LES NUITS BLANCHES DE SAINT-PETERSBOURG
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 Winter roses { MILAN }

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Anastasia K. Nouchkine
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Anastasia K. Nouchkine


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MessageSujet: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeSam 12 Mar - 13:33

La certitude de ma grossesse était maintenant acquise. Éprouvant soudain le besoin de savoir, j'avais consenti à faire venir le médecin, profitant de la courte absence de Dmitri. Ce dernier était parti pour quelques jours, pour je ne savais quelle raison militaire. Il ne parlait jamais de ses affaires avec moi. Parce que selon lui, une femme ne devait pas se mêler des affaires politiques ou militaires. Et puis, j'étais trop stupide pour comprendre ce genre de choses, paraissait-il... Oui, je n'étais qu'une pauvre femme. Une pauvre femme enceinte, maintenant. Au fond, je le savais, mais le médecin m'avait aidé à accepter cette terrible vérité. Cependant, quand il m'avait demandé si j'avais une idée de la date de la conception, afin de pouvoir établir celle de la naissance, j'avais été incapable de répondre. Oui, Dmitri abusait trop souvent de moi pour que je puisse réellement me faire une idée. Mais cela faisait maintenant environ deux mois que je n'avais eu aucun saignement. J'étais donc probablement enceinte de deux ou trois mois, grand maximum. J'avais feint la joie devant le médecin, mais il n'en était rien. Non, je n'étais pas heureuse. C'était la pire chose qui puisse m'arriver. C'était pire encore que mon mariage forcé. C'était me lier définitivement à Dmitri, de la raison la plus abominable qui soit. Avoir un enfant de lui, c'était... c'était terrible. Surtout quand on savait de quelle façon avait été conçu cet enfant. Pauvre de moi, pauvre enfant... Quel genre de vie ce dernier aurait-il ? Avec un père pareil, il n'aurait certainement pas la vie rose... J'avais fait promettre au médecin de ne rien dire. À personne. Et personne n'était encore au courant. Et je comptais le cacher aussi longtemps que possible. Parce que je savais qu'aussitôt qu'on serait au courant, ma vie serait un enfer. Dmitri avait été très clair avec moi, en plusieurs points. Premièrement, j'avais très intérêt à mener cette grossesse à terme, et ne pas faire partie de ces femmes qui faisaient de nombreuses fausses couches. Deuxièmement, si je mettais au monde une fille, il s'arrangerait pour s'en débarrasser, parce qu'une fille ne lui servirait à rien. Et troisièmement, tout ce que je ferais, c'était porter l'enfant et le mettre au monde, il me l'arracherait à peine sorti de mon ventre. Parce que c'était ce que j'étais, un ventre. Rien d'autre. Il n'avait besoin de moi que pour cela. Je n'aurais pas mon mot à dire sur l'éducation de l'enfant, je n'aurais même pas le droit de le voir... En résumé, il m'arracherait mon rôle de mère, en plus de celui de femme.

Je profitai de l'absence de mon mari pour me changer les idées et me rafraichir. Je savais qu'à partir du moment où ma grossesse serait visible, Dmitri m'aliterait de force. Pour avoir toutes les chances d'avoir un héritier en pleine forme. Alors je profitais de mes derniers instants de liberté, de mes derniers jours. Ma santé importait peu à Dmitri. Il lui importait peu que je puisse mourir en mettant son enfant au monde. Il était trop obsédé par l'idée d'avoir un héritier pour se soucier de sa femme. C'était risible, car il avait déjà semé tellement de bâtards... Il lui aurait été tellement facile d'en légitimer un ! Mais non, monsieur tenait tellement à avoir un fils de sang noble qu'il n'avait même pas songé à cette éventualité. Il n'accordait pas la moindre importance à ces enfants là, les considérant plus comme des erreurs qu'autre chose. Il ne les aimait pas, il ne s'en souciait pas. Mais comment pouvait-on avoir si peu de principes ? Mêmes si ces enfants étaient des bâtards, c'étaient des êtres humains, son sang coulait dans leurs veines. Mais non, ce n'était rien d'autre que des erreurs dans sa vie. Enfin, ce n'était pas mes affaires. Du moins, pas encore.

J'avais beau être enceinte, étant donné que je ne voulais pas de cet enfant, je ne faisais pas attention. Inconsciemment, peut-être cherchais-je à m'en débarrasser ? Si c'était le cas c'était tout à fait horrible, mais certainement moins horrible que la vie que risquait d'avoir cet enfant. J'avais donc décidé de me rendre au jardin d'été, pour prendre l'air et errer dans les allées. J'aimais particulièrement y flâner en hiver. Le jardin, entièrement blanc, recouvert par la neige avait quelque chose d'apaisant. C'était encore le seul endroit où la neige ne me rendait pas triste ou mélancolique. Peut-être parce que je n'avais aucun souvenir de Milan et moi dans cet endroit. Voilà pourquoi je souhaitais y aller. Je me suis vêtue chaudement, enfilant une robe d'un gris sombre, cintrée sous la poitrine. J'avais enfilé une paire de bottes et un manteau épais, dont le col était orné d'une fourrure sombre. Ce manteau était un cadeau de ma mère, pour mon vingt-cinquième anniversaire. Anniversaire que je n'avais pas souhaité fêté. Pour quelle raison aurais-je eu envie de le fêter ? Enfin, peu importait. Je suis sortie, consciente du froid qui régnait à l'extérieur. Je trouvais qu'il faisait toujours trop chaud à l'intérieur, à cause des nombreuses cheminées et tentures disposées partout pour retenir la chaleur. Une voiture était déjà prête pour moi, mais je ne désirais pas l'utiliser pour faire le voyage. J'ai demandé à ce qu'on fasse seller mon cheval. Oh oui je savais que cela pouvait être risqué pour une femme enceinte de monter à cheval. Mais je n'en avais cure. Du moins pas pour le moment. Et puis j'aimais trop monter à cheval, c'était encore la seule activité qui me passionnait un temps soit peu. D'autant plus que j'adorais ma monture.

Tasha était une merveilleuse jument d'un blanc de neige, que j'avais eu lorsqu'elle n'était encore qu'une jeune pouliche impétueuse et indomptée. Elle était toujours un peu sauvage, j'avais su m'arranger pour être la seule qu'elle supporte parfaitement. Même les palefreniers expérimentés avaient toujours un peu de mal avec elle. En un sens, elle me ressemblait. Son caractère et son tempérament m'avaient toujours beaucoup plu, même s'il m'avait fallu quelques mois pour la dompter. Mais aujourd'hui, je crois pouvoir dire que nous nous entendions parfaitement, nous nous faisions confiance. Certains trouvaient qu'entretenir une amitié avec un animal était stupide, mais ce n'était pas mon cas. Au moins les animaux sont sincères, naïfs peut-être ?, incapable de mal. Encore que, ma Tasha n'aimaient pas certaines personnes et elle leur faisait sentir. Mais elle ne le cachait pas ! Comme à chaque fois que j'allais la voir, je lui offris un pomme, qu'elle s'empressa d'engloutir. Je me mis en selle rapidement, et à peine ouvrait-on la porte du box que Tasha s'élança au galop.

J'arrivais rapidement au jardin d'été, gelée, mais en même temps grisée par ma chevauchée. Tasha soufflait, secouant sa crinière blanche. À tous les coups, madame souhaiterait brouter le peu d'herbe qu'il y avait dans le jardin, ainsi que les roses d'hiver. Ce n'était pas comme si quelqu'un le lui reprocherait. Les jardiniers s'osaient trop rien dire. Ceux qui avaient essayé avaient manqué de se faire mordre. J'entrais au petit trot dans le jardin, la neige étouffant le pas de Tasha. Je mis pied à terre au cœur du jardin, près d'une fontaine gelée. Il y avait de nombreux couples qui se promenaient, les femmes faisan mine d'être frigorifiées au bras de leurs maris ( ou amants ) pour obtenir leur attention. Leurs rires semblaient égayer le jardin, et malgré moi je souriais. Je laissai Tasha libre de ses mouvements, sachant que de toute façon elle n'irait pas très loin. Elle ne s'éloignait jamais très loin de moi, ou revenait dès que je la sifflais. Tandis qu'elle s'éloignait vers un coin où l'herbe était un peu découverte,je suis allée m'asseoir sur un banc, près d'un rosier. Les roses, d'un rouge vermeil, étaient couvertes d'une fine couche de givre. J'ai cueilli l'une des fleurs, ne sentant pas les épines grâce à mes gants en cuir. Prenant une profonde inspiration, je me suis bêtement mise à arracher les pétales de la fleur un par un, une comptine enfantine dans la tête.

Je relevai soudainement la tête, alors qu'une voix familière arrivait à mes oreilles. Il s'agissait de la voix de Pavlina, la petite soeur de Milan et Dmitri. Nous avions toujours été très amies toutes les deux. Je ressentis soudain le besoin de parler à quelqu'un. Mais alors que je relevai la tête, le pseudo enthousiasme que j'avais ressenti à l'idée de parler à ma belle soeur fut soufflé. Parce qu'elle n'était pas seule. Idiote ! Comment aurait-elle pu être seule, si elle parlait ? Pavlina n'était pas folle, parler seule n'était pas dans ses habitudes. Pire encore, elle était avec son frère, avec Milan. J'eus un soupir. Eh bien, peu importait. Nous pourrions sans doute nous voir plus tard. Je baissai rapidement les yeux, mais trop tard. J'eus le temps de croiser leurs regards. Mais c'était trop tard, ils m'avaient vue. Mais avec un peu de chance, ils passeraient leur chemin. Mais c'était c'était mal connaître Pavlina que de supposer cela.
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeLun 14 Mar - 16:11

L’hiver était rude cette année encore. Non pas que je n’aime pas la neige. Au contraire, j’aimais la neige. Mais j’étais allé la veille mener une petite enquête dans les quartiers populaires de Saint Petersbourg, et j’avoue que j’avais été attristé de voir autant de gens me tendre la main pour que je leur donne une petite pièce ou un morceau de pain. L’hiver durait au grand dam des plus faibles et je ne pouvais pas donner à tous les mendiants sans peine de me voir harceler et entourer par tout un groupe. Voilà pourquoi je n’aimais pas ces quartiers ci. Je ressentais toujours la même impuissance et même si j’essayais toujours de leur venir en aide, en proposant à certaines familles de prendre leur fils pour le faire intégrer l’armée, ou leur fille pour leur trouver une place dans les familles de la bourgeoisie ou de la noblesse qui avaient besoin d’une aide supplémentaire, je ne pouvais pas faire de miracles.

Et comme chaque fois que je rentrais au Palais, je ressentais un vide immense en moi. C’est ainsi que cette nuit là, je refusais d’assister à une soirée donnée par Alexandre et Marie dans la petite villa privée située à deux pas du Palais d’Hiver et que je refusais d’accueillir dans mes appartements les faveurs d’une courtisane qui s’offrait à moi et qui je le savais aurait aimé que je fasse d’elle ma favorite. Je passai alors la nuit à essayer de ne pas me laisser envahir par ce sentiment d’empathie qui s’imposait à moi.

Je fus au petit matin, visité par Andrei qui me demanda de prendre soin de Pavlina puisqu’il partait hors de la Russie pour quelques semaines. Mon beau-frère s’inquiétait pour Pavlina qui se languissait d’accueillir à nouveau un enfant. Pourtant, lorsque je la rejoignis pour le déjeuner dans les appartements occupés par les Orlov que j’avais toujours appréciés, je ne sus comment lui demander si elle allait bien malgré leurs difficultés. J’avais maintenant peur de blesser ma petite sœur. J’étais pourtant soulagé qu’elle m’accueille avec autant d’enthousiasme. Je me laissais alors aller et j’acceptai avec joie une balade à travers les jardins et le parc du Palais. Emmitouflée comme deux enfants, nous partîmes bras dessus bras dessous à travers les allées bavardant gaiement et nous comportant comme deux enfants jusqu'à ce que nous aperçûmes au loin un groupe de courtisanes qui gloussaient en nous regardant. Je savais parfaitement ce que pensait Pavlina de ces femmes alors nous nous éloignâmes. Bien que je reconnus une ou deux jeunes femmes…

Pavlina me conta sa vie d’épouse au sein de la famille Orlov. Visiblement elle était la plus heureuse des femmes, et j’étais soulagé de voir que ma petite sœur réussissait sa vie de femme et qu’elle avait fait un mariage d’amour. Andrei était un homme attentionné et les Orlov faisaient tout pour construire cette unité familiale que nous n’avions jamais connus au sein de notre famille. J’évitais de conter à Pavlina l’entrevue que j’avais eu avec Anastasia quelques jours auparavant. Je préférais passer sous silence cette rencontre avec notre belle-sœur parce que je savais ce que finirait par me dire Pavlina…Elle était la seule à m’encourager de faire la chose la plus folle au monde en enlevant Anastasia et en m’enfuyant avec elle. Nous en avions déjà parlé et j’avais dit à Pavlina qu’elle souffrait de folie. Je ne pouvais pas faire cela. Au mieux, je pouvais obtenir le pardon d’Anastasia. Mais jamais plus elle ne pourrait être mienne. Elle était la femme de Dmitri et je ne pouvais faire cela à mon frère. Je ne voulais pas déshonorer notre famille, quand bien même notre père se chargeait lui-même de nous discréditer auprès du Tsar.

Je n’avais jamais été un homme et un frère très loquace. Bien sûr mes aventures avec certaines courtisanes n’avaient pas échappés a l’œil aiguisé de Pavlina, mais je me contentais de changer de sujet dans ces moments là. Ma vie d’homme devait rester privée, et ce n’était pas avec ma petite sœur que je souhaitais parler de cela. J’écoutais depuis une dizaine de minutes Pavlina me conter les derniers ragots de la Cour qui m’échappaient, quand soudain une silhouette que nous connaissions s’imposa à notre vue. Bien entendu, Pavlina s’empressa de me secouer comme une jeune enfant.

-Oh Milan ! Regarde c’est Anastasia. Allons la saluer !

Je savais que Pavlina vouait une adoration à Anastasia et qu’elle était ravie qu’elle soit sa belle-sœur. La seule chose qu’elle regrettait c’était qu’elle n’ait pas épousé le bon frère. Mais je n’avais aucune envie de voir Anastasia. La voir était un véritable supplice à mon cœur.

-Pavlina, s’il te plaît non. Passons notre chemin.

Je suppliais Pavlina d’une voix malheureuse mais je savais que je n’aurai jamais gain de cause avec ma jeune sœur. Elle était sans doute aussi têtue qu’une mule. Et dans ces moments là je bénissais le caractère indulgent d’Andrei que j’auras volontiers sanctifié de toujours laisser passer à sa femme ses moindres fantaisies.

-Milan…

Ce « Milan » n’avait besoin d’aucun artifice. Je savais ce qu’il signifiait. « Ce n’est pas poli, elle nous a vus, nous ne pouvons l’ignorer. ». Voilà ce que signifiait ce « Milan.. ». Et pourtant je ne pus que lui emboiter le pas lorsqu’elle lâcha mon bras et s’élança vers Anastasia qui je le voyais dans ses yeux cherchait un échappatoire. Je serrai alors les dents.

-Pavlina, je ne te le pardonnerai jamais. Je dirais à Andrei qu’il doit te confiner.

Je savais qu’il n’en ferait rien et qu’il se contenterait de hausser les épaules en guise d’impuissance. Et pourtant, elle mériterait vraiment qu’on la confine de temps en temps.

-Bien entendu Milan, bien entendu…

Sur la pointe des pieds, elle déposa une bise sur ma joue avant de me prendre la main pour courir vers notre belle-sœur.

-Souris !

Il était hors de question que je souris ou que je fasse la conversation. J’étais encore trop affecté par les remarques désobligeantes d’Anastasia. Je me mis alors en retrait.

-Anastasia ! C’est un plaisir de te rencontrer. Nous nous disions d’ailleurs Milan et moi que nous ne t’avions pas parlé depuis des jours et des jours.
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Anastasia K. Nouchkine
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeLun 14 Mar - 20:59

Pavlina avait beau être la femme la plus adorable qui soit, parfois elle ne voyait vraiment pas la vérité en face. Si elle avait été seule, je me serais probablement levée brusquement pour aller à sa rencontre et l'accueillir dans mes bras. Mais là, ce n'était pas le cas, et elle aurait dû se douter que j'avais baissé les yeux à cause de la présence de Milan. Je ne voulais pas me disputer de nouveau avec lui. La dernière fois que nous nous étions vus, cela avait viré au drame, j'avais massacré les rideaux des appartements de Marie, qui heureusement ne m'en avait pas tenu rigueur et les avait fait changer rapidement. Elle savait ce que je vivais et n'était donc pas étonnée de ma réaction démesurée lorsque j'avais vu le regard de Milan, après que je l'ai giflé. Quand j'y repensais, je ne pouvais m'empêcher de m'en vouloir. J'avais toujours eu un côté un peu sauvage, mais pas au point de ne pas savoir encaisser le moindre reproche. J'étais devenue une toute autre femme... Voilà pourquoi j'avais l'impression d'être morte. Intérieurement je l'étais. Mais j'étais la seule à le savoir, pour les autres j'étais devenue une véritable furie, une femme égoïste et impétueuse. J'avais laissé cette femme à la cour, pour devenir cette jeune femme triste et éteinte assise sur un banc, à massacrer une pauvre rose, symbole d'un amour brisé et vraisemblablement perdu pour toujours.

