LES NUITS BLANCHES DE SAINT-PETERSBOURG
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 Loveletters { MILAN }

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Anastasia K. Nouchkine
I love you doesn't mean I forgive you.
Anastasia K. Nouchkine


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MessageSujet: Loveletters { MILAN }   Loveletters { MILAN } Icon_minitimeMer 6 Avr - 19:28

Après presque une semaine, il avait fallu que je prenne mon courage à deux mains pour coucher sur le papier tout ce que j'avais sur le cœur. Il y avait des millions de choses que j'aurais voulu dire à Milan, et retenir l'essentiel n'était pas chose aisée. Et puis, encore faudrait-il qu'il veuille bien lire cette lettre. Il n'était pas obligé, après tout. Mais je le connaissais assez bien pour supposer qu'il ne pourrait pas l'ignorer. Seulement, il fallait qu'il ait quelque chose à lire. Ce qui ne serait pas le cas si je ne trouvais pas les mots. Cela faisait tellement longtemps que je ne lui avais rien écrit... A quand remontait notre dernier échange ? Notre dernière réelle conversation ? À trop longtemps, hélas... Et puis jamais nos conversations n'avaient eu de réel sujet dramatique, même à l'époque où nous étions toujours fiancés. Là, ce serait le cas. Nous étions séparés, déchirés. J'avais bien peur que ce soit définitif. Mais rien ne m'empêchait de tenter de me rattraper, n'est-ce pas ? Après tout, je n'avais plus grand chose à perdre. C'était la solution de la dernière chance. Si Milan choisissait de m'ignorer, je n'aurais définitivement plus rien, et je serais tout à fait libre de partir... définitivement. Une fois que j'aurais donné naissance à l'enfant de Dmitri. Je n'étais pas encore assez cruelle pour sacrifier une vie innocente, peu importait l'identité de son géniteur. Et puis au moins, cela sauverait peut-être la vie d'une femme, si je donnais un fils à Dmitri. Tout ce qu'il voulait c'était un enfant légitime, peu lui importait que sa femme y laisse la vie, ce n'était pas son problème. De toute façon, je n'étais probablement bonne qu'à ça à ses yeux. Il fallait encore que je lui annonce la nouvelle, ce que je ferais rapidement, mais je voulais d'abord écrire ma lettre à son frère, au cas où Dmitri déciderait de m'éloigner de la cour et de me priver de toute ressource. Il en était parfaitement capable, après tout. La vrai question était plutôt : de quoi n'est-il pas capable ?

Rentrée à la demeure familiale pour quelques jours, j'étais heureuse d'y être seule, sans Dmitri, resté au palais pour je ne sais quelle raison. Milan n'y était pas non plus, évidemment. Il n'y avait que leurs parents et les domestiques. Parfois je croisais Tatiana, qui me jetait un regard désolé, ou encore Nikolaï, qui me toisait comme si je n'étais rien. Intérieurement, je riais, car mon père n'avait pas la moindre idée de qui était son cher ami. Et ce n'était pas moi qui allait le lui apprendre. Je préférais de loin qu'il s'en rende compte seul, et qu'il en paie le prix cher le temps venu. Avait-il la moindre idée de ce que faisait Nikolaï derrière son dos ? Mon Dieu, il le manipulait comme un adulte manipule un enfant. Peut-être était-ce là un semblant de justice ? Non pas que j'y prête plus d'importance que cela, mais au moins j'y voyais quelque consolation. Et puis, Nikolaï me méprisait tellement qu'il me laissait tranquille la plupart du temps. Je n'étais pas sa femme, il ne s'occupait pas de moi. Et je ne m'occupais pas de lui. Je l'évitais autant que je le pouvais, également. Lorsque j'étais à la demeure familiale, je passais la plupart de mon temps enfermée dans mes appartements, avec pour seule compagnie Nadjejda. Elle était la seule en qui j'avais réellement confiance. Je la connaissais depuis l'enfance, ce n'était pas le cas des autres domestiques, malheureusement. Je n'osais placer ma confiance en personne d'autre, de peur d'être trahie. Je savais que ce serait elle qui porterait ma lettre à Milan. Je ne pouvais pas risquer de l'envoyer comme un courrier normal. Notre correspondance devrait à tout prix rester secrète. Comme elle l'était autrefois. Drôle de retour en arrière, n'est-ce pas ? Mais je ne voulais prendre aucun risque. Si quiconque découvrait cela, à coup sûr j'en paierais le prix cher, très cher. Et Milan aussi. Je me refusais à le mettre dans une position inconfortable, même s'il l'était déjà. À la cour, n'était-il pas celui dont on disait que son frère lui avait volé sa femme devant ses yeux ? Il passait pour un poltron, ce qu'il n'était pas, je le savais, même je lui avais craché au visage le contraire, pour tenter de le faire réagir. J'avais été souvent très injuste avec lui. Et peut-être était-ce aussi injuste de lui écrire pour le supplier, alors qu'il faisait de son mieux pour conserver un minimum d'honneur et de dignité. J'étais une femme cruelle.

J'ai attendu que la nuit soit tombée pour commencer à écrire ma lettre. Seule dans ma chambre, à la lumière des bougies et réchauffée seulement par les braises dans la cheminée et le châle autour de mes épaules. Je m'étais mise à l'aise, j'avais enfin libéré mes cheveux et abandonné la prison qui me servait de robe. Des feuilles éparpillées sur le bureau, j'attendais d'avoir le courage d'en saisir une, d'ouvrir l'encrier et d'y tremper ma plume pour enfin me mettre à ma tâche. Seulement je restais inerte, accoudée sur le bureau, me demandait bien par quoi je pourrais commencer. Je ne pouvais pas commencer par une gentille formule de politesse, c'eût été hypocrite. Mais pouvais-je de but en blanc lui dire tout ce que je ressentais ? Il me fallut des heures entières et une dizaine de tentatives infructueuses pour comprendre que tout ce que je devais faire, c'était écouter mon cœur, chose que je n'avais pas faite depuis bien longtemps. Je décidai également de ne pas lui écrire en russe. Si jamais cette lettre tombait entre de mauvaises mains, je ne voulais pas risquer que l'on comprenne absolument tout. Je savais que beaucoup de personnes à la cour parlaient parfaitement français, Milan et moi y compris. Mais c'eût été comme lui écrire en russe, c'était idiot. Alors j'ai préféré lui écrire en anglais. Je savais qu'il parlait cette langue parfaitement, et il m'avait appris cette langue, avec l'aide de mon précepteur. Je savais que les personnes qui parlaient l'anglais à la perfection étaient assez rares, en comparaison à celles qui parlaient le français. Un alphabet différent et une langue peu répandue seraient autant de barrières qui empêcherait notre correspondance d'être trop exposée. Par exemple, je savais que Dmitri ne parlait pas un mot d'anglais et il haïssait l'Angleterre et les Anglais. J'étais bien moins idiote qu'il ne le pensait.

