Je me retins de ne pas sourire, et je fis mine de prendre ça comme il se doit. Je ne laissais donc rien transparaitre, et me contentai de rester à ma place. Mais le soir venu, quand je rejoins Anya dans sa chambre, et qu’elle se jeta sur moi, je la fis tournoyer en riant aux éclats. Nous allions nous marier ! Bientôt nous pourrions nous aimer en secret et nous n’aurions plus à faire attention. Parce qu’il était bien difficile de s’aimer tout en évitant une grossesse qui aurait compromis la réputation d’Anya et nous aurait mis dans une très fâcheuse position. Fort heureusement, un ange veillait sur nous et rien de fâcheux n’arriva. Je savais pourtant que je ne serais pas dans des dispositions pareilles une fois que nous nous serions unis. Je voulais une ribambelle d’enfants très vite. Mais Anya avait d’autres préoccupations. Je n’arrivais pas à apaises ses craintes concernant sa sœur, et je ne pouvais pas lui révéler que j’étais allé demander de plus amples informations à mon frère. Ce genre de choses ne se révèle pas. M’en voulait-elle de ne rien faire officiellement ? Sans doute…mais elle avait l’intelligence de ne rien en dire.
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Milan Nouchkine   Milan Nouchkine Icon_minitimeDim 20 Fév - 2:30

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Troisiéme partie:

Mes obligations envers le Tsar m’obligèrent ce jour là à rentrer tard. J’avais passé de longues heures en compagnie de certains ministres pour m’enquérir d’une éventuelle présence protocolaire russe à Vienne, et rien ne semblait encore justifier notre présence à la cour de l’empereur François 1er. Ainsi, je revins en pleine nuit dans le palais de la famille d’Anastasia. Tout aurait du être paisible en cette heure tardive, mais je fus surpris de voir une telle agitation. Je compris alors qu’il venait de se produire une chose terrible et montait quatre à quatre les marches du grand escalier. J’entendis une domestique dire qu’ils avaient trouvé une (princesse) sans vie dans sa chambre.

Mes pas me conduisirent un instant vers la chambre d’Anya avant de suivre le flot des allers et retours et de me précipiter dans la chambre d’Ekaterina. Je trouvai alors ma fiancée et sa jeune sœur en larmes, tout comme leur mère, sur le lit de leur sœur aînée. Je ne vis pas les draps tâchés par le sang tout de suite, je ne vis qu’Anastasia qui secouait le corps sans vie d’Ekaterina et qui hurlait. Je bousculais alors quelques personnes et me saisit d’Anastasia pour la tirer en arrière. Sa sœur venait de mourir, et elle ne pourrait rien y faire. Elle ne lui rendrait pas la vie. Je n’avais de cesse que de protéger ma fiancée. Je n’appris qu’une heure plus tard alors que j’avais couchés Anastasia avec sa jeune sœur Natacha dans le lit d’Anya, allant à l’encontre de ce que mon futur beau-père souhaitait, qu’Ekaterina avait été tuée. Elle avait été tuée d’un coup de couteau en plein cœur. Sa mort avait été instantanée. Elle n’avait certainement pas compris ce qu’il se passait.

Durant toute la nuit, le palais fut en mouvement, nettoyant la chambre et préparant le corps de la défunte pour la veillée funèbre. Je fus un des premiers à revoir Ekaterina proprement vêtue. Je la veillais pendant quelques heures avant que le jour ne se lève comme l’aurait fait ou voulu Anastasia. Je n’avais pas vu Ekaterina aussi paisible depuis des années. Quand bien même l’avais-je déjà vue heureuse en réalité. On aurait pu croire que la mort l’avait soulagé d’un poids, elle qui ne pesait sans doute pas plus qu’une enfant de quinze ans.

Alors que j’aurai pensé que Dmitri vienne se recueillir sur la dépouille de sa défunte fiancée, je ne le vis pas pendant ces trois jours qui précédèrent les obsèques d’Ekaterina. Je ne fus même pas surpris de ne voir aucune trace de chagrin lors des obsèques. J’eus subitement des pensées que je chassais le plus rapidement possible de mon esprit. Je refusais de penser que mon frère eut été en quelque sorte un lien avec ce terrible décès. Anastasia, elle, était effondrée par la mort de sa sœur. Je doutai fortement qu’elle ait compris ce qu’il se passait lorsque nous mîmes en terre sa sœur aînée. Elle me laissait à peine l’approcher et je ne savais comment faire pour lui être d’un quelconque réconfort. Je devais seulement avouer que j’étais impuissant face à son chagrin. Ce n’était pas que je ne partage pas ce chagrin ou que je n’en aie pas mais j’étais un homme. Et puis, je n’avais jamais vraiment connu Ekaterina.