Intérieurement je paniquais, même si je tentais tout pour paraître le plus détendu et le plus souriante possible. Je ne pouvais pas éviter Pavlina, elle était probablement ma seule véritable alliée dans ma belle-famille. Et puis je l'appréciais sincèrement, même si nos relations n'étaient plus ce qu'elles avaient été autrefois. Il faut dire que je n'avais guère le droit de lui rendre visite chez elle. Dmitri s'efforçait de réduire à néant toute vie sociale. Il cherchait toujours activement un moyen de se « débarrasser » de Marie, qui m'appelait trop souvent auprès d'elle à son goût. Fort heureusement, c'était elle la plus forte, car favorite du Tsar, bien qu'il refuse de lui reconnaître ce statut. Dmitri n'aimait que très peu les étrangers, il mettait au même niveau les français nos ennemis et les suédois nos alliés, par exemple. Et il méprisait la moitié du peuple russe. Et dans la moitié qu'il respectait, il n'y avait évidemment aucune femme. Pouvait-on rêver pire mari ? J'aurais préféré épouser un français ! Ils avaient au moins la réputation de traiter les femmes avec un certain égard, même s'ils ne les mettaient pas non plus à égalité avec les hommes. Enfin, vous me direz, j'aurais échangé Dmitri contre n'importe qui, même contre un homme de l'âge de mon père ! Ce dernier avait énormément de défauts, je lui vouais une haine sans nom, mais je reconnaissais qu'il avait toujours bien traité ma mère. Dommage qu'il n'ait pas décidé de faire de même avec ses filles. Il y avait là quelque chose de terriblement injuste. Ma vie n'était de toute façon qu'un infâme tas d'injustices. Je préférais ne pas réfléchir à chacune d'entre elle, sous peine de perdre la raison pour de bon.

Prenant une profonde inspiration, je me levai lorsque Pavlina arriva à ma hauteur, tous sourires. Pour le coup, sa joie m'arracha un véritable sourire. Je l'accueillis dans mes bras pour l'enlacer doucement, comme nous l'avions toujours fait, tandis qu'elle me fit savoir qu'elle et son frère étaient justement en train de penser à moi... J'eus un petit rire, qui, s'il n'était pas moqueur, n'était pas tout à fait sincère non plus. Je penchai la tête vers Milan, avec une expression triste sur le visage.

« Vraiment, vous vous languissiez de moi tous les deux ? »

Il y avait dans mes paroles une ironie que seul Milan aurait pu capter. Je me retins de faire savoir Pavlina que j'avais « parlé » à son frère quelques jours auparavant. Si je prenais parfois un malin plaisir à embarrasser Milan lorsque nous étions seuls, je ne me serais jamais permise de le mettre dans une position délicate en public, ou devant sa famille. Nous affaires restaient nos affaires, elles étaient privées. Quand bien même j'avais parfois très envie de hurler au monde ce que je pensais et ressentais, je n'en faisais jamais rien. Je n'avais pas envie qu'il ne me méprise encore un peu plus. Il ne me regardait même pas, restait plusieurs pas derrière sa sœur. Je voyais que cela l'agaçait. J'en ressentis une vive tristesse, mais je me tus, faisant comme si de rien n'était, préférant continuer à sourire innocemment à Pavlina, qui s'asseyait sur le banc, m'entrainant avec elle. Ce n'était pas plus mal, je me sentais trembler sur mes jambes, j'avais soudai envie de fondre en larmes, me souvenant en regardant Milan que j'étais enceinte, de son frère et non de lui, à mon plus grand désespoir. Je me sentais si mal ! Il me regardait déjà d'une telle façon... Il ne me regarderait plus qu'avec dégout lorsqu'il apprendrait la nouvelle. J'imaginais déjà Dmitri se vanter qu'il aurait bientôt un fils. Son fils tant attendu... Pauvre enfant. Qui voudrait d'un père pareil ? Même un orphelin refuserait d'avoir Dmitri pour père ! C'était comme avoir le diable en personne pour père. Je commençais à plaindre cet enfant à naître. Je n'oubliais pas que c'était aussi le mien, quand bien même son père me rendait malade. Mais je préférais autant ne pas trop m'y attacher, puisque je savais que je ne pourrais jamais m'en occuper comme une mère devrait le faire. Aurait-il pu le porter à ma place qu'il l'aurait fait, rien que pour me retirer tous mes droits de mère. Mais s'il l'avait pu, je serais morte depuis longtemps. Ce qui n'aurait peut-être pas été plus mal.

« Je suis désolée, Pavlina, j'étais un peu souffrante ces derniers jours. »

Ce n'était pas tout à fait un mensonge, il m'avait fallu un certain moment pour accepter la nouvelle de ma grossesse. J'avais beau ne pas y faire attention, j'avais beau faire comme si de rien n'était, cela ne voulait pas dire que cela ne me touchait pas, au contraire, cela m'affectait énormément. Parce que je n'avais de cesse de me dire que les choses auraient dû être différentes. Je pensais que j'aurais dû tomber enceinte de Milan, que j'aurais dû être heureuse pour cet enfant à venir... Je regrettais ces précautions que nous avions prises. Peut-être aurait-il mieux valu que je tombe enceinte à dix-huit ans, et on nous aurait mariés en hâte pour éviter un scandale. Comme il aurait mieux valu ! Peut-être Dmitri aurait-il renoncé à l'idée de m'épouser, et Ekaterina serait toujours en vie... Ah, à quoi bon se languir de quelque chose qui ne serait jamais ? Le présent était ce qu'il était, de pauvres pensées ne changeraient rien à la situation. Je ne voyais plus qu'une solution pour me libérer de tout cela... Mais je n'étais pas encore tout à fait décidée à renoncer à la vie. J'attendais encore un miracle. Après tout, qu'avais-je bien pu faire de si mal pour que Dieu m'abandonne à mon sort ? Si l'amour était un péché, alors c'était là mon seul crime.

Avec un petit soupir, je replaçai mon manteau sur mon épaule et me tassai un peu dans le banc. Je remarquai que Pavlina s'était assise à ma droite, laissant ainsi le loisir à Milan de s'asseoir à côté de moi. Mais ce dernier restait obstinément debout, les bras croisés, à regarder tout sauf moi. J'eus envie de prendre sa main, mais je me suis abstenue, probablement de peur qu'il ne me repousse. Il ne me prêtait aucune attention, ou alors il le cachait très bien. Je préférai me tourner vers Pavlina, qui me regardait avec un air plein de curiosité et craintes mêlées. Sans doute attendait-elle que je lui dise ce qui n'allait pas. Je ne me voyais pas dire sur le ton de la conversation que j'étais enceinte de son frère, mais pas du bon. Je tentai un petit sourire rassurant.

« Rien de grave, juste de la fatigue, probablement un petit virus passager. Tout va bien. »

En effet, le virus était passager. D'ici environ sept mois, j'en serais débarrassée. Sentant les larmes perler au coin de mes yeux, je baissai rapidement la tête, ne souhaitant pas voir notre conversation virer au drame. Je ne voulais pas non plus faire preuve de faiblesse, quand bien même j'aurais voulu pleurer à m'en déshydrater complètement. Je pourrais pleurer sur mon sort plus tard, seule.
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeMar 15 Mar - 22:12

C’était justement le genre de choses qui m’agaçaient le plus chez les femmes. Notamment chez les femmes de la Cour. Sous prétexte que l’on rencontre une personne, il y avait toujours ce « Oh, j’ai pensé à vous à l’instant. Comme c’est merveilleux de vous voir » qui semblait être une phrase convenue cependant elle était totalement mensongère. Anastasia ne devait certainement pas être dupe et aussi intelligente qu’elle l’était elle avait fort certainement vite bien compris que Pavlina se laissait seulement aller aux convenances et exigences de la vie de la Cour. Et puis, Anastasia était depuis un temps un sujet que je préférais éviter d’aborder avec ma jeune sœur. Je campais sur mes positions, mettant en exergue le fait que femme de notre frère Dmitri je ne pouvais pas salir le nom des Nouchkine en mettant en exécution les plans farfelus et fantasques de la dernière née de la fratrie. Il m’était totalement impossible de m’enfuir avec celle que j’aimais. Parce que plus que le déshonneur de la famille, c’était trahir le tsar. Et mon amitié pour Alexandre par la même occasion. Et c’était hors de question évidemment.

Je trouvais cette rencontre parfaitement orchestré comme le voulait l’étiquette. Et cela finissait par m’ennuyer. L’étiquette était déjà quelque chose de terriblement pointu et s’embarrasser de celle-ci alors que nous nous connaissions depuis toujours et qu’Anastasia avait été ma fiancée, et était désormais notre belle-sœur à Pavlina et moi me paraissait stupide. Si je n’avais pas aussi bien connu ma petite sœur, j’aurais réellement pensé que ce n’était qu’une histoire d’étiquette. Mais je savais que derrière ces mondanités se cachait un dessein que seule Pavlina connaissait. Cherchait-elle alors à nous rapprocher en prouvant à Anastasia que je pensais toujours à elle de la même façon qu’il y a deux ans ? Sans doute…Pavlina était une femme têtue, et je plaignais sincèrement son époux. Il avait fort à faire avec Pavlina, mais ils semblaient être heureux d’avoir un équilibre dans leur vie.

Anastasia posa les yeux sur chacun de nous avant de rire un peu nerveusement suite au mensonge totalement effronté de Pavlina. Et la tête penchée, le regard posé sur moi, elle s’adressa pourtant à nous deux. Se languissait-on réellement d’elle ? Pavlina peut-être pas vraiment bien qu’elle ait vraiment une amitié sincère pour elle, mais moi je me languissais d’elle. Depuis deux longues années. Son rire me manquait, ses sourires me manquaient, ses baisers aussi. Et son corps chaud blotti contre le mien la nuit venue…Oui, Anastasia me manquait. Même si les apparences prouvaient le contraire, encore à ce moment là. Je préférais détourner le regard que d’affronter ses reproches et sa tristesse. Parce que moi aussi j’étais fort triste. Mais elle ne semblait pas vouloir le voir.

Plusieurs pas en arrière de ces deux dames, je me tenais là à soupirer après que j’ai vu Pavlina secouer la tête. Je l’imaginais très bien mimer son air de femme offusquée, et j’aurais presque juré qu’elle aurait été capable de pleurer sur commande rien que pour prouver que mettre sa parole en doute l’avait blessé. Il devait être monnaie courante chez les femmes que le mensonge soit apprécié. Puisqu’Anastasia s’empressa de donner une explication à Pavlina après que celle-ci l’ait entrainée sur le banc le plus proche.

Elle s’excusa alors et je me surpris à avancer d’un pas ou deux lorsque j’entendis Anastasia confier à Pavlina qu’elle avait été souffrante. J’avançais alors mine de rien, gardant le même visage fermé et prétextant silencieusement de les protéger d’un quelconque assassin puisque c’était le risque pour la noblesse lorsque nous sortions. Nous n’étions déjà pas en sécurité entre les murs du palais, alors dans ses jardins…Je dois bien avouer que savoir qu’Anastasia ait pu être souffrante m’inquiétait.

Pavlina leva la tête vers moi, m’invitant alors à prendre place. Ce que je n’avais pas vu jusque là c’tait que la chipie s’était assisse de façon à ce qu’en m’invitant à le faire, je ne pus que trouver la place nécessaire de m’assoir a côté d’Anastasia. Ce que je refusai totalement. Je savais pourtant que c’était impoli et inconvenant mais je ne me sentais pas le courage de me trouver à quelques centimètres d’elle. C’eut été surestimé ma force.

Je les laissai alors à nouveau s’enquérir l’une de l’autre. J’écoutais pourtant attentivement ce qu’il se disait. Anastasia qui disait être fatiguée et semblait penser que ce n’était qu’un petit virus et qui rassurait Pavlina. Pavlina qui lui faisait des recommandations d’usage jusqu'à ce qu’elle prononce la phrase de trop.

-Tu ferais peut-être mieux de retourner te repose dans ce cas non ? Ce serait à mon sens plus prudent. Milan pourrait te raccompagner. Moi je préfère rester ici et puis…

Non ! Non, non et non ! Je ne voulais pas raccompagner Anastasia. Pavlina venait de me mettre au pied du mur et de nous piéger. Et j’eus un accès de haine envers elle. Elle connaissait pourtant la situation alors pourquoi cherchait-elle à la rendre plus difficile encore ? Elle se disait sans doute qu’en nous forçant à passer un moment ensemble, nous allions réussir à nous retrouver et qu’on finirait par succomber et que l’on finirait peut-être même par nous enfuir pour nous unir l’un à l’autre.

Alors qu’elle laissait probablement le temps à Anastasia de répondre, une petite voix enfantine nous parvint alors.

-Pavlina ! Pavlina !

A une vingtaine de mètres se trouvait une femme et une petite fille. En l’occurrence c’était une mère et son enfant. La belle-mère de Pavlina accompagnait vraisemblablement sa plus jeune fille à travers les jardins du Palais pour lui faire voir les animaux. Anna Orlov était une belle femme, dotée d’un caractère semblant fait pour la vie de la Cour. Elle avait de jolies manières et je ne l’avais jamais vue avoir un mot plus haut l’un que l’autre. Même lorsqu’elle disputait ses enfants, comme cela allait être le cas avec Aleskandrina, il y avait une douceur dans sa voix.

-Aleksandrina, cesse de crier. Pavlina t’entends tout à fait.

Mais Aleksandrina avait déjà couru jusqu'à nous et s’était précipité dans les bras de Pavlina qui l’accueillait avec joie. Je savais que ma sœur avait souffert de la mort de son enfant, et qu’elle avait trouvé du réconfort chez cette enfant, mais je voyais bien qu’elle aurait aimé elle aussi avoir un enfant à elle. Pourtant, elle ne semblait rien à montrer et donnait à Aleksandrina toute l’affection qu’elle pouvait lui donner.

-Trésor !

Aleksandrina avait pris place sur les genoux de Pavlina.

-Tu viens te promener avec nous n’est ce pas Pavlina ?

Je sus tout de suite que Pavlina tenait là le moyen de nous laisser seuls Anastasia et moi et je n’eus même pas à la regarder pour savoir qu’elle triomphait. Elle devait même bénir Aleksandrina de lui avoir demandé cela.

-Milan, voudrais-tu raccompagner Anastasia, il fait si froid et puisqu’elle est souffrante, mieux vaut qu’elle reste au chaud.

J’allais lui faire payer très cher ce qu’elle venait de me faire. Elle me mettait dans une situation plus qu’embarrassante. Je ne pouvais pas refuser vis-à-vis de l’étiquette et d’Anna Orlov de ne pas m’exécuter. C’eut été un affront de lui dire que je n’en ferais rien, et de proposer qu’Anastasia les accompagne. Surtout que Pavlina avait été très fine en révélant devant témoin qu’Anastasia était souffrante. Je devais bien accorder cela à Pavlina. Elle savait toujours comment arriver au but qu’elle s’était fixée.

-Bien sûr chère sœur.

Mon sourire forcé me trahissait pour ceux qui me connaissaient parfaitement . Je ne m’exécutais que par devoir. Je priais le Ciel qu’un concours de circonstance me fasse demander congé à Anastasia et me libère de cette gêne. Je ne voulais pas affronter une nouvelle crise et de nouveaux reproches de celle que j’aimais toujours. M’approchant alors de Pavlina, qui s’était levée après avoir fait descendre Aleksandrina, je lui murmurai alors à l’oreille, la mâchoire serrée :

-Tu me le paieras très cher Pavlina, très cher !

Elle m’embrassa sur la joue avant de s’éloigner. Je savais qu’elle jubilait…

Je tendis alors la main à Anastasia pour l’aider à se relever, pour ensuite lui proposer mon bras afin de mener à bien ma tâche d’accompagnant. Je ne souriais pas. Pas plus que je ne montrais un quelconque sentiment. Bien ou mal. Je ne pouvais m’empêcher d’être tendu, frissonnant à l’idée qu’Anastasia ne décide de se donner en spectacle.