Je me suis laissée aller à l'écriture, sans vraiment réfléchir à ce que j'écrivais. Au moins étais-je la plus sincère du monde dans mes propos. J'ai tout écrit d'un trait, sans m'arrêter, malgré la bougie qui faiblissait et la fatigue qui m'assaillait. De devais terminer cette lettre coute que coute, sans quoi je n'aurais jamais le courage de m'y remettre. Je tins le coup, ne m'autorisant à respirer qu'à partir du moment où je mis le point final et signai la lettre. Je lâchai la plume à côté de la lettre, et l'encre éclaboussa mes précédentes tentatives. Prenant une profonde inspiration, je me passai une main dans les cheveux, avant de me lever subitement. J'ouvris le tiroir de mon bureau et j'en sortis une enveloppe. J'attendis que l'encre ait séché, puis je pliai délicatement la lettre, que je glissai dans l'enveloppe. Je faillis me raviser et tout jeter au feu, mais je me traitai mentalement d'idiote. Je n'allais pas renoncer maintenant ! Je me rassis pour cacheter l'enveloppe. J'avais mon propre sceau, et Milan n'aurait pas besoin d'ouvrir la lettre pour savoir de qui elle venait. Au moment où j'allais verser la cire brulante sur le papier, une idée me vint. Me levant de nouveau, je me précipitai vers mon armoire, et j'en sortis une boite en bois, un cadeau de Ekaterina. À l'intérieur, il y avait des dizaines de rubans de toutes les couleurs. Lorsque nous étions plus jeunes, nous avions l'habitude de récupérer tous les rubans inutilisés qui servaient à faire nos robes. C'était devenu un jeu entre nous. Un jeu puéril, mais un jeu auquel Milan avait été ravi de participer, s'arrangeant pour nous en ramener à chaque occasion. J'en choisi un un peu au hasard, un pourpre, sur lequel je déposai quelques gouttes de mon parfum, un charmant mélange de rose, de lilas et de citronnelle. Puis je le glissai dans l'enveloppe, sur laquelle je versai ensuite la cire. J'attendis qu'elle durcisse légèrement, avant d'y apposer mon sceau, un flocon de neige sur une rose. C'était ma mère qui l'avait fait faire pour moi, à ma naissance. Parce que j'étais « aussi jolie qu'une rose, et aussi fragile qu'un flocon ».

Ceci fait, je rangeai tout, comme s'il ne s'était rien passé, et je jetai au feu et mes brouillons. Je glissai la lettre sous mon oreiller avant d'aller me coucher, pour m'assurer qu'aucune domestique ne l'apercevrait lorsqu'elles viendraient me réveiller. Et c'est le cœur lourd, mais un peu plus léger qu'auparavant, que je suis allée me couchée.

*

Je me suis réveillée en sursaut, avant même que l'on soit rentré dans ma chambre. Comme par crainte d'avoir rêvé, j'ai glissé ma main sous mon oreiller, et je poussai un soupir de soulagement en effleurant la lettre du bout des doigts. Je me suis rapidement levée, et je me suis préparée rapidement, avant que la maisonnée ne soit encore éveillée. Le plus discrètement du monde, j'ai quitté ma chambre, et à pas de loups j'ai été jusqu'à celle de Nadjejda. Je lui ai confié la lettre, la priant de la remettre à Milan le plus rapidement du monde, et le plus discrètement possible. Elle me promis de partir sur le champ, ce qu'elle fit. J'angoissais littéralement, morte de peur à l'idée que quelqu'un n'intercepte cette lettre, à l'idée qu'elle puisse tomber sur Dmitri. Ce n'était qu'une lettre, et pourtant j'étais terrifiée. Alors que j'aurais très bien pu la remettre en mains propres à Milan qu'il ne se serait rien passé. Mais je ne voulais nullement tenter le Diable. De peur de perdre. Je jouais déjà assez avec le feu... Nadjejda partie, je suis remontée dans mes appartements, le cœur battant à tout rompre. J'attendis des heures le retour de Nadjejda, pour entendre le récit de son histoire.

Elle n'eut pas particulièrement de problèmes, sinon qu'il lui fut difficile de mettre la main sur Milan, qui n'était ni dans ses appartements, ni dans son bureau. Ne pouvant définitivement pas le chercher dans tout le palais, elle s'était résolue à l'attendre devant ses appartements, songeant qu'il finirait bien par devoir y retourner. Il faut l'admettre, la manœuvre n'était pas très discrète, mais l'essentiel était que personne ne se soit posé de questions, les passages étant nombreux dans les couloirs. Au moins est-elle partie sans demander son reste lorsque Milan a enfin daigné montrer le bout de son nez, et une fois qu'elle lui eut donné la lettre. C'était quelque peu dommage, car j'aurais au moins aimé savoir quelle avait été sa réaction sur le moment. J'imaginais que je ne pourrais m'en faire une idée que si j'avais une réponse, ou non, à ma lettre. Et j'espérais sincèrement qu'il me réponde...

*

Mon cher amour,


Je t'en supplie, pardonne moi. Pardonne moi, car je n'ai été qu'un cœur de pierre ces deux dernières années. J'ai eu moins de cœur que les barbares que nous tentons de repousser depuis des siècles. J'ai tenté de me battre contre ce que je ressentais pour toi, mais je l'ai fait de la mauvaise façon. Y a-t-il seulement une façon ? Si c'est le cas, je ne suis pas parvenue à le découvrir. Certainement parce que je n'en ai pas très envie. Pour quelle folle raison voudrais-je te perdre pour toujours ? C'est peut-être déjà fait, peut-être que malgré moi j'ai réussi à perdre ton amour. Je n'en serais pas étonnée, après tout j'ai tout fait pour le mériter. Simplement, cette éventualité ne me débarrasse d'aucun poids. Au contraire, savoir que tu ne m'aimes plus serait la plus grande torture qui puisse être. Si je perdais ton amour, que me resterait-il, à part mes yeux pour pleurer ?