Pourtant, lorsqu’une semaine plus tard, mon père me pria de lui accorder un entretien alors que j’étais fort pris par mes responsabilités, je frémis mais je me rendis chez nous et eut la surprise de constater que nous n’étions pas seuls. Dmitri était là, ainsi que Mikhahil Kristianov, le père de ma fiancée. Je fus prié de m’asseoir mais refusait poliment. Leurs tentatives de politesse me semblaient trop feintes et je n’aimais pas leurs attitudes, plus particulièrement celle de Dmitri. Je voyais une esquisse de sourire au coin de ses lèvres et un éclat particulier et que je n’aurais su identifier dans son regard. J’écoutai d’une oreille distraite jusqu'à ce que mon père en vienne à me dire que la mort d’Ekaterina avait tout changé dans les projets d’union entre nos deux familles. Pendant un instant, je me dis que pour moi rien ne pouvait changer. J’espérais, dans le pire des cas, qu’on nous impose de repousser encore le mariage pour se plier à un deuil par exemple, mais je ne m’étais pas attendu à ce qui allait suivre.

On m’annonça sans nulle autre cérémonie que je n’épouserais pas Anastasia. On m’expliqua mais je ne pus que secouer la tête et répéter la même chose : « Non ». Non, elle était ma fiancée, nous devions nous marier. Elle ne pouvait pas épouser Dmitri, non ! Non ! Ils n’avaient pas pu faire ça. Je devins fou, hurlant qu’ils n’avaient pas le droit. Mais ils se contentèrent de me dire que la mort d’Ekaterina avait tout changé et qu’il était normal que Dmitri épouse l’ainée des filles de Mikhahil, Anastasia en l’occurrence. Et je devins fou…pas seulement parce que je n’épouserais pas la femme que j’aimais, mais parce que je la mettais dans une situation délicate. Nous nous étions aimés tellement de fois en pensant que de toute façon ce n’était pas bien grave puisque nous allions nous marier. Mais si elle épousait Dmitri, il allait se rendre compte lors de sa nuit de noces qu’Anastasia avait perdu sa virginité. Et il allait réclamer réparation, il allait demander des explications.
Je me mis à réfléchir très vite et leur annonça qu’il était hors de question qu’elle épouse un autre que moi. Je n’eus droit qu’à un rire franc de chacun d’entre eux et ils me laissèrent là. J’étais bouleversé. Je m’enfuis dans la nuit hivernale sur mon cheval et je pleurais alors que je galopais sans savoir où j’allais vraiment. Je savais qu’il fallait que je me batte. Je devais me battre. Parce que je ne supporterais pas que la honte la gagne. Et puis il était tout à fait inconcevable qu’elle en épouse un autre. Je n’accepterais pas. Ce serait me tuer.

Rentré dans notre palais, je me précipitai au petit matin dans le bureau de mon pére, et je lui demandai pourquoi on ne m’avait pas demandé mon avis, pourquoi on ne fiançait pas Dmitri à quelqu’un d’autre. N’importe qui d’autre mais pas Anastasia. Mais mon pére ne sut que me regarder et me traiter d’idiot. Et je compris enfin à son regard qu’il se fichait bien de mon malheur. J’appris alors pourquoi il voulait que nous épousions les filles de Mikhahil Kristianov. Une sorte d’accord signé les liait. Nous leur offrions le titre de princesse en échange d’une dot considérable. C’était pour cela que nos noces avaient sans cesse été repoussées. On nous avait vendus. Tous les quatre, on nous avait vendus. Le pére d’Anastasia la vendait pour un titre, et le mien le faisait pour de l’argent… Mon pére me pria alors de prendre congé, et j’étais bien trop choqué pour tenter à nouveau de trouver une solution qui contenterait tout le monde. Je sus alors ce que je devais faire. Je devais en parler avec Dmitri, il devait savoir pourquoi nous devions les épouser. Il devait se rebeller lui aussi.