-Anastasia…
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeMer 16 Mar - 10:51

Je manquai d'avoir un petit rire moqueur. Plus prudent de retourner me reposer ? Non, je ne croyais pas que ce soit plus prudent plus loin j'étais de ma belle-famille, mieux je me portais. Je ne pouvais supporter les regards désolés de Tatiana, ou encore les reproches silencieux dans ceux de Nikolaï. Parfois, je me demandais si ce n'était pas lui qui avait poussé Dmitri à demander la réorganisation de nos fiançailles. Cela n'aurait rien eu d'étonnant. Encore que cela n'avait pas paru déranger Dmitri, qui s'était empressé de faire plier mon père. Je détestais mon beau-père, je l'avais toujours détesté. Même lorsque j'étais fiancée à Milan, je n'avais jamais aimé cet homme, que je trouvais faux et manipulateur. Parfois je me demandais même s'il n'aurait pas poussé son aîné à demander ma main, pour le simple plaisir de torturer son cadet. Une fois, Milan m'avait confié que son père pensait qu'il n'était pas son fils, simplement parce qu'il était complètement différent de lui. Car au fond, en y réfléchissant bien, ils auraient pu – et dû, si l'on respectait les règles – simplement fiancer Dmitri à Natacha. Oh, il ne faut pas croire que je n'étais pas contente qu'elle ait échappé à cela et qu'elle se soit trouvé un homme bien. Non, simplement, mon mariage avec Dmitri était plein d'ombres et de non dit. Il n'y avait aucune logique... Mais ça, j'étais certainement la seule à le voir, car je ne cessais d'y penser, de me demander pourquoi les choses étaient ainsi. Oui, pourquoi ? Jamais on ne me donnerait aucune réponse concrète, j'en avais conscience. Quand je posais la question, soit on ne me répondait pas, soit on me disait que ce n'étaient pas des affaires de femme. J'en étais réduite à l'ignorance la plus totale, pour le bon plaisir des hommes... J'étais née pour servir et obéir, on cherchait à me le faire comprendre. Seulement je ne l'acceptais pas. Car j'étais moi aussi un être humain doué de raison, j'avais des idées, que j'entendais bien exprimer malgré mon sexe. Avait-on déjà oublié le règne de Catherine ? Elle avait fait plier bien des hommes, et c'était à croire que ceux là se vengeaient sur la génération suivante. J'eus un soupir, très léger.

« Non, ça va aller. Je préfère prendre un peu l'air, je suis trop restée enfermée ces temps ci. Et puis je suis certaine que ton frère a d'autres projets que ceux de raccompagner sa f... belle-sœur à la demeure familiale. »

J'avais failli avoir un lapsus mortel, mais Dieu merci je m'étais reprise juste à temps. Je n'y avais nullement pensé. Parfois j'avais du mal à admettre que nous n'étions plus fiancés. Du mal à admettre qu'on avait soufflé dix ans de ma vie d'un coup, comme si ces années là n'avaient jamais eu la moindre importance. Fort heureusement pour moi, une intervention inattendue vint mettre fin à un silence un peu gênant qui s'était installé suite à ma réponse. Je relevai les yeux brusquement, oubliant qu'ils étaient plein de larmes, lorsqu'une voit enfantine nous parvint. J'eus la surprise de voir se présenter devant nous Anna et Aleksandrina Orlov, la belle-famille de Pavlina. Cette dernière avait eu beaucoup plus de chance que moi, tombant dans la famille parfaite. Même sa belle-mère était un ange ! J'eus un sourire, un vrai cette fois, lorsque la petite se jetant dans les bras de Pavlina, malgré les réprimandes de sa mère. Le peu de fois où j'avais côtoyé cette enfant, elle m'avait rappelée l'enfant que j'avais moi-même été, aussi sauvage et désobéissante qu'il était alors possible de l'être. Mais le père de la petite Aleksandrina semblait accepter et aimer le caractère de sa fille, ce qui n'avait pas été le cas du mien. La petite serait certainement très heureuse, et c'était tant mieux. Voir un peu de joie dans ce monde me mettait un peu de baume au cœur.

Néanmoins, j'aurais pâli davantage si cela avait été possible, lorsque l'enfant demanda à Pavlina de les accompagner pour le reste de sa promenade avec sa mère. Si je souriais, je sentis pourtant mon cœur se serrer, comme si quelqu'un chercher à l'écraser. Je serais tombée assise si je ne l'avais pas déjà été lorsque Pavlina accepta, demandant du même coup à son frère de me raccompagner. Il fallait reconnaître qu'elle était douée, elle savait arriver au but tout en douceur et en discrétion, si bien que son cher frère n'eut d'autre choix que d'accepter, tandis que je me forçais à conserver un sourire poli. Malgré moi, et probablement malgré Milan, j'entendis très nettement ce qu'il murmura à l'oreille de sa sœur. Je faillis perdre toute contenance à cet instant, je me retins de hurler et de fondre en larmes simplement à cause de la présence des Orlov. Quelle honte j'éprouvais pourtant. Je n'avais pas dit un seul mot, et j'ai regardé les trois compagnes s'éloigner en riant.

Je relevai les yeux et j'eus une grimace en voyant que Milan me tendant la main. Je voyais bien qu'il n'en avait pas du tout envie, qu'il le faisait parce qu'il n'avait pas le choix. Je n'avais pas le choix non plus, j'imagine. Pourtant je souffrais qu'il ne me regarde pas, qu'il m'ignore totalement. J'avais l'impression d'être une lépreuse, de le dégouter totalement. J'hésitai de longues secondes avant d'oser prendre sa main. À croire que j'avais peur qu'il ne retire la sienne brusquement. Je me relevai doucement, comme si ce simple geste me pesait. Je fus celle qui retira sa main en premier, ne pouvant supporter sa froideur. J'ignorai le bras qu'il me tendit, le geste étant trop dédaigneux. Je m'écartai de quelques pas, passant nerveusement mes mains sur ma robe.

« Ta sœur est partie, tu peux t'en aller. »

A quoi bon l'y contraindre ? Je voyais bien qu'il n'en avait pas la moindre envie, je voyais bien que cette idée le mettait plus en colère qu'elle ne l'enchantait. J'aurais pu profiter de la situation, oui, mais je n'en avais nullement envie. Je voulais être avec lui, oui, mais pas à n'importe quel prix non plus. Être avec lui pour voir la haine et le mépris dans son regard, non, je ne pouvais pas. J'en aurais bien assez lorsqu'il apprendrait que j'étais enceinte. J'en avais déjà bien assez. Je n'avais pas non plus envie de me mettre en colère. La dernière fois m'avait suffi. Je n'avais pas le courage de me mettre en colère, de toute façon. Cette fois, j'étais trop abattue pour cela. J'étais venue ici parce que ces jardins m'étaient encore agréables, je ne voulais pas que cela change. Je ne voulais pas faire de mon dernier refuge un enfer de souvenirs. J'en avais déjà bien assez, bien trop même.

« Je pourrais rentrer toute seule. Je suis venue avec Tasha... »

Je désignai cette dernière d'un geste vague, en face de nous. Elle était trop occupée à massacrer je ne sais quel buisson pour s'occuper de moi pour le moment.

« … Je rentrerai avec elle. Je dirais à Pavlina que tu m'as raccompagnée. »

Je ne doutais pas qu'il saisirait l'occasion que je lui donnais pour s'en aller. Avec un petit haussement d'épaules, je rajustai mon manteau sur mon épaule, et je me laissai retomber nonchalamment sur le banc, comme si de rien n'était. Je m'attends à beaucoup de choses, sauf à fondre en larmes lamentablement, comme une enfant. J'ai d'abord senti les larmes couler sur mes joues, sans vraiment comprendre de quoi il s'agissait, jusqu'à ce que j'ai comme une révélation. Je retirai un gant prestement pour porter ma main à mon visage, comme si je ne comprenais pas dans un premier temps. Quand j'ai compris, je me suis empressée de tenter de les essuyer rapidement, mais j'avais l'impression que plus je tentais de m'en débarrasser, plus il y en avait. C'était probablement stupide de ma part de penser que Milan se n'en rendrait pas compte. Mais peut-être avais-je eu la naïveté de penser qu'il serait parti avant que j'en arrive à pleurer sans même comprendre comment j'en étais arrivée là. Ou plutôt si, je comprenais très bien comment j'en étais arrivée là. Simplement, j'aurais aimé être en mesure de me contrôler, ne serait-ce qu'une minute de plus, le temps qu'il soit parti.
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeJeu 17 Mar - 16:48

C’était sans doute ce que j’avais toujours le moins apprécié chez Anastasia : ses colères. Toujours très violentes, leurs intensités se transformaient bien souvent soit en mépris soit en dégoût. Anastasia était souvent excessive et j’aurais aimé qu’elle apprenne à devenir un peu plus timorée. C’était même étrange qu’elle s’entende si bien avec Marie, la maitresse officielle et la favorite d’Alexandre. Bien sûr cette fougue avait souvent permis des réconciliations intimes entre nous, mais maintenant qu’il ne nous restait même plus ça nous avions tout perdu. Je ne pouvais lui dire tout ce que j’avais sur le cœur sans manquer de respect à mon frère et à ma famille, et elle aurait voulu que je passe outre cette obligation de réserve. J’avas essayé subrepticement, mais jamais elle n’avait répondu à mes lettres. J’avais alors depuis trois mois cessé toute correspondance à sens unique. Je me disais qu’elle ne voulait plus rien savoir de moi alors je recommençais à vivre ma vie. Sans elle…

Mais là, cette main que je lui tendais, j’appréhendais qu’elle la prenne. Non pas que je ne voulais pas qu’elle le fasse, mais j’étais terrifié à l’idée d’avoir un élan d’amour pour elle et d’avoir un geste ou un regard malheureux, alors que bien des regards semblaient maintenant tourner vers nous. Je priais réellement le ciel qu’elle prenne ma main sans faire le moindre esclandre. Pourtant lorsque sa main se posa sur la mienne, ce fut comme si plus rien n’importait sur terre. Sa peau contre la mienne sembla me donner des décharges. Je ne réagis pas lorsqu’elle se releva, encore trop choqué et heureux d’avoir senti sa peau.

Cette peau que j’avais si longtemps caressée, admirée, serrée contre moi. Et alors que j’allais me laisser aller à un sourire maintenant que je me sentais enfin bien, elle retira sa main comme elle m’aurait retiré le cœur, comme elle me l’avait déjà retiré en réalité. La dégoutais-je tant que ça qu’elle ne supporte pas le moindre contact avec moi ? Sans doute…Sinon elle ne se serait pas éloignée de moi comme elle venait de le faire. Je venais tout simplement d’avoir l’impression qu’une fois encore elle me repoussait, et même si je n’en montrais rien j’étais profondément blessé de son attitude. Pensait elle vraiment que maintenant que Pavlina était partie, j’allais manquer à ma parole et la laisser ici. Bien sur j’aurais très bien pu le faire. Puisque je me doutais qu’elle n’en dirait rien à Pavlina et qu’elle mentirait sans doute. Mais je n’avas qu’une parole, quand bien même les choses m’étaient insupportables à réaliser, je menais à bien ce qu’on m’avait commandé de faire. Un parfait petit soldat diraient certains, et c’était cela évidemment. J’avais été élevé et instruit pour commander et être commandé, et même si mon rôle dans l’Empire était tout autre, on ne renie pas ce que l’on a appris.


Voyant certainement que je ne m’éloignais pas et que je restais à attendre qu’elle prenne mes bras et que je puisse ainsi la raccompagner, elle a cru bon de me dire qu’elle était venue avec sa jument. Tasha. Ce simple nom suffisait malgré moi à m’arracher un sourire. Fidèle Tasha. Sublime Tasha. Elle appartenait à Anastasia depuis prés de huit ans, et c’était elle qui l’avait éduquée et soignée. Cette jument aussi blanche que la neige qui recouvrait les allées des jardins était sans doute aussi impétueuse que sa maîtresse, mais lorsqu’elle vous donne son amitié, elle ne la reprenait jamais. Je la cherchais alors des yeux, me souvenant avec quels yeux emplis d’amour, je les regardais toutes deux lorsque nous partions en balade. Je la vis enfin et la nostalgie s’empara de moi. Comme ces balades me manquaient. Comme cet esprit de liberté me manquait. Je me sentais oppressé et attaqué de toutes parts. Peut-être parce que le soir venu je n’avais plus personne pour panser mes blessures ou simplement tenir entre mes bras afin d’oublier à quel point ce monde était violent.

Trop absorbé sans doute par mon propre chagrin et ma solitude de chaque instant, bien que les apparences soient souvent trompeuses puisque l’on me voyait aux bras de courtisanes, je ne remarquai pas qu’Anastasia avait repris place sur le banc. Et encore moins qu’elle pleurait. Combien de temps m’étais je laissé aller aux souvenirs pour manquer de voir que la caractère ambivalent d’Anastasia avait fait refait surface ? Avais-je perdu connaissance pour manquer cela ?

Il ne me fallut qu’une seconde pour parcourir les quatre mètres qui me séparaient du banc. Et un seul mot pour que mon attitude glaciale ne s’envole. Il fallait croire qu’Anastasia déteignait sur moi et que je devenais moi-même aussi changeant qu’elle. Plus que sa fatigue feinte, ou les excuses données à Pavlina c’étaient ses larmes qui ne pouvaient que m’alarmer. Aussitôt mon cœur se serra alors qu’elle tentait vainement de sécher les larmes salées qui inondaient ses joues pâles que même le froid n’arrivait à faire rougir.

-Anya…

Arrivé devant elle, je faillis la prendre dans mes bras avant de me rappeler qu’elle n’était plus ma fiancée et que j’aurais forcément des gestes amoureux envers elle si je la réconfortais. Je ne pourrai aller contre mon amour pour elle. Et je doutais que les regards ne se soient détournés de nous. Les gens savaient que nous avions été fiancés, et qu’elle était maintenant la femme de mon frère Dmitri. Je ne pouvais laisser les gens colporter des ragots sur ce qui pourrait se passer si je la prenais dans mes bras.

Je luttais comme un fou pour ne pas succomber à ce que j’avais terriblement envie de faire. C’était totalement absurde d’avoir peur que mes gestes si dérisoires soient ils puissent me faire aussi peur. Je ne savais comment me comporter. Je voulais m’agenouiller à ses pieds mais les gens auraient pensé certaines choses. Et si je m’asseyais seulement à côté d’elle en la prenant dans mes bras, on en dirait d’autres. C’était affreux de se sentir ainsi acculé. J’aurais presque eu envie de pleurer tellement j’enrageais de ne pas maitriser rapidement la situation.

Je ne pouvais pas la laisser dans un tel état. Pas seulement parce qu’elle était ma belle-sœur mais parce que je l’aimais tout simplement. Je l’aimais, et même si je ne le montrais pas, et n’avait rien dit quand elle avait dit à Pavlina avoir été souffrante, j’étais inquiet. Plus encore alors qu’elle fondait en larmes et qu’elle ne semblait pas réussir à retenir ses larmes. Je pris la voix la plus neutre possible, sachant pertinemment qu’on nous écoutait attentivement.

-Anya je t’en prie, laisse-moi te raccompagner.

Je me penchai alors vers elle et ma voix se fit beaucoup plus douce, teintée d’inquiétude que je ne pouvais plus dissimuler.

-Allons à l’Hermitage. Nous y serons à l’abri des regards au moins.

Je ne voulais pas qu’on dise d’Anastasia qu’elle était infidèle et qu’elle soit ainsi mise au banc de la Cour. Je ne voulais que son bonheur et son intégrité. Mais j’avais besoin de passer un moment avec elle, et de la consoler sans risquer que les gens mal intentionnés aillent mentir et prétendre des choses. Je voulais pouvoir la tenir dans mes bras en toute discrétion. Si seulement elle me laissait faire…

-Elizaveta y sera certainement mais elle ne dira rien. Allons-y tu veux bien ?