Je n'ai jamais été une très bonne croyante, tu le sais mieux que quiconque. Pourtant, je prie tous les jours dans l'espoir de te retrouver. Mon cœur a cessé de battre le jour où je t'ai perdu. Je t'ai perdu. Je t'ai perdu, que je veuille l'admettre ou non. Je désespère de jamais réussir à te reconquérir. Les convenances peuvent bien aller au Diable. Nous n'avons qu'une seule vie, et nous sommes en train de la gâcher. Si je ne suis pas avec toi maintenant, je ne le serai jamais. Je me moque du paradis, de l'au-delà, de tous ces mensonges que l'on nous fait avaler pour nous rassurer. Devons nous réellement attendre la mort pour être ensemble ? Tu me connais, tu sais que la patience n'est pas une de mes qualités. Je veux tout, tout de suite. Et l'égoïste que je suis devenue ne réclame que toi. Qu'y puis-je ? Tu hantes mes pensées, mes songes, mon être tout entier. Je me sens comme ces hommes qui ne peuvent se passer de l'opium pour vivre. J'ai la sensation non plus de vivre pour moi, mais pour ton seul souvenir et pour tout ce que nous avons vécu ensemble. N'était-ce pas merveilleux, après tout ? Qui pourrait se vanter d'avoir vécu une passion semblable à la notre ? Si tu savais comme cela me manque... J'aimerais tellement avoir l'occasion de raviver le feu de notre amour. J'aimerais, mais sans toi je ne le peux pas.

J'ai peur de ne plus savoir quoi faire pour t'attirer vers moi. C'est idiot de ma part de me plaindre, car je l'ai cherché, ignorant tes présents et brulants tes lettres avant même de les avoir lues. Idiote que j'ai été, je pensais nous protéger en me forçant à m'éloigner de toi. Je n'ai jamais rien fait d'aussi peu efficace de toute ma vie. Cela n'a servit à rien, sinon à me faire passer pour folle et détestable à tes yeux. Et je t'ai fait souffrir, j'en ai conscience. Je t'ai repoussé, et maintenant je suis la première à regretter que tu m'accordes si peu d'attention. C'est une juste punition. Oh, je suis bien punie pour ma cruauté. À quoi bon tenter de me justifier ? Le mal est fait. Et peut-être n'auras-tu nullement envie de me pardonner. Tu aurais raison, je le mérite bien. Pourtant, je ne pense pas être fondamentalement mauvaise, il me semble que je ne mérite pas tant de souffrir. J'ai été cruelle et méchante, je le sais. Mais je ne suis pas fondamentalement mauvaise, tu le sais. Je suis bien loin de la perfection, c'est évident, mais mes crimes ne sont que des crimes d'amour. Ce serait juste de dire que je me suis fait bien plus de mal à moi-même que je n'en ai fait à quiconque. J'ai conscience de t'avoir meurtri plus qu'à ton tour, mais il me semble que je suis ma première victime. Mon cœur est probablement aussi nécrosé que celui d'un malade de la peste.

La vérité, bien qu'elle soit sous-entendue, c'est que tu me manques. Terriblement. Depuis deux ans, c'est à peine si nous nous sommes adressé la parole. Pour quoi faire ? Nous disputer ? Je suis lasse de nos disputes. Après tout, ce sont les mêmes qu'avant. À la différence que nous avions le droit de nous réconcilier. Aujourd'hui c'est à peine si tu oses me regarder. Tu ne devrais pas hésiter. Pourquoi donc ? Pour préserver un honneur dont au fond tu te moques ? Pour ne pas trahir un frère qui t'a poignardé dans le dos et qui ne se soucie pas de toi ? Je ne t'ai pas connu si naïf. Tu sais ce qu'il en est. Alors pourquoi rester loin de moi ? Tu es seul, tu le sais. Je n'avais pas l'intention de te le faire remarquer si durement la dernière fois que nous sommes vus, et pourtant la vérité est là. Iras-tu me contredire ? Non, et tu sais pourquoi. Ce n'est pas juste, rien n'a été juste depuis deux ans. J'aimerais pouvoir te dire que nous pouvons être tous les deux sans aller à l'encontre d'aucune loi, ni d'aucun principe. Mais tu sais que je ne peux pas. Et tu sais pourquoi. Pourtant, je n'en désire pas moins être près de toi. Je me plierais à tes quatre volontés s'il le fallait.

J'ai besoin de toi. Te demander de revenir vers moi étant donné la situation actuelle est terriblement égoïste de ma part, j'en ai bien conscience. Mais je veux croire que tout n'est pas perdu, qu'il reste un maigre espoir pour nous deux. Tu es plus fort que je ne le serai jamais, et c'est pourquoi j'ai besoin que tu m'aides à rester debout. Tu peux refuser, je n'ai aucun droit sur toi. Je ne t'appelle pas à l'aide, pas totalement. Si tu ne m'offrais qu'un centième de l'attention que tu me portais autrefois, j'en serais déjà immensément heureuse.

J'ai achevé de nous séparer après que nos fiançailles aient été rompues. Voilà pourquoi je fais un pas vers toi aujourd'hui. Je ne le cache pas, je suis poussée par le désespoir de notre situation. Fière que j'étais, je ne voulais pas voir la vérité en face. Mais même la fierté a ses limites, et voilà longtemps que je les ai dépassées. Le reconnaître m'a également pris du temps. J'ai terriblement peur qu'il m'arrive quelque chose, et que tu ne saches pas ce que je ressens, et ressentirai toujours, pour toi. Tu es l'amour de ma vie. Ton frère peut bien me forcer à l'épouser, et à lui donner un fils, il ne me forcera jamais à l'aimer. Je t'aime, Milan. De tout mon cœur. C'est la seule chose que je puisse te dire pour que acceptes de m'accorder de nouveau ta confiance. C'est la seule chose en moi qui soit encore tout à fait sincère, et innocente. Le reste est pourri, spolié par ces deux dernières années. Je ne suis même pas certaine de pouvoir redevenir celle que tu aimais. Mais je jure devant Dieu que je ferais de mon mieux si tu décidais que je vaux la peine que tu m'accordes une seconde et une dernière chance, pour effacer ces dernières années. Je vendrais mon âme au premier venu simplement pour que tu me souries comme tu le faisais.

Je t'aimerai jusqu'à ma mort, ne l'oublie pas.