Mais rude fut la désillusion qui fut mienne ce jour là. Je pris le chemin des casernes où je savais que Dmitri serait sans nul doute, et lorsque je l’eus trouvé, je lui demandai de m’écouter avec attention. Je parlais très vite et je ne le laissai rien dire. Mais quand j’eus fini de lui raconter, et que je le vis éclater de rire je ne compris pas tout de suite pourquoi il réagissait ainsi. Enfin, je comprenais….mais je refusais de voir les choses en face. Il savait. Oui, il savait. Depuis le début il savait. Et c’est ce qu’il me confirma. Il me traita alors d’idiot, et de naïf. Moi j’ignorais tout…Je n’avais même pas pensé à demander. On m’avait dit que j’épouserais Anastasia, et je n’avais pas cherché plus loin. C’était ainsi, voilà tout. Mais Dmitri savait….

Je tentai pendant une heure de le faire changer d’avis. Je lui parlai de mon amour pour elle, en évitant bien sur de lui révéler que cet amour avait été consommé maintes fois depuis trois ans. S’il devait l’épouser, par malchance, il ne devait pas savoir. Je n’étais pas assez idiot pour révéler les choses ? Mais, Dmitri voulait épouser Anastasia. C’était de lui dont venait cette idée. J’hurlais, je le menaçais mais il riait. A gorges déployées. Je le faisais rire…J’étais meurtri. Mon malheur provenait de ma propre famille. Quelle désillusion ce fut. Je pris alors congé pour ne pas lui sauter à la gorge et me précipitai chez les Kristianov. Fou de douleur, je plaidai ma cause pendant prés de cinq heures auprès du grand ami de mon père. Et je n’obtins rien. J’épouserai la sœur cadette, Natacha. On allait me marier à une enfant. Je refusai de rester plus dans cette demeure et priai les domestiques de faire envoyer tout ce qui m’appartenait chez moi. Je refusai de rester ici. Parce que je refusai de rester dans la tu même demeure qu’un homme qui se moquait du bonheur de sa fille. Il la vendait !! Qui vendrait son enfant ? Et puis…je ne pouvais plus risquer de croiser Anastasia. Je savais qu’il n’y aurait rien de pire que de ne pouvoir lui dire. J’étais lâche...Pour la première fois de ma vie, je me sentais d’une lâcheté sans nulle comparaison. Mais je ne me sentais pas la force de lui avouer que jamais nous ne marierions et que j’avais jeté le déshonneur sur elle. C’était sans doute une des choses qui me hantaient le plus.

Alors pendant trois jours entiers, j’ai tout tenté pour dissuader nos pères respectifs. J’ai offert l’opportunité à mon père d’avoir l’argent de la dot d’Anastasia, refusant de penser qu’à mon tour j’allais l’acheter. J’ai essayé de faire plier son père que je savais un peu moins dur que le mien en lui disant que j’aimais sa fille. Oui, il m’a écouté, mais il a simplement haussé les épaules et s’en est allé. Il se fichait bien de sa fille…Il allait la marier contre un titre à un homme de douze ans son aîné, un homme qu’elle n’aimait pas de surcroit. J’étais si désemparé que j’ai fini par aller voir Alexandre.

Il était mon ami et je pensais qu’il allait m’aider. Je le pensais vraiment…et je me suis trompé. C’était bien la première fois que je trouvais qu’Alexandre se fichait des autres et ne pensait qu’a lui. Je lui ai demandé de plaider ma cause, notre cause à Anastasia et moi. Je lui ai même avoué que nous nous étions aimés bien avant l’heure qui aurait du être la notre, mais il répétait la même chose « je ne peux pas faire ça… ». Il pouvait le faire je le savais. Il était le Tsar, et le Tsar peut tout faire, absolument tout. Non ?