J’étais toujours penché, le visage prés de son oreille et il m’aurait été très aisé de laisser mes lèvres s’aventurer dans son cou, et je devais faire preuve d’un contrôle total a cet instant là. Mais je n’étais pas un surhomme. Et si elle ne se décidait pas, je ne sais pas si j’aurais longtemps le courage de résister à ce que me dictait mon cœur.
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeSam 19 Mar - 14:26

Je pleurais. Je pleurais ! Depuis combien de temps n'avais-je pas pleuré ? Depuis combien de temps ne m'étais-je pas autorisée à pleurer ? Certainement très longtemps. Et d'autant plus longtemps que je ne m'étais pas laissée aller devant quelqu'un. Je faisais toujours de mon mieux pour dissimuler mes sentiments. Je cherchais en permanence à paraître plus forte que je ne l'étais en réalité. Par orgueil. Tout simplement par orgueil. Cela avait toujours été un de mes défauts, j'en avais conscience. Oui, j'étais fière et orgueilleuse, comme toute bonne princesse se doit de l'être. Simplement, loin d'avoir la vie rêvée d'une princesse. Sans doute cherchais-je à préserver les apparences. Je ne voulais pas apitoyer les gens. Car de toute façon, qu'aurait-on fait pour moi ? On m'aurait plainte, et je n'avais pas besoin de cela. À quoi bon ? Les larmes et les paroles d'excuses ne m'aideraient pas, et je ne voulais pas ajouter la honte à mes fardeaux. Voilà pourquoi je tentais désespérément de sécher mes larmes, plus encore devant Milan. Sans doute ne comprenait-il pas pourquoi j'étais si malheureuse. Pour lui son frère était quelqu'un de bien, quelqu'un de respectable... Quelqu'un qui m'aimait. Oui, pourquoi supplier de m'épouser, s'il ne m'aimait pas ? Son frère était un merveilleux comédien, qui saurait faire croire à une mère que ses enfants ne sont pas les siens. Sans doute étais-je la seule à voir clair dans son jeu. La seule à savoir qui il était vraiment... Ah, si seulement Vassili pouvait emmener ma sœur loin d'ici ! Là, je pourrais avouer la vérité au monde entier ! Parfois, pendant les réceptions, les bals, j'avais tellement envie de hurler la vérité, de faire savoir au monde quel homme était réellement leur cher Dmitri... Le plus dur, c'était probablement de devoir dire « oui », aux femmes toutes souriantes, qui disaient avec une pointe de jalousie : « comme vous avez de la chance d'avoir un mari si bon et si héroïque ». Un jour, j'avais éclaté d'un rire nerveux devant une jeune fille de dix-sept ans en totale admiration devant Dmitri. Seigneur Dieu ! Pouvait-on être si naïve ? J'aurais volontiers échangé mon quotidien contre le sien. Que pouvait-il y avoir de désagréable dans sa vie ? Oh oui, se faire courtiser ! Comme c'était désagréable... Je ne me sentais même plus flattée quand un homme me regardait avec envie. Cela m'effrayait maintenant. Lorsqu'un homme me faisait des avances plus ou moins dissimulées, ma première réaction était toujours de m'excuser et de m'en aller prestement, me demandant avec une inquiétude non dissimulée ce que me ferait Dmitri s'il l'apprenait.

Je commençais à trembler nerveusement, car je ne parvenais pas à sécher mes larmes. Je ne voulais pas me donner en spectacle. J'avais conscience des regards posés sur moi, sur nous. Je ne voulais surtout pas que de nouvelles rumeurs circulent. Les femmes inventaient des tas de choses à partir d'un simple geste, d'un simple regard. La plupart devaient savoir que Milan et moi avions été fiancés très, très longtemps. Car nous avions l'habitude de nous afficher ensemble à une époque. Nous étions très proches, à la cour j'étais toujours accrochée à son bras, un sourire aux lèvres. Et même si nous nous efforcions toujours d'être discrets, certains avaient dû être témoins de baisers que nous nous volions de temps à autre. Alors si on nous voyait ensemble, à coup sûr on se ferait des idées. J'aurais pourtant aimé que les rumeurs soient vraies, pour une fois. Oh, cela ne m'aurait pas dérangé outre mesure qu'il se passe quelque chose entre Milan et moi. Mais malheureusement, cela faisait bien longtemps qu'il n'y avait plus rien eu entre lui et moi. Cela faisait presque deux ans que rien ne s'était passé... Et malheureusement, je doutais qu'il puisse se passer quelque chose. La faute à ce que j'étais devenue, la faute aux principes de Milan... Pourtant l'amour que je lui portais n'avait pas changé, lui. En revanche, je me demandais s'il m'aimait toujours autant... S'il m'aimait toujours. Il avait tellement de maîtresses... Et plus un regard pour moi, moi qui lui avait tout donné... Mon coeur, mon âme, ma main, ma virginité même... Tout ça pour me retrouver complètement seule et abandonnée des années après... Comme c'était triste et pitoyable.

Je relevai soudain les yeux, avec un air tout à fait stupéfait lorsqu'il me demanda de le laisser le raccompagner. Mais que faisait-il encore là ? Pourquoi n'était-il pas encore parti ? J'aurais cru qu'il sauterait sur l'occasion, lorsque je lui avais dit qu'il pouvait s'en aller s'il n'avait pas envie de me raccompagner. Je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'il change de comportement tout à coup. Je ne le comprenais pas. À quel jeu jouait-il avec moi ? C'était tellement cruel de m'ignorer, pour ensuite jouer à l'amant inquiet. C'était cruel ! J'aurais dû hurler, me mettre en colère... Mais je ne pouvais pas, pour une raison qui m'échappait. Sans doute étais-je trop bouleversée pour pouvoir m'énerver réellement. Et puis je n'avais peut-être pas envie de me mettre à hurler non plus. Je ne voulais pas de scandale, non plus. Peut-être devrais-je même profiter de la bonne humeur de Milan pour passer un moment avec lui. Un dernier moment, avant qu'il ne me regarde avec dégout... J'eus un léger sursaut lorsqu'il se pencha vers moi. Pour un peu je crus qu'il allait m'embrasser. Idiote... Il voulait simplement me dire que nous pouvions aller à l'Hermitage pour être à l'abri des regards. Je fronçai les sourcils. Qu'entendait-il par là ? La dernière fois qu'il m'avait dit une chose pareille, c'était lorsque nous étions encore fiancés, et alors nous étions loin d'être angéliques... Je sentais que ses lèvres étaient tout près de mon cou, il n'aurait fallu qu'un geste malheureux de ma part pour que cela ne dérape malencontreusement...

Je me suis levée brusquement, manquant presque de heurter Milan de plein fouet.

« Oui, oui, bien sûr, allons-y. »

Gardant les yeux baissés une minute, je lissai ma robe nerveusement, et glissai mes mains dans mon dos pour resserrer un peu la ceinture de ma robe. Puis je rajustai mon manteau sur mes épaules. Comme si je cherchais par tous les moyens de gagner du temps. J'avais un mauvais pressentiment, pour je ne sais quelle raison. Pourquoi m'emmener à l'Hermitage et pas directement chez nous ? Oh, peut-être pour rien, rien du tout... Simplement parce que c'était plus près que chez nous, voilà tout. Il n'y avait aucune autre raison. Je ne voyais même pas pourquoi je pensais à de telles idioties. Une fois que nous serions au chaud, probablement me laisserait-il là bas et demanderait une voiture pour moi. Je devais cesser de rêver et de me faire de fausses idées. Cela ne pouvait que me faire souffrir davantage. Avec un petit soupir, je passai mon bras sous celui de Milan. Autrefois, j'en profitais pour me blottir contre lui. Ce n'était pas le cas cette fois ci. Pourtant ce n'était pas l'envie qui m'en manquait. Oh non, loin de là... Jetant un coup d'oeil en arrière vers Tasha, je l'appelais en sifflant doucement. Elle accourut en trottinant doucement, secouant la tête. De ma main libre je saisis ses rennes, parce que connaissant madame, elle s'arrêterait tous les dix mètres pour brouter quelque chose. Heureusement que l'Hermitage n'était pas très loin. Le trajet me parut pourtant terriblement long, je n'osais dire un mot à Milan, pas plus qu'il n'osait m'en dire un, apparemment. Comme c'était triste. Des années en arrière, nous aurions ri, nous nous serions probablement roulés dans la neige comme des enfants en bas âge. Aujourd'hui nous étions aussi froids que la neige.

Arrivés à l'Hermitage, nous y avons été reçus comme il se doit. J'étais étonnée que le palais soit si... vide ? Il me semblait qu'au temps de Catherine cet endroit était toujours plein de monde, toujours animé. Il semblait qu'Alexandre le délaissait, et qu'il était devenu le refuge de la Tsarine pour éviter de voir son mari se pavaner avec des courtisanes. J'avais énormément d'affection pour Marie, mais je me mettais à la place d'Elizaveta aisément. Ce ne devait pas être rose pour elle tous les jours... J'ai laissé Tasha au palefrenier, et madame n'a pas semblé très contente de devoir rentrer à l'écurie pour un temps. La voir se débattre et faire sa sauvage me faisait sourire. Nous sommes donc rentrés à l'intérieur, et les domestiques se sont précipités pour prendre nos manteaux. Je les ai priés de ne pas déranger Elizaveta, de simplement nous conduire à un salon où nous pourrions nous réchauffer pendant un moment. Ils avaient visiblement l'habitude de recevoir des invités à l'improviste, car ils se sont empressés de nous conduire à un petit salon privé, où un feu chaleureux brulait dans la cheminée. Je me suis laissée tomber sur un divan, avec un soupir, tandis que Milan s'asseyait à côté de moi, droit comme un I, visiblement gêné de se retrouver seul avec moi. J'étais pourtant presque étonnée qu'il soit encore là, qu'il ne se soit pas encore parti loin d'ici, loin de moi.

« Milan... Il faut que je te dise quelque chose... Quelque chose qui risque de tout changer... Définitivement cette fois ci. »

Ma grossesse. Je préférais le lui dire moi, finalement. Avant que les rumeurs ne déforment la vérité. Je voulais qu'il entende ce que j'avais à dire. Je voulais qu'il voit à quel point cela me désespérait de devoir porter l'enfant de son frère. Parce que ce n'était pas le sien... Avec un soupir, je glissai ma main sur sa cuisse, avant de prendre sa main dans la mienne.

« Mais avant, j'aimerais... J'aimerais que tu m'embrasses. S'il te plait, embrasse moi encore une fois. »
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeMar 22 Mar - 13:36

Sa peau avait toujours le même parfum. C’était un mélange de rose et de citronnelle. Bien sûr les deux réunis faisaient penser à quelque chose d’étrange, mais ce mélange sur la peau d’Anastasia était sans doute le parfum que je préférais au monde. C’état naturel. Comme mon envie de poser mes lèvres sur sa peau et de me laisser aller à mes sentiments. C’était pour ça que j’avais évité tant de fois pendant les deux dernières années de me trouver avec elle. J’avais peur que mes regards me trompent oui. Mais ce n’était pas seulement ça. J’avais surtout peur que mes gestes maintenant s naturels avec elle me reviennent. Elle était désormais la femme de mon frère, et je n’avais plus le droit de passer une main dans son dos ou de me pencher à son oreille pour lui glisser un mot doux. Ce droit était maintenant réservé à un autre. Et cela pouvait se passer sous mes yeux sans que je n’aie pas le moindre mot au chapitre. Comment aurais je pu être serein et être resté le même après tout ça ? bien sur que non…Cela m’avait changé…Seul mon amour était toujours là.

Mais mon amour fut bousculé comme mon corps le fut lorsqu’Anya se leva. Je ne savais plus où je me trouvais durant l’espace de trente secondes. Je dus paraître idiot à me tenir dans la même position devant un fantôme. J’avais même fermé les yeux pour respirer encore son odeur, mais elle avait disparu. Si bien que je me suis relevé à mon tour, et lorsque je me suis retourné, Anastasia était devant moi et passait un bras sous le mien. Il me fallut à nouveau un sang froid monumental pour mettre un pied devant l’autre et avancer d’un pas coutumier. Avec Anastasia à mon bras, et ces regards que je sentais plus que jamais, j’avais la sensation de marcher sur des œufs. Je ne voulais pas qu’on nous soupçonne. Parce que s’il y avait soupçons il y aurait forcément quelqu’un pour nous suivre. Et je ne voulais pas qu’on nous suive et que des bruits de couloir non-fondés sur notre destination ne se fassent entendre dans Saint-Petersbourg. Ma vertu s’en moquait, mais pour celle d’anastasia je ne voulais pas de ça.

Tasha est arrivée peu après qu’Anastasia la siffle et j’étais trop affairé à garder mon sang-froid pour apprécier réellement la présence de la jument. Et puis lorsqu’elle se trouvait à proximité de sa propriétaire, Tasha ne semblait plus rien voir d’autre. Nous marchions en silence et je tentai de me montrer impassible pour que les bruits de couloirs ne soient que des « il semblait simplement poli, il n’avait pas l’air heureux d’être avec elle ».N’importe quoi qui puisse éviter de la discréditer et qu’elle perde sa place à la Cour. Je savais qu’au fond c’était important pour elle. Etre la dame de compagnie de Marie était déjà assez scandaleux en soit comme ça, inutile d’en rajouter en la faisant considérer comme une fille de peu de vertu. Anastasia était désormais une Nouchkine, et je me devais de faire glorifier mon nom. Même si elle n’était pas ma femme…Hélas…

L’Hermitage finit par se dresser devant nous et je me dis qu’il allait bientôt falloir que je comprenne ce qu’il se passait. C’était en quelques jours la deuxième fois qu’Anastasia fondait en larmes devant moi et je voyais ça maintenant, en réfléchissant en chemin, comme un appel au secours de sa part. Ce que je ne comprenais pas c’était pourquoi elle se sentait ainsi. Elle avait tout pour être heureuse. Dmitri aimait sa femme. Je doutais qu’il puisse en être autrement. Même si c’était dur pour mon pauvre petit cœur, il devait l’aimer. Sinon, je doute qu’il se soit battu avec moi de cette manière pour l’épouser. Et même s’il ne le montrait pas en public avec de nombreuses effusions de sentiments, Dmitri devait l’aimer. Tasha fut confiée à un palefrenier tandis que nous entrâmes ensemble dans l’enceinte du bâtiment.

J’y venais souvent. Pour des affaires autant publiques que privées. Je savais qu’Elizaveta était toujours là. Depuis plusieurs années, elle désertait le Palais d’Hiver et j’étais sans doute le seul dans la confidence. Elle ne supportait que peu les regards jetés sur elle. Elle n’aimait pas faire pitié et préférait vivre loin des regards de tout un chacun. Ici, elle avait fait le vide. Peu de personnes étaient autorisés à demeurer dans les pièces de l’Hermitage. Elizaveta avait rapidement donné ses ordres aux domestiques. Ils me connaissaient. Mais alors que j’allais leur demander de ne pas déranger pour le moment Elizaveta, Anastasia m’a pris de cour et je l’ai laissé faire. Sous les ordres d’Anastasia, nous fumes conduits vers un petit salon, et je savais qu’il était à l’opposé des appartements qu’Elizaveta occupait. Anastasia le savait-elle ?

Dans tous les cas, j’aurais pensé que nous retrouver seuls sans les regards des gens de la Cour, j’allais me détendre, mais je sentais que c’était pis. M’asseoir prés d’elle était difficilement supportable et mon corps tout entier se rigidifia sans que je ne m’en aperçoive. J’avais terriblement peur d’outre passer la limite et de laisser mes sentiments parler pour moi. Je savais ce que me diraient certains. Qu’après tout, nous avions été fiancés, et que les adultères étaient monnaie courante dans notre milieu social. Seulement, je ne voulais pas de ça pour anya. Elle méritait mieux que d’être une femme infidèle, et la maîtresse de son beau-frère.
Perdu dans cet océan de convenances, je ne l’entends qu’à peine me dire qu’il fallait qu’elle m’avoue une chose. Une chose qui selon elle changerait définitivement tout. Tout ? Tout entre nous ? Tout, tout ? Je ne comprenais pas ce qui pourrait déjà changer. Tellement de choses avaient déjà changées entre nous. Il y a deux ans nous étions amoureux et fiancés, nous nous adorions, et l’instant d’après tout avait disparu et je me retrouvais à devoir la considérer comme l’épouse de mon frère et à me comporter avec elle en frère. Mais ca m’était impossible. Je ne pouvais…alors je me montrais froid et distant.

Pourtant lorsque sa petite main frêle aux doigts parfaits se glissa sur ma cuisse, je ressentis une décharge et ce fut comme si j’avais le souffle coupé. J’étais maintenant aussi innocent, naïf et idiot qu’un jeune jouvenceau puceau. Je me retenais à grand cris de ne pas laisser le désir d’envahir. Mais c’était sans compter sur Anya. Anya qui glissa alors sa main dans la mienne et me demanda de lui offrir un baiser. Je dus paraitre absolument idiot à la regarder interdit pendant quelques instants, mais sa demande me choquait.

Et pourtant…oui pourtant…je ne réfléchis pas une seule seconde et mis aux oubliettes le temps d’un léger baiser toutes mes considérations. Ce fut certainement aussi violent que si l’apocalypse avait retenti. Je serrai Anastasia contre moi, mes mains entourant sa nuque, et mes lèvres vinrent se fondre en un éclair contre les siennes. C’était passionné. Et ca ne l’avait certainement jamais été autant. Deux ans…deux ans…deux ans que je n’avais pas ressenti cela. Hélas…la raison l’emporte toujours…Et alors que je sentais ma compagne défaillir je mis fin brutalement au baiser.