J'aimerais tellement, tellement qu'il neige de nouveau.
Ton Anya.
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Loveletters { MILAN }   Loveletters { MILAN } Icon_minitimeSam 9 Avr - 16:52

La vie à la cour était de plus en plus pesante au fil de la grossesse de Marie, la favorite d’Alexandre. Tous les regards étaient tournés vers le couple adultérin et chacun attendait la suite des événements. Tant de bruits de couloirs qui se faisaient toujours entendre quand je me déplaçais dans les couloirs du Palais d’Hiver. Marie va-t-elle enfin donné naissance à un garçon ? Alexandre va-t-il reconnaître l’enfant ? Alexandre va-t-il répudier Elizaveta si Marie lui donne un fils ? Alexandre va-t-il renvoyer Marie si celle-ci met une petite fille au monde ?

Et il n’y avait rien que je puisse faire. Rien du tout. Je plaignais sincèrement Alexandre et Marie. Mais celle que je plaignais bien plus c’était Elizaveta. Elle était certainement mon amie la plus chère. Nous nous connaissions depuis tant d’années. Mes journées étaient remplies par mes occupations imaginaires de conseiller du Tsar, et ma réelle mission d’espionnage. J’avais de plus en plus cette impression que je n’avais plus une seconde pour moi. Et même si la plupart du temps je bénissais cette sur-activité qui m’évitait de trop penser à Anastasia et à la nouvelle qu’elle m’avait apprise il y a quelques jours de cela, j’aurais aimé pouvoir me retrouver seul dans mes appartements et pleurer tout mon saoul. J’aurais pu profiter de mes nuits bien entendu. Mais Elizaveta ne dormait que très peu, et elle réclamait mon soutien. Je ne lui avais pas encore parlé de l’état d’Anastasia parce que je me disais que ses soucis passaient avant les miens. Ce n’était pas mon sens de l’honneur seulement qui entrait en ligne de compte puisque je devais allégeance à la tsarine. Mais c’était mon sens de l’amitié. Je voulais être là pour elle. Cela pouvait passer pour de l’opportunisme puisque j’étais le meilleur ami à la fois du Tsar et de sa femme, mais ma vision des choses restait la même. Dans ce ménage à trois, j’avais pris position. Je n’avais de cesse que de m’affirmer dans le camp d’Elizaveta. Elle méritait plus de reconnaissance qu’elle n’en recevait hélas. J’avais la détestable impression que tout le monde la méprisait sans réaliser qu’elle avait perdu deux enfants. Je ne comprenais pas cette obstination des gens à n’accorder du crédit qu’aux enfants sains et de sexe masculin. Un enfant est un enfant. Il est une bénédiction…

Sauf peut-être quand cet enfant est tout ce que vous avez redouté le plus au monde. Et c’est ce qu’il se passait avec Anastasia. Non, je n’étais pas heureux qu’elle porte un enfant en son sein. J’aurais tant aimé que cet enfant soit le mien. Mais je ne serais jamais son père…Je serais son oncle. Et chaque fois que je verrais cet enfant, je le haïrais. Il me rappellerait à chaque seconde que mon bonheur avait été brisé. Il en serait la représentation…Et il ne serait peut-être que le premier d’une multitude de représentations…

C’est en maudissant cet enfant que je me rendais dans mes appartements afin de changer de vêtements et de faire un brin de toilette avant de devoir partir pour deux jours sur les abords de Saint Petersbourg pour rencontrer en secret un soldat de l’armée de Napoléon qui disait avoir des choses à me révéler. Aux hasards des couloirs, je croisais nombre de mes connaissances mais ne m’attarda pas. Pas plus que je ne répondis aux appels de quelques courtisanes qui se tenaient non loin de mes appartements. Pourtant, lorsqu’un visage familier fondit sur moi, je pris une minute pour elle. C’était Nadjeda, la femme de chambre au service d’Anastasia. Je l’avais connue lorsque j’avais été fiancé à Anastasia, mais nos rapports n’avaient jamais été plus que cordiaux. Elle me tendit alors une lettre sans un mot, et elle repartit.

Je n’eus qu’à regarder le sceau pour savoir. Cette lettre me venait d’Anastasia. Je n’avais pas reçu de lettre avec ce sceau depuis plus de deux ans. Alors qu’avant nos échanges épistolaires était presque quotidiens. Je rentrai alors dans mes appartements, me délestant de mon uniforme et caressai la lettre pendant prés d’une heure. Je n’avais jamais eu si peur d’ouvrir une lettre de toute ma vie. Si bien que je ne l’ouvris que le lendemain, lorsque ma rencontre avec ce soldat français prit fin. Lorsque je l’ouvris, et que je dépliai les deux feuillets, je faillis perdre le petit ruban glissé à l’intérieur. Je ne pus réprimer un sourire sans doute un peu idiot. C’était bien peu de choses mais cela signifiait tellement. Je le portai alors à mes narines et je me laissai transporter par le parfum. Je pouvais presque sentir la présence de mon ancienne fiancée prés de moi, et je sus automatiquement ce que je voulais en faire. Alors je remontai ma manche et le laçai à mon poignet en faisant deux nœuds pour ne pas le perdre. Là où il était, personne ne le verrait, et j’aurais l’impression qu’Anastasia était en permanence avec moi.

Je dépliai enfin les deux feuillets et me mit à lire frénétiquement sa lettre. Elle avait choisi l’anglais, signe évident qu’elle ne voulait pas que cette lettre soit découverte. Et je la relus une seconde fois, plus doucement, en faisant glisser mes doigts sur les lettres qu’elle avait tracées de son écriture fine. J’étais touché par ses mots, si touché que je ne pus retenir une larme. Oui, notre vie, nos vies n’étaient qu’un misérable gâchis…

Je savais qu’elle attendait une réponse, mais je gardai cette lettre trois jours de plus durant avant de me décider à y répondre. Je n’avais pas remis les pieds au Palais d’Hiver depuis des jours, préférant le calme et l’anonymat que je ne trouvais qu’entre les murs de l’Hermitage. Je dus me contenir de parler de cette lettre à Elizaveta mais me résignai à donner enfin une réponse à ce petit oiseau.

Ma chère Anastasia,

Je ne saurais vous dire combien de fois j’ai espéré cette lettre et maintenant que je l’ai lue et relue, je ne sais que répondre. Ne croyez pas que dans mon cœur elle vienne trop tard, ce n’est pas de cela il s’agit. Seulement je crains de ne plus savoir répondre correctement à vos attentes.