Je suis allé pleurer dans les bras de ma petite sœur, Pavlina. J’ai pleuré sur son épaule pendant des heures. Jusqu'à ce qu’un page vienne avec un pli à mon adresse. Mon père voulait que je les rejoigne au palais des Kristianov. Lorsque j’y suis allé, Dmitri était déjà là triomphant et étrangement j’ai su. Sans réellement me l’admettre vraiment, j’ai su que tout était de sa faute. Mais cet amour fraternel était toujours là. Même après que mon pére m’ait dit la raison de ma venue ici. J’ai cherché à partir, à fuir pour ne pas affronter le regard d’Anya mais on m’a traîné de force dans ce salon.

J’ai reconnu le pas de mon Anya au moment où elle est entrée dans le grand salon privé de Mikhail Kristianov. Je ne pouvais pas lever la tête. Parce que je ne me sentais pas à même d’affronter sa tristesse et son désarroi. Et puis parce que je pleurais et que même si les sanglots qui m’étreignaient faisaient secouer mon corps, je refusais d’offrir ces larmes à la vue de ces trois hommes qui venaient de ruiner ma vie. Ils allaient en réalité gâcher trois vies. La mienne et celle d’Anya. Mais pas seulement…Ils allaient gâcher celle de Natacha. Natacha qui n’avait que vingt ans. Vingt ans…Vingt ans alors que j’en avais trente deux…Douze ans nous séparaient c’était trop. Mais le pire c’est que je ne l’aimais pas. Celle que j’aimais se tenait à quelques mètres devant moi. Abasourdie par le choc qu’on venait de lui assener. Elle n’avait pas semblé comprendre pendant quelques instants. Je connaissais chaque intonation de sa voix. Mais lorsque celle-ci se tordit pour crier, une lame vint s’enfoncer dans mon cœur. Elle avait mal. Elle m’en voulait aussi très certainement de me tenir là devant elle, refusant de la regarder dans les yeux et laissant faire les choses. Pourtant, je savais. Je connaissais leurs intentions depuis quelques jours oui. Mais c’était faux, je n’avais pas laissé faire. Je m’étais battue. J’avais tout tenté. Tout ce qui était en mon pouvoir. Mais cela n’avait pas suffit. Comme si la force de mon amour n’était pas assez pour défaire ces plans.

J’étais un pleutre doublé d’un lâche parce que quand elle a supplié son père, qui l’a raillée en disant que si elle avait pris à m’aimer, elle apprendrait à aimer Dmitri, je suis sorti sans un mot et sans un regard. J’avais tellement honte, j’avais tellement de chagrin aussi. Tant qu’il m’a fallu deux jours entiers pour oser revenir vers elle. Oh je savais qu’elle ne me pardonnerait pas d’avoir laissé faire, mais je voulais m’excuser. C’était tout ce que je pouvais faire. Pourtant, je savais que ce ne serait jamais assez. Elle se moquait de mes excuses, et elle avait raison. Toutes les excuses du monde ne répareraient pas ce qui devait se produire. Je me suis jeté à ses pieds si tôt je l’ai retrouvé et je l’ai supplié de me pardonner. J’aurais pu lui dire tout ce que j’avais tenté pour échapper à ce revirement de situation mais je n’y arrivais pas. Et à quoi aurait ce servi ? Le mal était fait…j’avais échoué comme un incapable. Oui j’étais incapable de protéger notre amour. J’avais même l’impression d’avoir sali son honneur. Je lui avais pris sa virginité et maintenant qu’elle allait en épouser un autre, c’était elle qui serait déshonorée pas moi.

Pourtant, quand je me suis relevé, elle ne m’a pas giflé. Elle s’est jetée dans mes bras en pleurant, et elle m’a déchiré le cœur en me demandant de faire quelque chose. Que pouvais-je répondre à part lui promettre de faire tout mon possible pour arranger les choses. Oui je pouvais encore essayer. Je le devais ! Mais je n’ai pas réussi. Toutes mes tentatives semblaient vouées à l’échec. Dmitri ne voulait rien entendre. Nous nous sommes même battus. A l’épée…J’ai joué mon avenir et mon amour à l’épée et j’ai perdu. Dmitri, lui triomphait. Je savais ce que faisait Anastasia pour repousser l’échéance de ce mariage dont nous ne voulions pas. Elle essayait de gagner du temps pour me permettre de trouver une solution. Mais je n’en avais pas. Je songeai même à lui demander de s’enfuir avec moi… Mais je n’eus pas le temps. Alors que j’allais faire ma demande, on me traîna dans une église et je compris très vite ce qu’il se passait. On nous avait réunis pour le mariage de Dmitri et de mon Anastasia. Deux militaires se tinrent de part et d’autre de moi, et je ne pus bouger. Je dus assister sans rien dire à l’arrivée d’Anya en robe de mariée qui hurlait et se débattait. J’aurais voulu qu’elle voie dans mes yeux l’amour que j’avais pour elle, et combien j’étais désolé.