-Excuse-moi. Excuse-moi, je ne peux pas.

Je ne me contentai pas seulement de reculer, je me précipitai de l’autre côté de la pièce. Loin d’elle. Loin de tout ce qu’elle faisait surgir en moi. J’avais eu envie d’elle. Terriblement. Ce baiser avait réveillé non plus mon amour pour elle mais mon désir. Mon désir le plus primaire, le plus charnel. J’avais envie de pleurer tellement la douleur était intense. Se rendait-elle compte de ce qu’elle m’avait demandé ?

Lorsque je réussis enfin à me tourner vers elle, la main posée sur les tentures murales, et cherchant à m’y accrocher du mieux que je pouvais, je la suppliais du regard. Elle ne pouvait pas faire cela. Je ne pouvais pas faire cela. Il fallait que je m’éloigne d’elle. Je n’avais pas le choix, c’était bien trop dangereux pour elle. J’aurais certainement béni Elizaveta si elle était entrée à cet instant, mais personne ne vint me délivrer. Et tout ce que j’avais étaient des sanglots dans la voix.

-Rester seul avec toi, c’est trop pour moi…Trop dur…Trop de souvenirs. Je ne peux pas…
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeMar 22 Mar - 20:54

J'attendais avec une impatience et une crainte non dissimulée qu'il accède à ma demande. Lui en demandais-je tant que cela ? Je ne voulais qu'un malheureux baiser. Un malheureux baiser, un vrai baiser, comme je n'en avais pas eu depuis bientôt deux ans. Dmitri n'était pas homme à embrasser sa femme tendrement. Dieu merci, sa main était plus souvent sur ma bouche que ses lèvres. Il fallait bien qu'il m'empêche de hurler alors qu'il me prenait de force, n'est-ce pas ? Je me souvenais de ce temps où je passais des heures dans les bras de Milan, à l'embrasser encore et encore. Quand nous n'étions pas d'accord l'un avec l'autre, rien de plus simple que de s'embrasser pour couper court à la conversation. Milan m'embrassait pour tout... Plus encore que ses baisers, sa présence la nuit à mes côtés me manquait terriblement. Ce n'était pas tant la sensualité de sa présence qui me manquait. C'était surtout sa façon de me rassurer et de me prendre dans ses bras. Ne pas devoir dormir seule me manquait. Aujourd'hui je n'avais plus droit qu'à des draps froids, visités de temps en temps par Dmitri qui repartait toujours une fois sa besogne accomplie. Je dormais toujours seule. J'avais même développée une certaine peur du noir, si bien que je ne m'endormais jamais qu'avec une chandelle allumée. J'en étais réduite à craindre ma propre ombre. Que n'avais-je pas appris à craindre ? Je me sentais comme une bête que l'on conduit à l'abattoir... Encore, j'aurais peut-être préféré cela. Je craignais déjà que des rumeurs n'arrivent à l'oreille de Dmitri. Si les domestiques avaient la langue trop bien pendue, sans nul doute qu'il apprendrait que j'étais venue seule avec son frère à l'Hermitage. S'il l'apprenait, ma tête risquait fort de rebondir contre le mur de ma chambre plusieurs fois de suite. Il était si violent que je me demandais encore pourquoi il ne m'avait jamais rien cassé, ou pourquoi il ne m'avait pas encore tuée par accident. Non pas que je veuille particulièrement mourir de sa main, mais c'était étonnant. Et inquiétant. S'il faisait là preuve de retenue, qu'en serait-il si un jour il était vraiment fou de rage ? Oui, c'était bien ça le pire. Quand il me traitait de la sorte, il n'était jamais que « contrarié». Contrarié. Autant dire que le jour où je le mettais en colère, je finirais au cimetière dans l'heure. J'étais frêle, pour se moquer de moi Milan me disait autrefois que j'étais un petit oiseau. C'est facile de briser le cou d'un petit oiseau.

Difficile de dissimuler ma surprise lorsque je me retrouvai brusquement entre les bras de Milan, qui m'avait attirée à lui sans crier gare. Je fus tellement estomaquée qu'il cède que je me retrouvai inerte entre ses bras quelques secondes, avant de passer mes bras autour de lui alors qu'il consentait à m'embrasser. Le temps que cela dura, j'eus l'impression de renaitre. Ses lèvres étaient encore fraiches à cause du froid dont nous venions à peine de sortir. Je ressentis une soudaine passion dévorante, qui alluma un feu en moi. J'eus l'impression d'avoir pris feu aussi facilement qu'une allumette craquée. Seulement voilà, je fus également soufflée aussi vite qu'une allumette.

Je restai complètement pétrifiée, la bouche et les yeux grands ouverts lorsque je réalisai que Milan s'était soudain éloigné, mettant brutalement fin au baiser, me repoussant presque. Les bras me retombèrent le long du corps, et je le regardai avec un air à la fois choqué et terriblement blessé. Je ne comprenais pas – je ne voulais pas comprendre – comment il était possible que sa conscience l'ait rattrapé en si peu de temps. Je l'ai vu se lever et fuir à l'autre bout de la pièce, comme s'il venait de toucher une lépreuse. Pourquoi me fuir à ce point ? Je n'étais pas le diable, seulement une femme en mal d'amour. Oui, il me manquait, terriblement, et tout ce que je voulais c'était combler ce manque insupportable qui me rendait un peu plus folle chaque jour. Était-ce un crime de vouloir être aimée ? Peut-être étais-je née pour satisfaire les hommes et leurs envies, mais cela ne m'empêchait pas d'avoir des sentiments. Quand bien même il eut été inconvenant d'en parler, j'étais également capable d'éprouver du désir pour quelqu'un. La seule différence, c'est que j'étais une femme et qu'il m'était aisé de le cacher si je le souhaitais... Ce que je ne souhaitais nullement en ce moment. Quel mal y avait-il donc à désirer un homme que l'on aimait, que l'on aurait dû épouser ? Avoir envie de l'embrasser et de passer un moment entre ses bras ne faisait pas de moi une catin. Encore que... J'étais mariée, enceinte, alors si cela se savait je serais rangée dans cette catégorie. On se mettrait même à douter de la paternité de Dmitri. Seigneur, comme j'aurais aimé pouvoir en douter moi aussi. Malheureusement, il n'y avait aucun doute là dessus, c'était bien lui le père. Et j'étais bien la première à regretter que ce soit le cas.

« N'y-a-t-il donc que des mauvais souvenirs pour que cela soit si dur pour toi de supporter d'être dans la même pièce que moi ? »

Apparemment oui, et c'était bien dommage... Mes souvenirs à moi ne l'étaient pas, pas tous, et c'était pour cette raison que je voulais me battre pour lui. Seulement je ne pouvais pas me battre seule. S'il me repoussait sans cesse, autant signer l'armistice tout de suite et abandonner tout espoir. Car un amour à sens unique est un amour malheureux. Pouvait-on vivre amour plus malheureux que le mien ? J'espérais sincèrement que non, car j'étais déjà au bord de la folie. J'avais l'impression que chaque jour était le dernier. Je sentais que l'envie de commettre l'irréparable me rongeait. C'était paradoxal, car je ne souhaitais en aucun cas mourir. Pourtant, j'en arrivais à songer que je serais peut-être plus tranquille... ailleurs. Là où je ne risquais nullement d'être maltraitée, et où je ne risquais nullement de croiser l'amour de ma vie tous les jours sans pouvoir le toucher même du doigt. Enfin, en temps normal... N'était-ce pas ridicule ? Un baiser ! Voilà ce que j'avais eu en deux ans ! Un malheureux baiser, et encore ! C'était à peine si j'avais eu le temps de m'en rendre compte. Pendant deux ans j'avais été la plus fidèle des – malheureuses – épouses. Et j'en souffrais, j'en souffrais tellement ! Et je savais que Milan en souffrait, il ne pouvait me le cacher, pas à moi. Seulement, sa maudite conscience était un obstacle aussi certain que l'était son frère. J'avais beau essayer de comprendre, je n'y parvenais pas. Aimait-il donc sa réputation et l'honneur de son frère plus que moi ? C'était rageant et blessant. Nous n'avions qu'une seule vie, et nous la gâchions à nous disputer et à nous éviter. C'était un beau gâchis, et une belle perte de temps.

Comme à chaque fois que j'étais blessée, je me suis mise en colère. Mais cette fois ci je ne hurlai pas, pas plus que je ne le frappai. Mais je me suis levée très brusquement, comme si je m'apprêtai à partir en courant, ou à démolir tout ce qu'il y avait dans la pièce.

« Que peux tu donc bien aimer plus que tu ne m'as aimée moi, hum ? Y en a-t-il une autre ? Des autres ? Alors dis moi, est-elle blonde, brune ? Rousse, peut-être ? C'est exotique, une rousse, très recherché à la cour. Mieux qu'une blonde fadasse ou qu'une brune éteinte, non ? »

Je secouai légèrement la tête, amusée par ma propre ironie et mes propres sarcasmes.

« C'est une question de principes, peut-être ? Tu respectes trop ton merveilleux, splendide, superbe frère pour oser lui reprendre ce qu'il t'a volé ? Regarde toi... Regarde nous... Tu as trente-deux ans, tu devrais être marié avec au moins un fils... Qu'est-ce que tu as, hum ? Et moi... A mon âge, certaines sont mères déjà cinq fois... Regarde Marie... Si jeune et pourtant... Comme je regrette de ne pas être tombée enceinte, à l'époque. La peur du scandale nous aurait été si profitable... »

Je soupirai. Quelle malchance ! Pendant des années nous avions été des amants passionnés, ne faisant attention à rien d'autre que leur désir, et jamais je n'étais tombée enceinte. Jamais... Alors que si j'étais tombée enceinte de lui, on nous aurait mariés en hâte, pour éviter le scandale et légitimer l'enfant à naitre. En y repensant, c'était dommage d'avoir évité cela. Nous aurions été épargnés. Dmitri n'aurait pas pu demander ma main si j'avais épousé Milan en hâte et si j'avais eu son enfant. Comme c'était triste... Je remarquai qu'il était retourné s'asseoir seulement lorsque je baissai les yeux. Je me pris à le regarder en détails, comme je le faisais avant. Quand j'allais me coucher, il était toujours debout, et en attendant qu'il me rejoigne, je le regardais toujours faire son devoir, assis à son bureau. Il était toujours tellement beau, plongé dans son travail, avec une chemise toujours tâchée d'encre et ses cheveux enfin laissés libres. Puis il y avait ce sourire qu'il avait toujours lorsqu'il soufflait la bougie et venait me rejoindre au lit. Et il me prenait dans ses bras, me disait qu'il m'aimait, me souhaitait bonne nuit et enfin nous nous endormions...

Je soupirai, me passant une main dans les cheveux en m'approchant de lui. Il gardait la tête obstinément baissée, pour éviter de me regarder. J'ai tendu la main vers lui, et je n'ai pas pu résister à l'envie de passer mes doigts dans ses cheveux, avec un soupir. Seigneur, comment pouvait-il me manquer autant ? J'avais l'impression que mon cœur n'en finissait plus de se briser ! J'allais finir par être sans coeur, si cela continuait ainsi... D'un geste un peu brusque et surprenant – pour moi la première – je l'ai légèrement repoussé, le plaquant au dossier du divan, le forçant par la même occasion à relever les yeux pour me regarder.

« N'y a-t-il donc plus rien chez moi qui te ferais passer outre les règles ? Elles valent donc plus que moi ? Ne suis-je plus « la plus belle d'entre toutes » à tes yeux, Milan ? »

Ceci dit tandis que je me penchai dangereusement vers lui. J'ai caressé son visage d'un doigt, tandis que je jouai les intrépides en osant aller plus loin que la bienséance et Milan ne l'aurait voulu. J'osais tenter le diable, osant m'asseoir à califourchon sur lui à la manière peu vertueuse d'une courtisane qui n'aurait plus peur de rien. Le teint de Milan était définitivement passé du rose au rouge, et je me demandais si c'était la colère, ou autre chose qui le mettait dans un état pareil. Ma poitrine était juste sous son nez, quoiqu'encore assez dissimulée par ma robe pour ne trop lui sauter aux yeux, sans mauvais jeu de mot. D'un geste impérieux, je saisis sa main, que je posai sur ma cuisse, sous ma robe, l'incitant à la glisser vers un endroit plus indécent encore. Je l'ai regardé avec un air de défi, comme si je voulais voir jusqu'où je pouvais aller avant que sa conscience ne tire la sonnette d'alarme.

« Ose me dire que tout cela ne te manque pas. »

Bien sûr, cela n'avait jamais été qu'une vulgaire question de sexe entre nous. Mais je savais que c'était le meilleur moyen de le faire céder, de le tenter. Qui a dit que le meilleur moyen de résister à la tentation c'est d'y céder ? Je ne voulais pas qu'un baiser, après deux ans cela ne me suffisait pas.

« Ose me dire que tu ne penses jamais à moi quand tu es avec elles. »
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeJeu 24 Mar - 17:24

Je ne pouvais pas rester seul dans une pièce avec Anastasia sans me rappeler ces nombreuses fois où nous nous étions isolés. Pour nous embrasser, pour parler de l’avenir ou de tout et rien à la fois. Pour rire, pour pleurer aussi. Et puis, je n’arrivais vraiment pas à jouer les beaux-frères avec elle. J’avais été son fiancé, et je l’avais aimé. Enfin, je l’aimais toujours. Je pouvais feindre a merveille devant tout le monde, mais devant elle je devais faire preuve de tout mon courage pour y parvenir. Parce que la sentir vivre prés de moi était la pire chose à laquelle j’étais confronté. Si je n’en parlais pas, ce n’était pas que je n’en souffrais pas. C’était simplement parce que je ne pouvais pas dire qe je l’aimais toujours, je n’avais plus ce droit.

Si elle me connaissait si bien, pourquoi ne voyait elle pas dans mes yeux toute la souffrance que j’enfouissais jour après jour depuis maintenant deux ans ? Pourquoi pensait-elle alors que je me souvenais des mauvaises périodes de notre vie ensemble ou bien que je n’apprécie pas sa compagnie ? Etait elle aussi aveugle que cela ? Ou alors est ce qu’a force de dissimuler mon amour pour elle je n’arrivais plus a le faire transparaitre dans mes yeux. Je haïssais alors ce diction que les yeux sont le miroir de l’âme. C’était faux. Si mes yeux avaient été le reflet de mon âme, elle aurait su lire que justement c’était tout le contraire. Je n’arrivais pas a me trouver dans la même pièce qu’elle parce que j’avais envie de courir vers elle.

Anastasia, petit oiseau cher a mon cœur… Plus je la regardais d’un air triste, plus je la sentais prête a laisser éclater sa fureur. Et je ne pouvais rien dire. J’étais bien trop secoué par les sentiments et sensations qui se bousculaient en moi et qui semblait obscurcir mon raisonnement logique. Pourtant, ce n’était rien en comparaison de mon ancienne fiancée. Elle s’était, elle, laissée envahir. M’accusant désormais d’en aimer une autre. Elle cherchait à savoir qui aurait pu me ravir mon cœur sans se douter qu’en mettant en doute la promesse d’amour eternel que je lui avais faite il y a maintenant dix ans, elle allait me blesser plus qu’une lame aurait pu le faire. Cette blessure là ne guérirait jamais. Je restais tout simplement abasourdi par ses accusations. Non, personne n’avait remplacé ma douce et frêle Anastasia. Ni une blonde, ni une brune, ni une rousse. Il n’y aurait qu’elle à jamais. Dussé-je être la risée de toute la cour à vieillir sans femme ou enfant…Mais elle…Elle ne pouvait pas dire qu’elle n’avait plus rien. Elle avait un mari. Mon frère. Elle avait épousé mon frère. Et si elle n’avait pas encore porté en elle la vie, je savais qu’elle finirait bien un jour ou l’autre par porter en son sein l’enfant de Dmitri. Et je devrais me montrer heureux pour eux. Se rendait elle compte du mal que j’avais a feindre l’amour fraternel pour elle ? A feindre d’être heureux pour mon frère ? A feindre de l’apprécier alors que je n’avais envie que de le tuer de m’avoir pris ma fiancée. Je pouvais me perdre dans les bras de milliers de courtisanes que jamais ô jamais je ne remplacerais dans mon cœur Anastasia. Notre amour n’avait pas été immédiat. Il avait muri…Il avait été consommé. J’avais été le premier homme à l’aimer. Et même si encore maintenant j’en ressentais de la fierté, je regrettais. Parce que cela nous avait liés à tout jamais.