Tu vois, je ne sais même plus comment je dois m’adresser à toi. La bienséance voudrait que je m’incline devant toi et que je n’use pas tant de familiarités mais cela m’est impossible fort longtemps. Mon cœur éprouve encore tant de difficultés à te considérer autrement que comme ma fiancée. Et mon cœur se bat sans arrêt avec ma conscience qui elle ne cesse de me crier que tu es la femme de mon frère désormais. A chaque fois que je te croise, mon cœur et ma conscience s’affrontent. Mon cœur, je te l’ai donné et ne te le reprendrai jamais. Pourtant, je ne sais si je peux, après t’avoir lue, tuer ma conscience et faire fi de toutes les convenances.

J’aimerais pouvoir te dire que je me mets à tes pieds et que je suis prêt à tout pour que ces mots que j’ai tant lus ne deviennent la réalité, mais je n’en ai pas le droit. Pour bien des raisons, je ne peux faire de toi ma maîtresse. Tu sais pourtant tout ce que l’on risque à laisser nos cœurs parler pour nous. Si jamais quelqu’un l’apprenait, cela causerait bien plus que notre ruine personnelle. Nos familles seraient déshonorées à jamais, et seraient certainement mis à l’écart de la Cour, et je ne peux faire cela à certaines personnes. Je sais ce que tu penses de mon entêtement à faire passer l’honneur de ma famille, mais c’est hélas tout ce qu’il me reste. En te perdant, j’ai tout perdu. Et même si j’aimerais croire qu’en te retrouvant je retrouverais tout, je sais que ce n’est qu’un leurre.

Il y a tant de questions dans ta lettre et je n’ai aucune réponse qui te satisferait je le crains. Il y a tant de demandes dans ta lettre et je n’ai pas les moyens d’y répondre comme tu l’aimerais. Je sais que tu aimerais que je vienne et que je me jette contre toi mais je n’en suis tout simplement pas capable. Pas plus que je n’en ai le droit. Tu attends l’enfant de Dmitri, et je ne peux l’oublier. Je ne te blâme pas mon tendre petit oiseau fragile, mais je ne peux cesser de penser malgré tout ce que tu m’écris que cet enfant existe. Et tu sais autant que moi si nous en venions à nous aimer et que la nouvelle s’ébruiterait nous risquerions bien plus que l’exil. Je refuse de te mener à ton bourreau. Pourtant si je devais mourir, je le ferais.

Mon cœur, je te l’ai donné il y a prés de dix ans maintenant. Pourtant, lorsque je me suis trouvé devant nos pères et mon frère et que j’ai appris que tu n’étais plus et ne serait plus jamais mienne, je l’ai senti se briser en moi. Il s’est tant brisé qu’il a perforé mes poumons, m’empêchant de respirer. Et depuis ce jour, je ne vis plus vraiment. Bien sûr, je marche, je ris, je pleure, je fais mon devoir mais je ne vis plus. Et savoir que tu as brûlé toutes mes lettres me fait beaucoup de peine. T’en tiens-je rigueur pour autant ? Non. Mille fois non. Je sais que les apparences sont souvent trompeuses et je comprends maintenant que tu as cru que je t’avais abandonnée et que j’avais renoncé. Mais je n’ai renoncé à toi que lorsqu’un couteau s’est planté dans mon dos et qu’on m’a juré qu’on nous tuerait tout deux si je faisais un pas supplémentaire. Ce jour là, au mariage, j’ai essayé de t’atteindre et de t’enlever mais on m’a empêché. Je ne supportais pas de te voir souffrir et exprimer toute ta douleur. Pas plus que je ne supportais de te voir épouser Dmitri…

Mon amour, j’ai essayé d’empêcher ce mariage. J’ai tant essayé. Pourtant, j’ai failli. Te voilà maintenant mariée à mon frère. Et pis encore, tu portes son enfant. J’aimerais prétendre que je suis ravi de cet heureux événement mais je ne le suis pas. Quel homme suis-je donc Anya ?

Je ne sais pas si nous tourmenter ainsi est ce que nous avons de mieux à faire, c’est pourquoi je n’avance ni vers toi, ni ne recule pour tenter de m’enfuir. Je te donne le droit de penser que je ne suis qu’un pleutre, car c’est certainement ce que je suis. Mais je te promets de te sourire lorsque nous verrons…

A tout jamais tien, Milan.

Ps : Peut-il encore neiger alors que le printemps est aux portes de nos vies ?
Je couchai sur papier en langue anglaise ce que je ressentais. Et ce que je ressentais ne ressemblait qu’à de la confusion, de l’hésitation. Je ne voulus pas me relire, j’avais trop peur de froisser le papier et de le jeter au feu. Je savais pourtant que ce n’était pas du tout ce qu’attendait Anastasia de ma part. Je connaissais également son impatience, et je me doutais qu’elle pensait sans doute que je ne répondrai jamais. Alors je n’attendis pas une seule seconde et fit venir un domestique en qui j’avais confiance. Je me fichai de l’heure qu’il pouvait être, il avait ordre d’aller donner cette lettre immédiatement, sans se laisser distraire par quoi ou qui ce soit. Et il devait la remettre en main propre en m’excusant de l’heure à laquelle je la faisais réveiller.

Je ne pus dormir lorsque mon émissaire quitta le Palais d’Hiver. Je relus alors pour la cinquantième fois la lettre d’Anastasia, qui maintenant semblait avoir souffert de tant avoir été pliée et dépliée.
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Anastasia K. Nouchkine
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MessageSujet: Re: Loveletters { MILAN }   Loveletters { MILAN } Icon_minitimeMer 13 Avr - 11:22