Ce fut sans doute le pire moment de toute mon existence. Entendre Anastasia hurler, entendre sa sœur, ma fiancée désormais, pleurer et supplier qu’on ne fasse pas ça sans pouvoir bouger ou intervenir fut la pire expérience de toute ma vie. Même les batailles n’auraient jamais eu ce gout d’enfer. Dmitri n’eut aucun geste d’apaisement pour sa future épouse. Au contraire, il semblait aimer la situation et en jouir. Je ne pus me contenir. Je tentai de m’avancer vers l’autel mais mon père m’en barra l’accès. Je savais mon père dur, mais son regard à cet instant là était meurtrier. Alors, incapable d’en supporter davantage j’ai couru et je suis parti. Je suis parti loin de mon Anastasia qu’on avait mariée à un autre. Je ne supporterais pas de la voir avec Dmitri…Le pire pour moi n’était pas la douleur que j’éprouvais mais la honte que je ressentais d’avoir échoué. Je n’avais pas réussi à nous sortir de cette situation. Et bien vite on s’apercevrait sans doute qu’elle avait déjà perdu sa virginité avec un autre que son mari….

Comme lorsque j’avais appris qu’elle ne serait pas mon épouse, j’ai galopé sans m’arrêter une seule seconde. Il n’y avait que mes larmes me brouillant la vue qui me firent ralentir. Je savais que je ne pourrais pas fuir éternellement et que bientôt mes responsabilités me rappelleraient à Saint Petersbourg mais je ne pouvais plus affronter le regard d’Anastasia pour le moment. Pas plus que je ne pouvais épouser sa sœur cadette.

Alexandre me somma de revenir, mon père également mais je refusai. J’avais trouvé refuge en Prusse et bien vite je dus occulter ma vie privée pour soutenir Alexandre. Il venait rencontrer Napoléon. Je mis toutes mes forces dans la bataille diplomatique qui faisait rage. Dissuadant Alexandre de faire encore confiance à Napoléon. Il se chuchotait que l’empereur de France se moquait ouvertement d’Alexandre dans son pays et qu’il n’attendait qu’une erreur du Tsar pour l’humilier. Mais Alexandre ne voulut pas entendre raison, et il se laissa impressionner par le miroir aux alouettes que fut l’accord signé cette année là à Erfurt. Je commençait à craindre qu’Alexandre ne fasse l’erreur de trop mais il n’en avait cure. On ne contredit pas le Tsar…

Pas un seul jour ne passa sans que je fis parvenir à Anastasia une lettre pour qu’elle accepte de me pardonner. J’allai même jusqu'à lui conter toutes les ruses que j’avais tentées en vain. Mais je n’eus aucune lettre de sa part pendant six mois. Alexandre, à notre retour de Prusse pour Saint Petersbourg tenta lui aussi de me faire entendre raison, mais nous nous querellâmes. Qu’en savait-il lui ? Il ne comprenait pas…il n’avait rien fait. Il avait laissé faire. Et il finit par admettre qu’il aurait pu intervenir s’il avait voulu. Ainsi, il n’avait pas voulu…Je crois qu’énormément de choses changèrent en moi. Ma vision des gens n’était plus la même. Tout ce qui m’arrivait n’était du fait que d’une seule personne. C’était Dmitri qui avait demandé à épouser Anastasia. Et c’était sa faute si Alexandre avait refusé d’intervenir. J’aurais pu comprendre que la situation diplomatique ou la vie privée d’Alexandre peu envieuse soit au cœur de ce refus…Mais que Dmitri ait levé une mutinerie prête à se rebeller contre le Tsar si jamais il venait à le contrarier, cela non. Cela dépassait tout à fait l’entendement. Ainsi, Alexandre n’avait pas voulu aller à l’encontre des plans de Dmitri pour éviter une mutinerie qui aurait ébranlé son pouvoir. J’avoue que je comprenais mieux même si cela me blessait tout autant. J’étais son serviteur, et j’étais son ami. Et il attendait plus de six mois pour me dire tout cela ?