Et comme elle le soulignait, si elle avait été enceinte quand nous étions encore amants, nos parents auraient avancé le mariage et nous aurions été heureux. Mais j’avais eu peur du scandale oui… Aujourd’hui encore j’en avais peur, c’était pour cela que je préférais me sacrifier. Et que j’étais prudent également. Les courtisanes qui partageaient ma couche le temps d’une nuit n’étaient jamais étrangères. Je savais ce que je risquais a engendre un bâtard étranger… Certains auraient été ravis de me voir tomber. Certains se seraient réjouis de cette faute et n’auraient pas hésité à me discréditer et me faire quitter la Cour.
Mais la seule avec qui j’aurais aimé avoir un enfant c’était Anastasia. Et ce serait maintenant chose impossible. Alors on pouvait bien dire ce qu’on voulait de moi. Je ne me marierais jamais avec une autre qu’elle. Qu’on me tue sur le champ si cela devait arriver. Peut-être était cela que j’aurais du lui dire alors qu’elle semblait ne pas apprécier mon silence et mes fuites.

Je m’attendais encore à des cris. Parce que je savais que mon attitude ne pouvait provoquer que cela chez Anastasia. Mais point de colère. Elle semblait faire tout simplement le contraire de ce à quoi j’aurais pu m’attendre de sa part, et je fus tout simplement interloqué lorsqu’elle tendit la main après s’être approché de moi. Je la laissais passer une main dans mes cheveux sans rien dire ni montrer ressentir. J’étais froid en apparence. Mais en moi brulait déjà un feu. Incandescent. Elle m’avait brulé à vif. Je me retenais avec de plus en plus de mal, si bien que je la laissais prendre le contrôle. Et je me retrouvai alors repoussé sur le sofa. Mes yeux, auparavant baisses et fixés sur le sol, remontèrent jusqu'à son visage. Interdit je l’étais. Je n’étais pas habitué a voir Anastasia ainsi.

Elle me faisait mal. Je ne la reconnaissais pas. Ce n’était plus le petit oiseau fragile que j’avais connu et tant aimé. J’avais l’impression qu’elle était devenue femme. Pourtant c’était moi qui lui avais volé sa virginité. Et j’avais l’impression qu’elle n’avait jamais été plus femme qu’a cet instant. Une femme déterminée. Comme ces…non…non…non ! Comment pouvait-elle réellement penser que ce que j’avais dit n’avait plus de valeur. Bien sur qu’elle était toujours la plus belle d’entre toutes. Elle le serait toujours. Je ne comprenais même pas comment elle se comparait avec ces femmes. J’étais bien conscient que mes aventures avaient du lui être contées. Et j’avais honte. Devant elle, j’avais honte de parler de cela. Parce que si elle m’aimait toujours elle devait en souffrir. Mais elle était mariée. Qu’étais-je censé faire d’autre ? Ou étais-je censé chercher le plaisir de la chair dont un homme a besoin ? Étais-je censé l’attendre jusqu'à la mort et espérer qu’au-delà de la vie terrestre nous serions enfin réunis ?

Je haïssais dire cela mais j’avais déserté la demeure familiale parce que je ne pouvais rester dans la même demeure où elle se trouvait déjà en sachant qu’elle couchait avec son mari. C’eut été bien trop me demander. Alors oui je m’enivrais de plaisirs quels qu’il soit. Maia jamais je ne cessais de l’aimer. Oui, elle avait raison je ne voulais pas outrepasser les règles. Mais cela n’avait rien à voir avec le fait que j’ai perdu le moindre sentiment pour elle. Ne comprenait elle vraiment pas pourquoi je refusais d’épouser sa jeune sœur ? Etait elle aussi aveuglée par le ressentiment pour ne rien voir. Ou alors était ce moi qui… ?

Encore une fois je n’eus pas le temps de me mettre a penser davantage. J’étais stupéfait par son comportement. Elle avait pris place sur moi à califourchon et sa position indécente me gênait. Mais je n’étais qu’un homme. J’étais faible face à ses charmes. Elle les exhibait devant moi. La femme que j’aimais était sur moi et réclamait comme une courtisane une attention particulière. Ma main prise dans la sienne fut conduite en dessous de sa robe et cela dépassait toute convenance.
Je perdis cette convenance lorsque je fus invité à laisser mes doigts courir plus en avant. Je sentais sa moiteur et j’étais saoul d’amour et de désir.

Le souffle rauque et mon désir prenant le dessus sur tout, je n’entendais déjà plus ce qu’elle disait. Je fermais alors les yeux et laissait mes doigts s’aventurer là où jadis ils excellaient. Faisant preuve de douceur, je retroussai sa robe et la fit basculer pour me trouver à ses pieds. Mais si elle m’avait manqué, quelque chose brisa à nouveau ce moment.

-Seigneur…

Je n’avais pas compris que sa cambrure et ses gémissements n’avaient rien à voir avec une quelconque dextérité de ma part. Maintenant que les tissus ne couvraient plus ses chairs, et qu’à la lumière du jour sa peau était visible, je vis ce que je n’aurais jamais aimé voir sur elle. Je ne pouvais détacher mes yeux de cette étendue violacée et jaunâtre. Ce n’était pas un seul hématome qui aurait pu se former après un mauvais coup qu’elle se serait donné. C’était trois. Non quatre. Et cinq !

J’étais si horrifié que j’eus une mine de dégout lorsque mes yeux rencontrèrent les siens.

-D’où viennent ces hématomes Anastasia ?

A présent c’était elle qui me fuyait. Elle me repoussait et replaçait sa robe en évitant a présent de rencontrer mon regard. Et elle s’enveloppa alors dans une mine d’indifférence, mais ses lèvres pincées me prouvaient qu’elle se retenait de fondre en larmes. Je n’aimais pas cela du tout.

-Je ne répondrai à aucune de tes interrogations si tu refuses de répondre à l’unique question que je t’ai posée Anya. D’où te viennent ces hématomes ?
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeVen 25 Mar - 0:06

Je n'avais plus l'habitude de sentir ses mains sur ma peau. Cela faisait deux ans... Deux ans qu'il ne m'avait pas touchée. Seigneur ! J'ai frissonné toute entière lorsque j'ai senti sa main glisser sur ma cuisse. Je pensais qu'il retirerait sa main brutalement et me repousserait, mais il n'en fit rien. Mes doigts se sont crispés sur sa chemise tandis que sa main glissait plus loin encore. Je me suis mordue la lèvre pour éviter de soupirer de contentement et pour éviter à un gémissement de m'échapper, c'eût été particulièrement indécent, quoique pas plus que ce que nous étions en train de faire en ce moment. N'importe qui aurait pu nous trouver là, moi assise sur lui et lui sa main sous mes jupes. En soit, tout cela était déjà un adultère. Personne en dehors de mon mari n'aurait dû pouvoir accéder à cet endroit là avec mon autorisation. Oh, je savais très bien que Milan n'aurait jamais osé faire cela si je ne l'y avais pas incité clairement. Mais il ne me repoussait nullement... Malheureusement, tout n'était pas que plaisir pour moi. Ses doigts effleuraient ma peau abimée par les coups et ravivait la douleur. C'était un étrange mélange que celui ci. J'aurais dû être heureuse, car la tendresse de Milan m'avait terriblement manqué. Sans cette douleur, les choses auraient pu aller très loin. Mais j'étais incapable de profiter de cette petite dose de plaisir parce que la douleur était omniprésente. Pour un peu, c'était presque moi qui aurait repoussé la main. Ce qui aurait dû être agréable ne l'était qu'à moitié, car j'avais mal, et en plus je venais de me souvenir très brutalement que j'étais enceinte, ce qui rendait les choses doublement graves. Mais je songeais qu'il ne me toucherait peut-être plus jamais une fois qu'il saurait... Pourquoi l'aurait-il fait ? Je portais l'enfant de son frère... Ce qui me dégoutait déjà le rendrait certainement malade. J'avais presque l'impression que c'était contre nature.

J'eus un sursaut quand Milan me renversa sur le divan, se retrouvant à mes pieds. Je me retrouvai presque allongée, ma robe remontée sur mes cuisses. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, et j'avais des papillons dans le ventre. Simplement, j'eus l'impression de prendre une vague glacée en plein visage lorsque le visage de Milan se décomposa littéralement. Je mis un moment à comprendre pourquoi il avait soudainement changé d'attitude, alors que moi même je n'avais pensé qu'à mon corps abimé alors qu'il me caressait tendrement. Quand je vis qu'il fixait mes jambes avec intensité, j'ai automatiquement baissé les yeux sur mes cuisses. J'avais malheureusement tendance à oublier que ce qui me paraissait être « normal » ne l'était pas. Au lieu de découvrir des cuisses d'un blanc satiné et parfait, Milan venait de découvrir des cuisses dont la couleur était entre le jaune et le violacé. C'était presque permanent. Heureusement qu'il n'avait pas vu ma poitrine, mes bras... Mon ventre. Non, ce n'était pas normal. Et ce qui l'était encore moi, c'était que cela m'apparaisse comme était tout à fait normal, comme faisait partie de mon quotidien. Je suis restée complètement immobile, n'osant pas faire un geste. Éprouvant une honte soudaine, j'eus envie de rejeter ma robe sur mes jambes pour dissimuler cette horreur. Mais j'étais pétrifiée. Ce n'est que lorsqu'il me regarda avec un profond air de dégoût que je rejetai mes jupes sur mes jambes, plus blanche que blanche. Je me relevai brusquement, m'écartant de lui aussi vite que possible, replaçant ma robe correctement, comme si rien ne s'était passé, me fermant totalement au passage. Je ne voulais pas répondre à la question qu'il venait de me poser. Que pouvais-je répondre, de toute façon ?

« Ce n'est rien, ce n'est rien. »

Quelle crédibilité, Anastasia ! Jamais il ne me croirait, et pour cause. C'était si peu crédible ! Je doutais qu'il me croit si je lui mentais, tout comme je doutais qu'il me croit si je lui disais la vérité. Comment aurait-il pu croire la vérité ? Je ne pouvais lui annoncer de but en blanc que son frère me battait. Parce que rien ne filtrait, et je ne m'étais jamais plainte. Parce que j'avais terriblement peur pour Natacha, je n'osais rien dire, je laissais Dmitri abuser de moi à sa guise. Bien que j'aie parfois très envie de tout avouer, je ne le faisais jamais, craignant que Dmitri ne s'en prenne à ma petite sœur. Je savais ce qu'il lui ferait et ce qu'il me ferait s'il l'apprenait. Tout comme je savais que je passerais un sale moment si jamais il apprenait que j'étais restée un long moment seule en compagnie de son frère. Il savait que nous nous aimions, et que nous avions été très proches tandis que nous étions fiancés. Il ne pouvait pas être certain qu'il était celui qui m'avait pris ma virginité, mais il devait avoir de gros doutes. Je n'avais jamais fréquenté d'autres hommes que son frère. Jamais, même si j'avais eu de nombreuses propositions. Car j'étais duchesse, beaucoup voulaient devenir ducs, j'étais plutôt jolie, et beaucoup voulaient pouvoir se vanter d'avoir eu la vertu d'une jeune femme de bonne famille. Si j'étais encore respectée, c'était parce que Dmitri n'avait pas fait savoir que je n'étais pas vierge lors de notre mariage. Il tenait à son honneur, et son orgueil. C'eût été de mauvais effet que de faire savoir qu'il n'avait jamais possédé sa femme complètement. Non, il ne m'avait pas humiliée à ce point là. J'avais eu la chance de connaître l'amour avant lui, et c'était pour cela que je tentais de me battre encore un peu. Mais j'avais peur, peur du regard que Milan pourrait poser sur moi. Parce que j'étais la femme de son frère. Et parce que c'était SES enfants que je devais porter, et pas les siens. Avoir les enfants de Dmitri, c'était me lier définitivement à lui, ce qui me répugnait profondément. Je ne voulais pas devenir comme leur mère, Tatiana. Condamnée à me taire, à souffrir et à mettre au monde des enfants aussi sûrement qu'une poule pond des œufs.

Je ne pus m'empêcher de regarder Milan avec un air choqué lorsqu'il me prit au piège, m'annonçant qu'il ne répondrait pas à mes questions tant que je n'aurais pas répondu à la sienne. Secouant légèrement la tête, je me laissai retomber dans un fauteuil. Je ne savais pas quoi lui dire. Je ne savais pas quoi lui dire pour qu'il ne me traite pas de menteuse, de folle.

« Je pourrais te dire la vérité que tu ne me croirais pas... »

Je soupirai, me prenant le visage entre les mains pendant quelques secondes. J'étais au bord des larmes, une fois de plus. Oui, j'avais envie de fondre en larmes, car savoir qu'il ne me croirait pas si je lui avouais la vérité me rendait folle de douleur. Il savait pourtant que je n'étais pas une menteuse. J'étais au contraire très franche, toujours. Mais dire la vérité, ce serait casser en mille morceaux l'image bien lisse qu'il avait de son frère. Malgré tout ce qu'il lui avait fait, Milan continuait d'aimer et de respecter son frère. Il lui avait volé sa femme ! C'était aussi grave qu'un crime à mes yeux. Et aux yeux de la loi, ça ne l'était pas moins... Mais non, Milan continuait à le voir comme un homme bien, comme un homme tout à fait respectable. Oh, si seulement il savait ! Je doutais sincèrement qu'il le regarde toujours d'un œil bienveillant s'il savait ce qu'il me faisant endurer quotidiennement ! Relevant les yeux, j'ai simplement haussé les épaules.

« Si tu veux des réponses, demande à ton frère... Si non, contente toi de penser que je monte trop souvent à cheval. »

Il m'était déjà arrivé d'avoir quelques bleus après avoir passé des heures à monter Tasha. Si seulement cela avait pu n'être que cela ! J'en aurais été bien heureuse. Bientôt je ne pourrais plus la monter, et je devrais certainement faire en sorte de la laisser à une personne de confiance. Dmitri était capable de la faire abattre rien que pour me blesser. Que n'aurait-il pas fait pour me faire payer... Ne se lassait-il donc jamais ? Il voyait bien pourtant que je ne cherchais plus à lui résister, résignée. Triste sort, triste sort... Devant la figure étonnée de Milan, j'eus un sourire moqueur. Jamais il n'irait voir son frère. Car oui, comment lui dire qu'il avait vu les hématomes sur mes cuisses sans avoir vu ces dernières ? Je ne me promenais pas en corset, les jambes à l'air toute la journée. Pour voir les hématomes, il fallait remonter ma robe jusqu'à mes cuisses, et un coup de vent n'avait pas encore la force de soulever ma robe à ce point là. Dmitri devinerait que les yeux et les mains de son frères s'étaient posées sur mes cuisses. Voilà pourquoi Milan ne lui dirait rien... Je rejetai légèrement la tête en arrière avec un soupir. Et puis, sans vraiment réfléchir, j'ai laissé échappé la bombe qui ferait certainement à Milan le même effet qu'un coup de poignard en plein coeur :

« Je suis enceinte. »

Et que Dieu me vienne en aide, car je sentais venir la tragédie grecque à vitesse grand V.
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeSam 26 Mar - 16:16

Je connaissais si bien Anastasia que j’aurai pu prévoir sa réaction. J’aurai du savoir que si elle n’avait pas envie de me répondre, elle ne le ferait pas. Anastasia n’en avait toujours fait qu’a sa tête. C’était d’ailleurs ce qui avait régulièrement provoqué mon courroux. Je ne lui avais jamais demandé de dire amen à tout ce que je lui disais, mais elle avait un caractère de feu et je n’avais jamais vraiment su la dompter. Anastasia était aussi sauvage que les contrées reculées. Elle ne se laissait aimer que de peu de monde au final, et n’accordait sa confiance que très peu et difficilement. Avant, j’étais certain qu’elle m’aurait répondu. Mais son attitude de déni ne faisait qu’augmenter mes soupçons. Ces hématomes n’étaient pas une petite affaire. S’ils l’avaient été, elle n’aurait pas replacé ses jupes et ses jupons aussi vigoureusement et jamais elle ne se serait relevée de cette façon. Et pis encore, elle n’aurait jamais dit que ce n’était rien.

Elle voulait certainement minimiser ces hématomes mais son attitude semblait être un appel au secours. Un appel dont elle n’était peut-être même pas consciente. Mais moi je l’entendais cet appel. Elle avait besoin que je me soucie d’elle, que je lui tire les vers du nez comme l’aurait fait un tortionnaire. Mais si je ne voulais pas être assimilé à ce genre de personnes, je n’avais pas le choix. Il fallait que j’apprenne la provenance de ces hématomes.