Au bout de trois jours, j'ai commencé à me dire que Milan ne répondrait jamais à ma lettre. Peut-être même ne l'avait-il pas lu. Comment l'en blâmer ? C'était ma faute, à moi et à moi seule. Si j'avais répondu à sa propre correspondance au lieu de la bruler, peut-être n'aurait-il pas fait de même avec la mienne. Mes caprices et mon orgueil m'avaient couté bien cher cette fois ci. Je ne savais pas si j'allais pouvoir m'en sortir, cette fois ci. Si j'avais perdu Milan, il ne me restait plus rien, ou plus rien d'important. Qu'aurais-je donc besoin de supporter davantage cette vie atroce ? J'aurais tant voulu m'en débarrasser. Seulement, je ne pouvais pas m'y résoudre, encore assez raisonnable pour ne pas tuer l'enfant que je portais, quand bien même j'avais la sensation que l'enfant du Diable grandissait en moi. Je me sentais salie et trahie. Il suffisait que je songe à comment avait été conçu cet enfant pour avoir la nausée et l'envie de m'effondrer. Ce n'était pas de cette façon que cela aurait dû se passer. J'aurais dû être heureuse d'être enceinte ! Heureuse, pas désespérée ! La plupart des femmes que je croisais et qui étaient enceinte étaient radieuses, et terriblement heureuses, parce que pour la majorité, même si elles n'aimaient pas leurs maris, les appréciaient au moins pour les qualités qu'ils avaient. Et maintenant que ma grossesse avait été annoncée officiellement, on ne cessait de me féliciter, et je devais jouer le jeu, alors que j'avais envie de leur hurler de se taire et m'enfuir. Je devais sourire et caresser mon ventre en faisant mine d'être la plus heureuse des femmes. Ce que je n'étais absolument pas. Je n'arrivais pas à m'extasier devant les ventres ronds des dames ou devant leurs nouveaux nés. Quand bien même les enfants étaient adorables et charmants, je ne pouvais pas. Je savais que je ne voudrais même pas regarder l'enfant que j'aurais mis au monde, à part peut-être si c'était une petite fille. Et encore. Voir les traits de Dmitri réapparaitre et s'affirmer me serait insupportable. Je ne voulais pas être la mère de cet enfant. Ni aujourd'hui, ni demain. De toute façon, je n'en aurais pas le droit, Dmitri avait été clair : je le porterais, je le mettrais au monde, et ce serait tout. Je ne jouerais aucun rôle dans sa vie. Dieu merci.

Je finis presque par oublier la lettre d Milan qui ne viendrait jamais, retombant dans ma lassitude et dans ma mélancolie permanente, restant dans ma chambre, à regarder par la fenêtre. Il ne restait presque plus de neige, et le printemps commençait à s'installer. Quand bien même j'avais toujours adoré l'hiver, j'aimais énormément le début du printemps, quand tout renait. J'aimais voir les premières roses éclore, le lilas fleurir, et les fleurs de crocus percer la neige. Par dessus tout, j'aimais entendre de nouveau les oiseaux chanter, célébrer le retour des beaux jours. Parfois, un écureuil traversait la cour en sautillant, et de temps en temps, aux abords du bois, on pouvait apercevoir un cerf ou une biche, qui s'aventurait un peu plus avant, la chasse n'était pas encore ouverte. Observer la nature, le monde, m'aidait à tenir le coup. Depuis toute petite, j'avais pris l'habitude de jeter des graines sur le rebord de ma fenêtre, et d'attendre que les oiseaux, encore affamés à cause de l'hiver, viennent picorer. Autrefois, avec Ekaterina, il nous arrivait d'attendre des heures. Cela faisait partie de ces moments que nous aimions partager. Aujourd'hui j'étais seule à attendre qu'un rouge-gorge ou un moineau vienne se poser pour picorer. Je pensais très souvent à ma sœur, ces derniers temps. À elle et à la lettre qu'elle m'avait laissée en guise d'adieu. Comme j'aurais aimé que nous eussions eu cette lettre à temps. Peut-être était-ce cette lettre que j'aurais dû envoyer à Milan en premier lieu, au lieu de mes suppliques idiotes. Peut-être... C'était trop tard.

Ou peut-être pas. Il était très tard, et je m'apprêtais à aller me coucher, lorsque que Nadjejda, un peu paniquée, m'annonçant qu'un émissaire venait d'arriver du palais, et qu'il avait une lettre pour moi. Brusquement paniquée moi aussi, je lui ordonnais d'aller chercher la lettre et de le renvoyer rapidement, avant que quelqu'un ne se rende compte de quoi que ce soit. Pari risqué, car même s'il était très tard, mon mari et mon beau-père pouvaient être réveillés par le bruit. Heureusement, tout fut fait rapidement et discrètement. Je renvoyai Nadjejda quand j'eus la lettre. Si on nous entendait parler à une heure pareille, à coup sûr nous aurions des ennuis. Je m'enfermai ensuite à double tour. Mes mains tremblaient lorsque je brisai le sceau pour ouvrir la lettre. Il me fallut plusieurs minutes pour oser sortir la lettre elle même. Et lorsque ce fut fait, il m'en fallut plusieurs autres pour oser la lire, comme si je craignais d'y lire quelque chose d'atroce. Pourtant je la lus d'un trait, sans m'arrêter. Et sa lecture me laissa vide, je ne savais trop quoi en penser. J'étais à la fois heureuse et terriblement triste. Heureuse parce qu'il m'assurait qu'il m'aimait toujours et n'avait jamais cessé de le faire, et terriblement triste parce qu'il ne promettait pas non plus de se battre pour moi. J'aurais dû me douter que je ne saurais vaincre sa conscience avec quelques mots. Mais j'avais néanmoins constaté une certaine faiblesse de sa part dans ses écrits, une faiblesse dont il n'avait peut-être pas eu conscience lui même. Il n'avait pas dû relire sa lettre, avant de me l'envoyer dans l'urgence. Et je me devais de lui répondre dans l'urgence. De battre le fer tant qu'il était encore chaud.

Comme précédemment, je me dépêchai de sortir tout ce dont j'avais besoin avant de m'asseoir à mon bureau pour répondre à sa lettre. En sachant Dmitri dans la maison, je me dépêchai d'autant plus, me préparant également à tout jeter au feu au moindre bruit suspect. Dieu merci, je n'eus pas à faire cela, j'eus le temps d'écrire ma réponse à Milan, sans que rien ne se passe. Quand j'eus terminé, je relus ma lettre, comme pour être certaine que rien ne clochait, puis je la scellai, avant de déposer quelques gouttes de mon parfum sur l'enveloppe. À l'instar de Milan, je fis partir la lettre immédiatement, m'assurant du silence de mon coursier avec quelques roubles. J'étais chanceuse, à mon mariage quelques gens de ma maisonnée avaient été autorisés à venir avec moi. J'étais donc assurée de leur silence et de leur fidélité à mon égard. J'avais plusieurs cartes dans mon jeu.