Nos relations s’étiolèrent alors à cette époque. Je lui en voulais. Et il m’en voulait de faire passer ma passion pour Anya avant les raisons d’Etat…Oui, cette fois-ci je me moquais bien que l’Empire puisse souffrir d’une mutinerie, même si elle aurait certainement été étouffée par les nombreux partisans du Tsar. Je me fichais bien de savoir qu’Alexandre, après ses multiples défaites militaires avait besoin du soutien de ses soldats…Je m’en fichais…encore et encore…Parce que j’étais terriblement blessé qu’il n’ait pas vu en moi l’ami fidèle que j’avais toujours été.

De retour à Saint Petersbourg, j’eus pour dessein de revoir Anastasia. Je savais pourtant qu’elle n’avait sans doute lu aucune de mes lettres parce que pas une fois elle n’y avait répondu. Mais j’avais besoin de la voir, de lui dire ô combien j’étais désolé. Bien sûr je savais que son cœur m’était sans doute fermé à tout jamais et que la porte de sa demeure me serait sans doute peu aisée à pénétrer mais Dmitri ne pourrait pas refuser de voir son frère, ou de l’accepter en sa demeure. Non, il ne refusa jamais….Il semblait même se délecter, je connaissais bien mon frère. Celle qui refusait de me voir, c’était Anastasia. Je vins chaque jour tenter de lui parler, de l’approcher. Je prétextai souvent une raison, ou quand j’estimais ne pas en avoir de valable, je guettais le départ de Dmitri et je venais la voir. Mais si les domestiques m’ouvrirent la porte et m’accueillirent, ils durent bien vite se sentir gênés de me voir rester des heures parfois sans que jamais Anastasia ne vienne me parler. Son silence, et son rejet me laminaient le cœur, mais je savais qu’elle m’en voulait. J’aurais aimé qu’elle me parle, qu’elle me frappe si elle le voulait. Je voulais tout et n’importe quoi excepté ce silence et cette froideur. C’était plus que je ne pouvais en supporter.

Alors, sur les conseils avisés de Pavlina, je me suis fait porter pâle. C’est elle-même qui s’est arrangée pour qu’anya le sache. Et au fond, ce n’était pas un mensonge. J’étais malade. Malade d’amour. Malade de chagrin et de douleur. La peine était devenue ma compagne favorite. Heureusement qu’il y avait parfois ces obligations de rencontres entre Natacha et moi. C’est grâce à elle sans doute que j’ai persévéré, et que mes journées étaient parfois illuminées. Nous ne faisions que parler d’Anastasia et de son amoureux secret. Nous échafaudions même des stratégies pour ne pas avoir à nous marier. Oui j’appréciais beaucoup Natacha en privé. Mais devant nos pères, nous faisions toujours en sorte d’être en désaccord. C’était notre façon à nous de nous opposer à ce mariage qu’il était hors de question qu’il se déroule. Mais cela ne fonctionna pas….et je mourrai de chagrin jour après jour. Cependant, j’étais loin d’être résigné. J’eus une illumination lorsqu’invité par le Tsar à un dîner informel avec ses plus proches amis et aides de camps, Elizaveta me fit part de son envie de célébrer le premier jour de l’hiver. C’était peut-être parce que dehors il neigeait, et que la neige me rappelait toujours mon Anya qui aimait certainement autant la neige que moi, et ce petit secret que nous avions d’évoquer la neige dans nos conversations pour nous dire que nous nous aimions lorsque nous n’étions pas seuls.