-Ne dis pas de bêtises. Ce n’est pas rien et tu le sais.

Elle pouvait mentir aux autres en leur disant que ce n’était rien. Mais à moi elle ne pouvait pas. Parce que j’étais sans doute celui qui la connaissait le mieux, et parce que j’avas des aptitudes a déceler la vérité et à voir des choses que bien des gens cachent. C’était mon métier. J’étais un espion. Même si la plupart du temps, je feignais ne rien voir, je voyais tout. Et j’analysais tout. C’était en cela qu’Alexandre avait confiance. Et pourtant….je m’en voulais de ne pas arriver à comprendre ce qu’Anastasia souhaitait me cacher avec autant du virulence.

Je me levais et alla m’adosser aux portes d’entrée de la pièce. Bien sûr au fond du salon, je savais qu’il y avait une petite porte qui donnait sur une antichambre et qui mènerait aux appartements d’Elizaveta mais je gageais qu’Anya ne connaissait pas cette partie ci de l’Hermitage et qu’elle ne se doutait pas que je connaisse aussi bien ce palais. Et si jamais elle avait connaissance aussi du cadastre de ces appartements, je savais qu’elle n’irait as. Etant dame de compagnie de Marie, je doute qu’elle n’ait jamais vraiment été dans l’entourage proche d’Elizaveta. Je savais pourtant qu’Elizaveta l’appréciait même si elle n’en disait rien.

Je levais la tête, conquérant et sur de moi. J’exigeais une réponse de sa part. J’étais déterminé à passer le temps qu’il faudrait pour obtenir une réponse. Dussé-je passer la nuit entière ici, enfermé avec elle alors qu’une minute prés d’elle était le plus souvent comme des brulures d’acide sur la peau. Je voyais bien dans sn regard la fureur de comprendre que je l’avais prise au piège. J’étais maître de la situation. C’était moi qui tirait les ficelles désormais. Et elle n’échapperait pas à mes questions. Si elle était têtue, je l’étais sans doute tout autant lorsque je m’intéressais aux choses.

Abandonnait-elle en se laissant choir dans ce fauteuil qui aurait pu en contenir deux comme elle ? Elle paraissait d’autant plus pâle comparé à ce tissu rouge écarlate. J’aurais pu me laisser bercer par de douces illusions en prétendant que la lumière ne lui rendait pas hommage ou que le coloris vif du tissu ne lui seyait pas. Mais Anastasia était pâle. Elle l’avait toujours été, mais désormais il avait des teintes grisâtres. Signe d’une bien mauvaise santé.

Croyait elle vraiment que je ne croirais pas en sa réponse ? Bien sur que je la croirais si elle me disait la vérité. Je doute qu’elle ne veuille me mentir plus encore. Qu’était-ce cette attitude de petit oiseau ? Un petit oiseau, un rouge-gorge c’était ainsi que je la nommais souvent. Mais elle n’était plus ce rouge-gorge amical, elle était blessée. Comment personne ne se rendait compte de l’état d’Anastasia ? Comment dans mon cœur je n’avais pas été alerté ? Je la sentais maintenant au bord du précipice. Et je ne savais quoi faire sans à nouveau l’amener à moi, la serrer contre moi, et l’étreindre à m’en faire mal. Comment deux êtres qui s’aiment autant que nous nous aimions avaient été ainsi séparés et semblaient ne plus se comprendre ?
L’indifférence qu’elle affichait maintenant me blessait. Parce qu’elle semblait croire que je me fichais de savoir réellement d’où lui venaient ces hématomes.

Elle voulait que je demande à Dmitri des réponses. C’était cela une manière de fuir ? C’était à elle que je le demandais, pas à quelqu’un d’autre. Je sentais la colère s’insinuer en moi. C’était pourtant facile de répondre à une question simple. Pourquoi tant de secrets tout à coup ? Pourquoi tant de mystères ? Et pourquoi me demandait-elle de croire que c’était l’équitation qui lui avait causé ces marques sur la peau ? Monter a cheval n’a jamais causé de telles marques. Elle savait pourtant que je n’y croirais pas un seul instant. Elle pouvait donner cela à n’importe qui comme explication, mais elle ne pouvait pas me dire cela à moi en pensant que je la croirais. Ces hématomes qu’elle avait sur les cuisses avaient été causés par un choc traumatique.
Ce qui me forçait à me taire c’était qu’elle me demandait de chercher des réponses auprès de Dmitri. En d’autres circonstances je savais ce que cela aurait signifié, mais je ne voulais pas croire que Dmitri était le coupable de ces marques.

Oui, j’étais bien silencieux et livide. Mais rien de comparable avec le coup de grâce qu’elle m’assena. Anastasia était enceinte. Elle attendait un enfant de Dmitri…Voilà…ils allaient former une famille. Cette famille qui aurait du être la mienne. Je reçus vraiment la nouvelle comme un choc.

-Oh…Seigneur…

Et comme tout choc personnel, je me refermai en une fraction de seconde et prit rapidement un masque de froideur.
Je relevai alors les yeux et regardait Anastasia droit dans les yeux. Je ne sais pas comment j’ai eu la force de la regarder de cette façon ni de lui dire ce que je lui ai dit. Parce que je pensais évidemment tout le contraire.

-Je pense dans ce cas que des félicitations sont de rigueur…Félicitations Anastasia.

Je mentais oui…Je n’étais pas heureux qu’elle soit enceinte. Parce que cet enfant aurait du être le mien. Le notre. Et cet enfant qu’elle portait désormais en elle était celui de son mari, mon frère. Maintenant ils formaient une famille et c’était comme si on venait de me présenter l’urne contenant les cendres de ce qu’avait été notre vie et notre amour.

Je me penchai alors et lui fit la révérence qui se devait en de telles circonstances. Maintenant je ne pouvais plus soutenir son regard. Je faisais ce que la bienséance exigeait de moi pourtant.

-Je viendrai vous visiter pour venir vos féliciter tous deux…
Puis partir ensuite…Je ne saurais la voir maintenant. Je ne supporterais pas de voir son ventre s’arrondir. Je savais par avance que cela ne ferait que m’achever. J’avais perdu tout souffle et j’avais besoin d’air. Besoin de m’oublier. Dans l’alcool ou toute autre chose.

-Maintenant, excuse-moi, je…je…je…
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Anastasia K. Nouchkine
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeSam 26 Mar - 22:57

Je ne savais pas trop quel cœur j'essayais de briser. S'agissait-il du sien ou du mien ? Car j'avais terriblement mal au cœur, autant au sens propre qu'au figuré. J'avais l'impression que quelqu'un était en train de l'arracher et de le déchiqueter dans ma poitrine. C'était terriblement douloureux. Et il ne s'agissait pas seulement de mon cœur, mais de mon corps tout entier. J'avais du mal à respirer, comme si quelqu'un appuyait sur ma poitrine pour m'empêcher de prendre une profonde inspiration. Et je tremblais de tous mes membres, comme si je m'apprêtais à faire une crise d'épilepsie. Et j'avais la nausée, j'avais envie de vomir. Et de hurler, de hurler à m'en arracher les cordes vocales. Comme j'aurais presque eu envie de me poignarder, d'offrir un fin prématurée à l'enfant de Dmitri. Oh oui, c'était immonde, absolument immonde. Mais ce qui l'était encore plus, c'était le regard que Milan avait posé sur moi. Je faillis devenir hystérique, car je venais de voir dans son regard que je l'avais sans doute perdu définitivement. J'aurais tué cet enfant pour ne pas perdre Milan. J'avais vraiment cru avoir déjà perdu Milan, mais là j'en avais la certitude. Comment aurait-il pu en être autrement ? J'étais enceinte de son frère ? Son frère ! C'était une horreur ! Et si seulement il avait su dans quelles circonstances cet enfant avait été conçu... Dans la violence et la brutalité. Milan ne m'avait jamais forcée à faire quoi que ce soit. Non, jamais. La plupart du temps même, il attendait que ce soit moi qui vienne à lui. Parce que c'était un homme délicat et attentionné, qui me respectait. Oui, il m'avait toujours respectée. Et cela me manquait... Il faisait toujours attention à moi, lui. Je n'avais jamais eu aucune attention venant de son frère. Aucune attention agréable j'entends. Je me demandais si Milan n'était finalement pas le fils bâtard que son père pensait qu'il était. Comment pouvait-il être si différent de son père et de son frère ? Si je ne savais pas qu'ils étaient frères, je ne l'aurais jamais deviné. Ils étaient comme de parfaits contraires ! Aussi bien en privé qu'en public. En public, Milan était un homme discret, effacé, qui ne profitait guère de son rang. Dmitri lui, se mettait en avant aussi souvent que possible, montrant au monde entier combien il était respectable. À son bras, je n'étais qu'un simple jouet. Un faire valoir. Une belle poupée. Tout comme je n'étais que son ventre, à présent... Milan aurait été tellement heureux que je sois enceinte de lui. Il m'avait un jour dit qu'il n'aimerait rien de plus que de voir mon ventre s'arrondir lorsque je porterais son enfant. Cruelle ironie, car aujourd'hui, voir mon ventre s'arrondir, ce devait être tout ce qu'il détesterait le plus. Comment aurait-il pu en être autrement ? Je me mettais à sa place. Si il avait épousé Natacha et si elle était tombée enceinte, j'en aurais été folle de douleur.

« Si tu veux féliciter quelqu'un, félicite ton frère... Il est le seul à s'être impliqué dans la conception. »

Devant l'horreur de ce que je venais de dire, je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. Oh oui, c'était tout à fait horrible ! Je venais de lui dire, ni plus ni moins, que son frère m'avait violée. Mais peut-être ne le comprendrait-il pas de cette façon. Peut-être ne le comprendrait-il pas tout court. J'étais persuadée qu'il pensait que je consentais à faire l'amour avec son frère. Ce qui était totalement faux. Pas une seule fois je n'avais consenti. Pas une seule. Il me prenait de force, toujours. Même si je ne hurlait plus, même si je ne tentais plus de me débattre, jamais je n'avais été d'accord. Et jamais je n'avais fait quoi que ce soit qui puisse leur faire penser le contraire, que ce soit à Milan ou à Dmitri. Si Dmitri me faisait hurler, ce n'était certainement pas de plaisir. Comment aurait-il pu en être autrement ? Je n'aimais pas Dmitri et je ne l'aimerais jamais. Il était tout ce que je haïssais, tout ce qui me répugnait en ce bas monde. Si il y a quelques années l'idée d'être mère un jour m'enthousiasmait, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Plus du tout. Je sentais que je ne supporterais pas de voir mon ventre s'arrondir. Et cela me ferait certainement plus de mal que de bien de sentir l'enfant bouger. J'aurais certainement aussi beaucoup de mal à supporter la vue de ce nouveau né une fois qu'il serait venu au monde. À moins d'avoir une révélation, et à moi de découvrir l'instinct maternel par miracle, j'aurais certainement le plus grand mal à voir en cet enfant une partie de moi-même. Je me sentais plus spectatrice qu'actrice dans cette grossesse. C'était comme si ce n'était pas moi. Non, ce n'était pas moi. Je n'étais pas cette femme soumise qui avait peur de sa propre ombre. Je n'étais pas une biche acculée par les chasseurs. J'étais sauvage, insoumise, indomptable. Même Milan n'avait pas su me dompter. Pourtant, j'aurais donné n'importe quoi pour qu'il le fasse. J'aurais vendu mon âme au diable pour lui. Mon âme et tout le reste. Milan était le seul amour de ma vie, je ne voulais pas le perdre, je ne pouvais pas le perdre. J'avais tellement peur qu'il s'en aille définitivement... Comme il l'avait fait après mon mariage. Oh non, je ne supporterais pas son absence. J'avais besoin de le voir, j'avais besoin de sentir sa présence... Je serais complètement dévastée, complètement dévastée... Si bien sûr je pouvais l'être encore plus.

« Je ne veux AUCUNE félicitation tu entends ? AUCUNE ? Je ne veux pas de cet enfant, je le déteste avant même qu'il soit venu au monde ! Je n'en veux pas ! Parce que je hais ton frère ! Je le hais autant que je t'aime ! Je n'ai jamais voulu de cet enfant ! »

Je me suis levée brusquement et je me suis avancée vers lui pour plaider ma cause.

« Je le hais ! Je hais Dmitri, Milan ! Je... Je n'ai jamais voulu qu'il me touche, Milan, jamais ! Je te le jure, je le jure devant Dieu... Peu importe ce qu'il a pu te dire, ce n'était pas vrai, je... Je te supplie de me croire ! »

J'ai senti rien qu'au son de sa voix qu'il projetait de s'en aller. Il voulait fuir, encore une fois. Il voulait s'en aller, m'abandonner... Je ne pourrais, je ne saurais le tolérer. J'avais besoin de lui, terriblement besoin de lui. Il me manquait. C'était dur de le lui avouer, mais il me manquait. J'aurais voulu qu'il ne voit pas mes bleus, j'aurais aimé qu'il n'y en ait pas. J'aurais aimé pouvoir me perdre dans ses bras un moment, tout oublier. C'est ce qui se serait passé s'il n'avait pas vu ces bleus sur mes cuisses. Que n'aurais-je pas donné pour qu'il délasse ma robe, comme il le faisait avant, pour qu'il retire ma robe, mon corset... Oh, comme il m'était douloureux de me perdre dans nos souvenirs ! Nous étions tellement heureux ! Ah, si seulement la lettre de Ekaterina était arrivée plus tôt. Cela aussi aurait tout changé. Personne n'aurait osé mettre en doute la parole d'une morte, et certainement pas Milan, qui aurait certainement respecté sa dernière volonté : m'emmener loin, loin de son frère. Le ferait-il encore aujourd'hui, s'il prenait connaissance de cette lettre ? Et malgré le fait que je porte l'enfant de son frère ? Il avait beau être adorable quand il le voulait, je n'étais pas sûre qu'il soit si ouvert d'esprit. Et comment le lui reprocher ?

Sans crier gare, je me jetai à ses pieds, complètement désespérée. C'était inconvenant, une telle position ne convenait pas à une dame de mon rang. Mais je m'en fichais complètement. Il n'y avait que lui et moi de toute façon. Et il aurait pu y avoir un million de témoins, cela m'était complètement égal. J'étais trop désespérée pour faire encore attention à la bienséance. Je n'étais plus ni une duchesse, ni une princesse, simplement une femme qui n'en pouvait plus d'être séparée de son amant. Et j'avais peur, terriblement peur qu'il ne fuit, trouvant un quelconque prétexte pour partir à l'étranger. J'avais peur qu'il ne revienne jamais, ou qu'il ne trouve une autre femme à épouser. J'avais peur que malgré ses promesses de n'épouser et de n'aimer que moi, une autre ne me supplante dans son cœur. Je ne le supporterais pas... J'étais accrochée à ses jambes, les doigts crispés sur le tissu de son pantalon. Je devais avoir l'air d'une malheureuse paysanne suppliant qu'on lui vienne en aide. Encore que j'aurais tout donné pour n'être qu'une paysanne si cela avait pu me permettre de devenir la femme de Milan.

« Je t'en prie ! Il faut que tu me croies ! Dis moi que tu me crois... Milan ! Milan, quand Dmitri aura son fils, il me laissera tranquille, il ne fera plus attention à moi ! Et je serai à toi ! Je serai à toi, Milan, je serai à toi si tu veux toujours de moi ! »

J'étais pitoyable. J'en avais conscience. Mais j'avais tellement peur que je ne pouvais que pleurer et le supplier de ne pas me quitter. Définitivement.

« Ne pars pas. Si tu savais comme je suis désolée... Comme je souffre de ton absence... Milan, je t'en supplie à genoux, ne m'abandonne pas encore une fois... Ne pars pas... »
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeLun 28 Mar - 2:00

Je refusais de l’écouter me dire quoi que ce soit sur son état. Je ne voulais pas l’entendre me dire qu’elle était heureuse d’attendre un enfant, comme je ne voulais pas l’entendre me dire qu’elle serait ravie que je vienne les féliciter et que je prenne part aux réjouissances. J’avais besoin de mettre le plus de distance entre elle et moi. C’était tout ce que je voulais. Ne plus la voir, ne plus la sentir, ne plus la toucher. Elle n’était définitivement plus à moi. Je n’irais pas jusqu'à dire que je regrettais de l’avoir touchée mais maintenant je savais que je n’en aurai pas eu le droit. C’était la femme de Dmitri, la mère de son enfant désormais. Et ce petit être qui vivait désormais en elle était gage de leur mariage. Elle était plus intouchable que jamais, plus inaccessible qu’elle ne l’était depuis qu’on l’avait fiancée à Dmitri. Cela lui conférait une dimension plus profonde. Mon père serait ravi de cette naissance. Il voulait perpétuer le nom des Nouchkine je le savais. Et pour le moment, je représentais sans aucun doute le fils qu’il n’aurait jamais aimé avoir. Encore que…je savais qu’il pensait que je n’étais pas son enfant, et que ma mère avait eu cet enfant avec un autre. Parfois j’aurais aimé que ce soit vrai. Si je n’en disais rien, je savais beaucoup de choses des plans de mon père. Il se servait de moi et n’était aimable avec moi que pour asseoir sa place, mais il n’attendait qu’un faux pas d’Alexandre pour mettre Constantin sur le trône et ainsi retrouver la place politique qu’il avait perdu lorsque Paul avait été assassiné.