*

Mon tendre amour,


Il eut été idiot de ma part de m'attendre a une autre sorte de réponse de ta part. Il est évident que je ne saurais faire taire ta conscience aussi rapidement. Je ne prétends pas plus y parvenir aujourd'hui, mais j'ose espérer, peut-être naïvement, que ton cœur finiras par emporter la bataille contre ta raison. Je ne suis pas sotte, je sais bien qu'il est difficile pour un homme comme toi de renoncer à tous ses principes. Surtout pour une femme. Je ne suis qu'une femme, et pourtant, il me semble que je n'ai pas à être traitée comme un simple objet. Tu ne m'as jamais traitée de la sorte, je le sais bien, je ne pense pas à tout en disant cela. Je ne peux mentir plus longtemps. J'aimerais être moins sotte et pouvoir me taire, me contenter d'accepter le destin qui est le mien. Pourtant je ne peux. Car je n'ai qu'une vie, et peut-être cette dernière sera-t-elle considérablement raccourcie. Voilà pourquoi j'ai décidé de revenir vers moi. Je t'en prie, ne recule pas à mesure que j'avance. Je ne peux pas courir après toi. Les jeux de l'enfance se sont envolés depuis bien longtemps maintenant. Et les jeux des adultes sont loin d'être aussi plaisants que l'étaient les autres.

Je suis lasse d'être la poupée de ton frère, de ton père et du mien. Je suis lasse de devoir les laisser décider de mon destin. Peut-être suis-je trop orgueilleuse, et exigeante mais je ne me satisfais de rien dans cette vie. Je ne veux plus être cette marionnette dont on se dispute les ficelles. Je ne veux plus être une marionnette, à moins d'être la tienne. J'aimerais pouvoir t'ouvrir les yeux. Je sais que si tu méprises ton père, tu tiens ton frère en haute estime. Sans doute ne puis-je pas réellement comprendre pourquoi, n'ayant pas connu ton autre frère autrement qu'en mon bourreau. Je ne puis le supporter. Tu pourras me maudire et me traiter de menteuse, mais je te supplie de me croire quand je dis que ton frère est loin d'être celui qu'il prétend être. Si je devais lui trouver une qualité, sans doute n'en trouverais-je qu'une : c'est un merveilleux comédien, un excellent même. Il me pense trop sotte pour m'en rendre compte. Seulement voilà, je voit tout et j'entends tout. Il a raison de penser que j'aurais trop peur de lui pour oser dénoncer ses manigances au Tsar ou à une quelconque autorité. Car en effet, je tremble d'effroi à chaque fois qu'il m'approche. Si tu n'avais pas quitté la demeure familiale, peut-être tes soupçons se seraient-ils éveillés plus tôt. Je sais que si tu n'es pas naïf, tu es plus que capable de te voiler la face. Tu ne me feras pas croire que tu as cru à mon mensonge lorsque j'ai prétendu que les hématomes sur mes cuisses étaient le résultat de mes longues promenades à cheval. Pourtant, accepteras-tu la vérité pour autant ? J'ai bien peur que non. Tout cela est encore trop fouilli dans ton esprit pour que tu te rendes compte des choses. Et loin de moi l'idée de te presser à les accepter, ou encore à les découvrir. Tout cela viendras en temps voulu, et je ne peux me résoudre à tout de dévoiler dans ce qui n'est que ma seconde lettre.

Néanmoins, laisse moi te rappeler certaines choses. Mon cher, voilà bien longtemps que les femmes ne perdent plus leurs têtes pour ne pas avoir été qu'avec leurs maris ! La cour serait bien vide, sinon ! Je ne dis pas que nous ne risquerions rien, loin de là. Mais il me semble que ce n'est pas du genre de notre Tsar de se mêler de la vie intime de ses sujets... Je ne crains pas le Tsar. L'homme que je crains serait capable de beaucoup pour me punir. Avec ton frère, c'est à peine si j'ose respirer, parfois, de peur que cela l'agace. Jamais il n'a eu de geste tendre à mon égard. Pas même le jour de notre « mariage ». Je ne peux penser à ce jour là sans pleurer. Ce n'était pas un mariage, c'était une mise à mort. L'Anastasia que tu aimais a été assassiné et enterrée ce jour là. Sais-tu qu'il m'arrive d'envier le sort de Ekaterina ? Seigneur. Je suis tombée bien bas. Aujourd'hui que je suis enceinte, j'y songe avec d'autant plus d'envie, sans aucun égard pour l'enfant que je porte. Je le répète, je n'en veux pas. Dmitri n'a qu'à légitimer un de ses bâtards ! Il a en a tellement qu'il ne doit même pas tous les connaître. Peut-être même a-t-il des filles... Sais-tu que l'idée d'avoir une fille légitime l'ennuie au plus au point ? Comme si c'était de ma faute. J'aimerais être sûre de lui donner un fils, pour me débarrasser de lui avant qu'il ne se débarrasse de moi. Sans doute se dira-t-il qu'il a assassiné ma pauvre soeur pour rien, puisque je ne suis pas capable de mettre au monde son précieux fils. Pauvre enfant. Quand bien même je n'en veux pas, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il aura une bien triste vie, avec un homme comme Dmitri pour père.

Mais assez parlé de ton frère. Je le supporte assez dans ma vie pour vouloir ne parler que de lui avec toi. Je sais combien c'est difficile pour toi, de me voir avec ton frère. Sans doutes t'imaginais-tu que j'étais heureuse avec lui... Non, mille fois non ! Un milliard de fois j'ai eu envie de m'ôter la vie pour ne pas avoir à supporter ses outrages. Mais je n'ai jamais trouvé ce courage. Est-un bien, est-ce un mal ? Je ne saurais le dire, surtout en vue de la situation aujourd'hui. Comme tu me manques... Sais-tu combien de fois ai-je failli me glisser dans tes appartements, simplement pour espérer te voir ? J'ai toujours eu peur que tu me repousse, à juste titre il me semble. Aujourd'hui encore je n'oserais,craignant de trouver un homme différent de celui qui se livre à moi dans ses lettres. J'ai besoin que tu fasses un pas vers moi, j'ai besoin de savoir que tu es toujours là. Quand bien même tu ne recules pas devant moi, tu n'avances pas non plus. Comment pourrais-je aller jusqu'à toi si tu ne m'y encourages pas ? Je n'ai besoin que d'un signe. C'est tout ce que je te demande, Milan. Je prendrai tous les risques qu'il faudra prendre pour te retrouver. Je suis une femme têtue, tu le sais. Mais tu sais également que je ne prends aucune décision importante à la légère, quand bien même je peux donner l'impression d'être irréfléchie et stupide.