Je fus plus malin que Dmitri cette fois-ci, et je réussis à convaincre Alexandre, qui avait de ce fait une dette enevrs moi, de trouver des occupations hors du Palais d’Hiver durant ce bal. Mu par une ivresse amoureuse, je ne vis qu’elle lorsqu’elle arriva dans la grande salle de bal. Je dus pourtant respecter les convenances et attendre que la première danse se termine pour inviter Anastasia. Elle ne put refuser puisque nous étions en public, et je lui tendis la main. Je m’aperçus alors que ses doigts déjà si fins semblaient l’être encore plus. J’aurais aimé la serrer contre moi et humer son parfum, mais je dus me tenir à une distance raisonnable d’elle. Pourtant, pas une seconde je ne réussis à croiser son regard. C’était comme si elle évitait de me regarder. J’allai même jusqu'à imaginer qu’elle pouvait ne plus m’aimer. Je profitai de chaque seconde où nous nous rapprochions pour lui demander de me pardonner. Mais cela sembla ne pas suffire. Et la danse à peine terminée, elle se réfugia auprès d’Elizaveta et je n’eus pas le temps de la rattraper. J’avais encore une nouvelle fois échoué et je quittai à mon tour le bal. Je savais ce qu’Alexandre allait me dire. Il allait une nouvelle fois me persuader de l’oublier et d’arrêter de me mettre dans une telle position puisqu’elle était la femme de mon frère, mais je ne comprenais pas. J’eus même envie de lui dire que si ses deux enfants légitimes étaient morts c’était la faute de son amour pour Marie. Je me savais pourtant injuste. Marie n’y était pour rien, et c’était même une compagne formidable pour Alexandre, alors qu’Elizaveta n’allait pas toujours bien. Cependant, Alexandre n’eut pas le loisir de me sermonner ce soir là…on vint me chercher. Pavlina et Andrei venaient de perdre leur fille…

Le bonheur semblait avoir été de courte durée pour eux. Et j’en étais très sincèrement triste pour eux. Je crois n’avoir jamais vu Pavlina dans cet état là. Lorsque j’arrivai au Palais des Orlov, je fus secoué par la scène qui s’offrait à moi. Pavlina se tenait en chemise de nuit, le petit être sans vie dans les bras et Andrei les étreignait. Ils pleuraient tout deux la mort de leur petite Macha et je restai interdit pendant de longues minutes. Leur détresse était telle qu’ils ne s’aperçurent de ma présence que lors que je les relevai. Pavlina refusait de lâcher son enfant, et c’est son père et sa belle-mère qui le consolèrent pendant que je tentai de raisonner Pavlina. Macha devait recevoir les soins et la bénédiction d’un prêtre…Nous enterrâmes bien vite Macha et ne sachant comment aider le jeune couple à surmonter cette douleur, je préférai laisser ma mère et celle d’Andrei les entourer de leur amour.

Le plus dur furent les fêtes de Noel cette année là…Personne n’avait l’envie de fêter cela et je ne pus pas approcher Anastasia. Alors qu’avant je m’inquiétais déjà chaque jour du changement opéré chez mon Anya…ce fut pire lorsque Natacha m’avoua trois mois après le bal qu’elle ne voyait presque plus sa sœur ainée. Elle me fit part de son inquiétude, et comme j’étais chassé à mon tour de la demeure de Dmitri depuis qu’il avait su que j’avais dansé avec sa femme et qu’il prétendait qu’elle s’était donnée en spectacle, je n’eus d’autre solution que d’envoyer jour après jour des lettres à Anastasia. Des lettres dont je n’eus même pas la certitude qu’elle les lisait. Et puis, alors que je ne m’y attendais pas, Dmitri a nouveau autorisé et encouragé les allées et venues chez lui. Il m’encourageait à venir même, ce qui pourtant était à mon sens un piège. Mais trop désireux de voir Anastasia, je ne manquai aucune occasion de la voir. Oui, elle avait changé….Terriblement…Mais comment lui dire que je m’inquiétais pour elle alors qu’elle ne me parlait pas, refusait même de me regarder droit dans les yeux. Et puis, je savais que j’aurai été incorrect de lui en faire la remarque en public. Je me sentais acculé de tous les côtés sans avoir de réelle solution…

Sans en connaître la véritable raison, je sentais que je devais éloigner Dmitri d’Anastasia. J’ai alors profité de ma position auprès d’Alexandre pour le contraindre à déployer un régiment hors de Saint Petersbourg, plus en avant vers la Prusse afin ‘enrayer un conflit avec Napoléon qui semblait plus que jamais en passe de se transformer en guerre ouverte. Eloigner Dmitri en déployant sn régiment dont il était en charge me semblait la meilleure solution pour approcher Anastasia. J’avais juste besoin qu’Alexandre réussisse à prendre une décision…
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