Et si moi j’étais tout simplement sous le choc de la révélation d’Anastasia, elle était devenue comme hystérique. Pensait-elle vraiment que je prendrais bien la nouvelle ? J’étais froid et distant, poli également mais à l’intérieur j’étais un homme brisé. Brisé par le poids de tant de coups du sort. Brisé par ce qu’on avait fait de mon avenir. SI j’avais été plus raisonnable, j’aurais sans doute accepté d’épouser Natasha, mais je refusais d’épouser la sœur d’Anastasia alors que j’étais amoureux de cette dernière. Je n’aimais pas Natasha comme on aime une fiancée ou une épouse. Je l’aimais comme une amie, comme une sœur. Et elle en aimait un autre. Un autre qui savait l’apaiser. Moi je ne semblais être fait que pour une seule femme. Mais cette femme était celle de mon frère. Et je n’avais pas le droit de me mettre e travers de leur mariage. Pour l’honneur de la famille. Je ne passais que peu de temps au Palais mais cette famille représentait quelque chose pour moi. Malgré le peu d’attaches et d’amour qui régnait entre nous…

Anastasia semblait être devenue folle après mes félicitations. J’avais devant moi une toute autre femme. Une femme que je ne connaissais pas. Et je ne pouvais plus, maintenant, détacher mon regard de son ventre et penser que bientôt il s’arrondirait et que dans quelques mois elle tiendrait dans ses bras l’enfant d’un autre. Et je devrais m’en soucier parce que je serais son oncle. Non, je ne pouvais plus rester prés d’elle. J’étais devenu complètement sourd à ce qu’elle me disait. Je ne voulais pas l’entendre. Ce qu’elle insinuait à propos de Dmitri semblait ne pas s’imprimer dans mon esprit. Comme si mon esprit ne voulait pas comprendre qu’elle essayait de me faire comprendre certaines choses. Si j’avais eu tout mon esprit, et si cela n’avait pas été elle, j’aurais compris ce qu’elle essayait de me dire. Son mariage n’était pas un mariage d’amour, il n’était pas heureux. Il était à l’image de la cérémonie. Violent, de force…Cette cérémonie dont je refusais de me souvenir, et à laquelle je m’étais enfui. Mon esprit l’avait rejeté très loin parce qu’il m’était intolérable.
Elle hurlait à présent et je me sentais complètement perdu. Elle attendait un enfant come elle l’avait toujours souhaité et elle disait déjà haïr cet enfant. Et elle haïssait Dmitri. Mais c’était son époux. Elle avait beau m’aimer, je n’étais maintenant que son beau-frère. Cette conversation n’aurait jamais du avoir lieu. Je n’aurais pas du lui proposer de venir ici. J’aurais du la ramener au Palais dans ses appartements ou au Palais Nouchkine mais pas à l’Hermitage. Mais à quoi avais-je pensé ?

Plus elle me hurlait sa haine de Dmitri au visage, plus elle s’épanchait sur ses relations conjugales, plus je me sentais défaillir. Elle cherchait mon regard, elle cherchait quelque chose de ma part, mais je ne pouvais lui donner. Plus maintenant. Elle attendait un enfant. Et cela, même si elle n’en voulait pas, representait la chose qui devait me rendre raisonnable.

Je devais partir. Je devais la quitter. Définitivement. Mais comment le faire alors qu’elle se jetait désormais à mes pieds. J’étais estomaqué. Jamais l’Anastasia que j’avais connue ne se serait comportée de la sorte. Jamais mon petit oiseau ne se serait comporté ainsi. Qu’était elle devenue ? Qu’étions nous devenus ? Un homme et une femme qui s’aiment mais qui n’ont pas le droit de s’aimer parce que la femme est mariée à un autre et attends son enfant. Je ne savais que faire. Je ne pouvais décemment pas, même si personne ne nous voyait et ne reporterait cela à quiconque, laisser Anastasia à genoux devant moi se comporter comme une femme du peuple.

Tout dans ses gestes et dans sa voix reflétaient le désespoir. Et je ne pouvais qu’y être sensible. Après tout je l’aimais. Malgré tout ce qui nous empêchait de légitimer cet amour. Elle se donnait à moi, elle s’offrait à moi. Elle me proposait un rôle d’amant dés qu’elle aurait donné naissance à cet enfant. C’était sans doute la première fois qu’elle me parlait à nouveau, et me disait combien elle m’aimait. J’avais pourtant attendu cela des centaines, des milliers de fois lorsque je lui envoyais des missives auxquelles aucune réponse ne me parvenait jamais mais je ne voulais pas que cela se passe ainsi. Alors je lui tendis une main.

-Tu n’es pas une courtisane Anastasia, tu es une princesse !

Il fallait qu’elle se relève. Parce que c’était inconvenant. Elle n’était pas une courtisane qui demande à un noble ses faveurs. Pas plus qu’elle n’était une femme du peuple qui réclame le couvert pour ses enfants et elle. Et puis j’avais toujours aimé cette relation d’égal à égal que nous avions eus dés le départ. Elle était peut-être femme, mais je ne lui étais pas supérieur parce que j’étais un homme. Je n’aimais pas ces pensées là.

Elle était dans mes bras, et quelque chose me forçait à la garder contre moi. Je savais que c’était inconvenant, mais mon amour semblait plus fort que tout. Il avait été touché par le désespoir de l’amour de cette femme. Je caressais ses cheveux, ses joues et je savais qu’elle pensait que je cédais.


-Je ne sais pas si je peux Anya. Je ne sais pas…C’est trahir mon frère, ma famille. Je ne sais pas, je ne veux pas déshonorer ma famille, ni te déshonorer.

Parce que si je faisais d’elle ma maitresse c’était la rendre à un rang inferieur. C’était faire d’elle une courtisane. Et je l’aimais tellement. Je ne savais pas si je voulais cela pour elle. Moi, je pouvais vivre seul. Je lui avais fait la promesse il y a des années qu’il n’y aurait jamais qu’elle dans mon cœur. Et même si physiquement j’avais failli, mon cœur n’avait jamais appartenu qu’Anastasia.


-Que je n’épouse personne pour tenir ma promesse ne te suffit donc pas ?


Je refusais d’épouser sa sœur, et je refusais d’épouser qui que ce soit. Cela avait été clair avec mon père.

-Je t’aime Anya, de tout mon cœur. Mais je ne peux t’offrir que mon cœur, tu es mariée et tu attends l’enfant de Dmitri. Même si tu ne l’aime pas c’est son enfant. Je ne peux t’offrir que cela mon petit oiseau.
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Anastasia K. Nouchkine
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MessageSujet: Re: Winter roses { MILAN }   Winter roses { MILAN } Icon_minitimeMar 29 Mar - 15:18

Oui, je le suppliais à genoux. À genoux, parce que j'avais l'impression que c'était mon dernier espoir, mon dernier recourt. S'il ne m'écoutait pas maintenant, il ne m'écouterait plus jamais. Je n'avais jamais été si prêt de le perdre qu'aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, j'étais enceinte de son frère, ce qui signifiait que quoi que je fasse, je serais toujours liée à lui par le biais de cet enfant. C'était un lien que j'aurais aimé construire avec Milan, mais certainement pas avec Dmitri. Ironie du sort, c'était bel et bien de ce dernier que j'étais enceinte. Je ne voyais pas pire chose. Pourtant, j'aurais dû me douter que ce moment finirais par venir. En effet, Dmitri mettait tout en oeuvre pour avoir un fils depuis deux ans, il était évident qu'un jour ou l'autre il finirait par arriver à ses fins. Seulement, j'avais espéré être morte bien avant, sous ses coups. Malheureusement, cela n'avait pas été le cas. Dmitri savait se maîtriser, il frappait assez fort pour me rendre folle de douleur, mais pas assez pour me tuer par erreur. C'était presque dommage. Aujourd'hui, la mort me paraissait plus douce que la vie qui m'attendait de pied ferme. Je voyais de plus en plus ma vie ressembler à celle de la mère de Milan. Et cela m'épouvantait. Je ne voulais pas devenir ainsi. J'avais été assez transformée comme cela, je ne pouvais supporter plus d'épreuves de ce genre. J'étais terriblement fragile, au point que je me demandais si je serais assez forte pour aller au bout de cette grossesse, et surtout pour y survivre... Les médecins, eux, avaient des doutes. J'étais trop faible, trop maigre et probablement trop désespérée pour pouvoir subir cette grossesse. Oui, je la subissais. Si j'avais osé, j'aurais tout fait pour me débarrasser de l'enfant. Mais j'espérais au fond de moi mettre au monde le fils tant espéré de Dmitri, afin d'en être débarrassée au moins un moment. Je n'avais qu'à faire mon devoir, ce que l'on attendait de moi... Que c'était beau d'être une femme ! C'était simplement être une poupée avec un cerveau que l'on a même pas le droit d'utiliser, sous peine d'en payer le prix.

Milan m'a forcée à me relever, probablement gêné par ma position et je me suis laissée faire, n'ayant nullement la force de résister. Cependant, alors que je pensais qu'il me repousserait, il s'est contentée de me garder contre lui. Rêvant de cette étreinte depuis des semaines, je n'ai pas pensé à résister une seule seconde. J'étais trop bien contre lui. J'avais toujours aimé la force tranquille qui émanait de lui. Même physiquement il différait totalement de son frère. Dmitri était un homme massif, brutal rien que dans son physique. Il était très grand, trop grand, aussi épais qu'un taureau, avec des muscles à en faire pâlir les plus grands guerriers. Et à en faire pâlir sa femme, surtout. Je craignais le pire à chaque fois qu'il me touchait. J'étais aussi fine qu'une brindille à côté. Il n'avait qu'à me saisir entre ses doigts pour me casser en deux. Et sur son visage transparaissait sa force et sa brutalité. Il ne souriait jamais. Ou alors, ses sourires faisaient peur. Car ils étaient plein de malice et de fourberie. Ses yeux trop sombres me donnaient l'impression de voir l'enfer. Alors que Milan... Oh Milan était tout son contraire. Il avait les yeux d'un magnifique bleu azur, ni trop clair, ni trop foncé, toujours brillants. Seules quelques cicatrices légères venaient abimer sa peau, que j'avais toujours trouvée si claire et si douce, comparée à celle de son frère, tannée par un soleil brut. Son corps était fin, quoique parfaitement musclé, il était aussi très grand, mais pas effrayant. Il avait des allures de protecteur, des allures d'ange. J'aurais pu épouser un ange... J'avais eu le démon, malheureusement pour le petit oiseau que j'étais.

« Pourquoi continues-tu à te soucier de ton frère et de son honneur ? Il t'a volé ta femme ! Ta femme, ta famille, ton avenir... Ton honneur. Que crois-tu qu'on dit les rumeurs quand nos fiançailles ont été annulées ? On t'a accusé de n'être qu'un lâche, qu'un faible... Certains t'ont même accusé d'être impuissant ! On a roulé ton honneur dans la boue... et tu te soucies encore du sien... »

Je secouai la tête, avant de l'enfouir contre sa poitrine.

« Tu crois que mon honneur compte encore à mes yeux ? Mon honneur, je l'ai perdu le jour de mon mariage. Je ne l'ai pas retrouvé depuis. Et tant que je serai avec ton frère, je ne le retrouverai pas. »

Le jour de mon mariage, je m'étais débattue, j'avais hurlé que je ne voulais pas épouser Dmitri devant une foule. Le comble du déshonneur avait été lorsqu'il s'était rendu compte que je n'étais pas la petite vierge qu'il espérait violer en guise de nuit de noces. Que ce soit contraire aux bonnes mœurs ou non, la seule façon pour moi de retrouver un semblant d'honneur et d'espoir, c'était de retrouver Milan. Je me moquais de devenir sa maitresse, je me moquais de ce que cela impliquait, tant que je pouvais être avec lui. Si j'avais dû devenir servante pour cela, je l'aurais fait sans la moindre hésitation. Rien ne pouvait être pire que ce que je vivais actuellement. La mort ne l'était pas ! Alors ce n'était certainement pas le statut de maitresse qui me causerait du tort. Cela n'en causerait qu'à Dmitri si cela se savait. Et je me moquais de son honneur, que j'étais prête à salir à la moindre occasion. Il ne méritait que cela. Dès que Natacha serait en sécurité, je m'en donnerais à coeur joie. Si je n'avais pas eu peur de réduire plus en cendres la famille Nouchkine, j'aurais tout fait pour le voir pendu un beau jour. J'avais de quoi le faire pendre, pourtant. Il était coupable de tout : trahison, abus de pouvoir, violence, viols, adultère... Tout n'avait pas la même importance aux yeux de la loi, mais le tout accumulé l'aurait conduit à coup sûr à l'échafaud... Quel malheur que je dusse me taire ! Sans quoi j'aurais été débarrassée de lui depuis tellement longtemps... Comme ma vie était injuste, n'est-ce pas ? À ce point, ce n'était plus une simple malchance, c'était carrément une malédiction, lancée par je ne sais qui et pour je ne sais quelle raison. Je n'avais rien fait pour mériter une telle punition. Ni moi, ni Milan d'ailleurs. Pourquoi les innocents doivent-il toujours payer pour les crimes et les péchés des autres ? Non, ce n'était pas juste !

« Non... Non, cela ne me suffit pas. Te voir aux bras de toutes les courtisanes, c'est presque pire... Je pourrais te suffit si tu le voulais bien, Milan... Cela ne me suffira jamais, parce que séparés, nous sommes terriblement malheureux tous les deux. J'aimerais te revoir sourire... Comme avant. »

Comme avant... Cela sonnait comme un souvenir lointain, très lointain. Comme une vie passée... C'était ce que c'était. Les bribes d'un passé mort et révolu. Un cimetière de souvenirs... Je ne voulais pas que son coeur, je le voulais lui tout entier. Une moitié de lui, c'était comme rien du tout. Je ne le tolérais pas. Je voulais TOUT ! Et surtout cesser de le « partager » avec les putains de la cour. Mais pour cela, je savais ce qu'il me fallait faire. Et il fallait qu'il l'accepte. Ce qu'il ne ferait pas tant que j'étais enceinte d'un autre. Or, j'avais comme l'impression que le temps m'était compté. J'avais ce pressentiment que je ne vivrais pas assez longtemps pour le retrouver... Secouant légèrement la tête, je m'écartai un peu de lui et pris mon visage entre mes doigts, avant de me hisser sur la pointe des pieds pour l'embrasser furtivement.

« Je deviendrais la plus grande catin de la cour, si cela me permettait d'être avec toi. Parce que je t'aime et que je n'ai pas fini de me battre pour toi. Tant que je serai vivante, je me battrais pour toi. »

Baissant les yeux, je me suis éloignée, pour aller chercher mon manteau. Je l'ai jeté sur mes épaules, et j'ai remis ma robe et mes cheveux en place, tentant par la même occasion de reprendre une contenance, ainsi que mes airs de grande dame. Il ne fallait pas que quiconque s'aperçoive de mon trouble. Rien ne s'était passé, c'était ce que devaient penser les gens. Une liaison n'est bonne qui si elle est discrète, n'est-ce pas ? Si officiellement, il n'y avait rien entre nous, je pensais que cela ne tarderait plus, car après deux ans, ni lui ni moi n'en pouvions plus. Et puis, je ferais preuve de persuasion. Je ne voulais nullement le manipuler, simplement le faire réagir. Je devrais commencer par m'attaquer à sa conscience, ce qui ne serait pas chose facile. Mais ce n'était pas impossible.

« Je vais t'écrire. Bientôt. »

Je n'avais jamais répondu à ses lettres, mais je savais qu'il répondrait aux miennes. C'était ce genre de lien qu'il cherchait à avoir avec moi depuis des mois. Mais jusque là j'y étais opposée. Ce n'était plus le cas aujourd'hui. N'importe quoi, tant que je pouvais avoir un quelconque contact avec lui. Je me suis ensuite enfuie, de peur d'entendre un refus de sa part, et surtout de peur que les choses n'aillent trop loin dans un endroit si peu approprié. Et si peu discret.
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