Je veux te retrouver. J'ai été bien idiote de bruler tes lettres ou de te les renvoyer. Car à l'époque, si je ne l'avais pas fait, peut-être n'aurais-tu pas pris de telles distances avec moi. Décidément, j'ai fait bien des erreurs ces deux dernières années. Pourtant, quitte à en faire de nouvelles, j'ai arrêté ma décision. Quitte à en payer le prix fort, je suis prête à tout pour te reconquérir. Oh, je sais que tu m'aimes toujours. Mais j'ai beaucoup à me faire pardonner, je crois. Je ferai l'impossible pour te prouver mon amour, pour redevenir l'Anya que tu as appris à aimer. Peut-être n'est-elle pas totalement morte, peut-être pourrais la retrouver pour toi.

Seulement si tu veux encore d'elle. S'il n'y a plus rien de bon pour elle, autant la laisser ou elle est. Mais sache que cette Anya ferait tous les sacrifices possibles pour toi.

Il ne tient qu'à nous de repousser le printemps. L'hiver peut durer éternellement si nous le décidons.

Ton Anya.


*

Le lendemain matin, je me réveillai en sursaut, et en hurlant. Non ! Je n'aurais jamais dû envoyer cette lettre ! Quelle erreur j'avais commis cette nuit dernière ! Je m'étais relue, et pourtant ma faute ne m'avait pas sauté au visage. J'avais avoué le crime de son frère à Milan. Oh, seigneur, mais qu'avais-je fait ? Malgré les servantes qui se pressaient soudain dans ma chambre, alertées par mon hurlement, je sortis de mon lit à toute vitesse, et j'attrapai le premier morceau de papier qui trainait sur mon bureau pour y écrire une note en toute urgence. J'étais si paniquée que je ne songeai même pas à écrire en anglais. Ma écriture était maladroite, je tâchai d'encre le papier à de nombreux endroits. J'attendais à peine qu'il soit sec pour le plier et le fourrer dans aucune délicatesse entre les mains de Nadjejda.

« - Je veux que tu apportes cette note à Milan, immédiatement ! Habille toi et rends toi à l'Hermitage dans l'instant !
- Mais, Anastasia...
- MAINTENANT ! »

Ce n'était certainement pas dans mes habitudes de hurler sur mes domestiques, et encore moins sur ma chère Nadjejda, mais la situation ne me laissait pas le temps de faire attention aux bonnes manières. Paniquée, je mis toutes mes servantes à la porte, avant de jeter sans ménagement mon nécessaire d'écriture dans un tiroir, sans faire attention à l'encre qui risquait de s'y répandre. Mon coeur battait à tout rompre dans ma poitrine, l'air me manquait et mes mains tremblais. Mais qu'avais-je fait ? J'avais tout gâché ! Personne n'aurait dû savoir, personne. Et surtout pas Milan. Pas maintenant, pas maintenant ! Mon Dieu si il n'avait pas cette note à temps... C'en était fini de moi. C'en était fini de moi et ma pauvre Natacha risquait d'en payer les conséquences... Je n'avais plus qu'à prier pour que cette fois, Milan n'ait pas un accès de fureur. Pour qu'il m'écoute et ne fasse rien. Pour une fois, je priais sa raison d'être plus forte que son coeur.

*


Tu n'aurais jamais dû savoir ! C'était une erreur de ma part, une terrible erreur de ma part. Jamais ce secret n'aurait dû d'être révélé. Ne fais rien. Je t'en conjure, ne fais rien.

Si tu m'aimes, si tu aimes ce qu'il reste de ta famille et de la mienne, ne fais rien.
Écris moi, mais ne fais rien d'autre.

Personne ne dois savoir. Et surtout pas ton frère. Soit raisonnable mon amour, soit raisonnable.

Anastasia.
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MessageSujet: Re: Loveletters { MILAN }   Loveletters { MILAN } Icon_minitimeSam 16 Avr - 21:00

Je savais que je ne dormirai pas cette nuit là. J’étais trop bouleversé par cet échange épistolaire entre mon ancienne fiancée et moi. Jamais je ne me serais attendu à ressentir tant de choses simplement en voyant ce sceau, ou en reniflant le parfum sur le petit morceau de ruban. Tant de sentiments si bien enfouis et qui remontaient à la surface faisant autant de bien que de mal à mon pauvre petit cœur. Tant de souvenirs qui passaient lentement dans ma mémoire : la première fois où nous nous étions rencontrés pour apprendre que nous étions fiancés l’un à l’autre, ces jeux enfantins d’Anastasia qui me rendaient fous mais qui me changeaient tant de mon devoir, cet éloignement qui avait révélé nos sentiments, notre premier baiser, notre première nuit d’amour ; mais aussi nos disputes… Disputes qui maintenant me paraissaient si ridicules face à ce que nous vivions maintenant.

Je ne voulais pas pleurer. J’en avais pourtant tant besoin…Mais je craignais de ne pouvoir m’arrêter si je laissais les sanglots m’étreindre. J’avais pleuré tant de fois depuis qu’on m’avait annoncé que nos fiançailles étaient rompues afin qu’elle épouse Dmitri. J’avais haï mon propre frère, et au fond je le haïssais toujours un peu de m’avoir ravi mon bonheur.

Je fis alors ce que je savais sans doute le mieux faire, je me mis à faire les cent pas dans mes appartements. Comme un lion en cage, je tentais vainement de me calmer et de garder la tête froide. J’aurais pu aller me perdre dans les bras d’une courtisane. Je savais que certaines n’attendaient qu’un geste de ma part, espérant sans doute que je fasse d’elles mon épouse afin de se voir anoblie et d’avoir le précieux sésame pour une vie plus digne à la Cour. J’aurais pu oui…Mais je ne voulais épouser personne. Le mariage étant pour moi une affaire de cœur et de sentiments, je n’en aurais épousé qu’une si elle n’avait pas elle-même mariée à un autre. Savoir qu’Anastasia m’aimait toujours avec la même intensité avait réussi à chambouler tant de choses en moi. Je n’avais eu que des doutes ou des espoirs, mais qu’elle me l’ait écrit…Cette preuve écrite me rendait nerveux. Nous nous aimions tous deux et pourtant nous ne pouvions être ensemble.

Elle savait que je n’en ferais rien pourtant. J’en mourais d’envie, et j’aurais donné ma vie pour un baiser mais je n’avais pas le droit de parjurer ses vœux. Bien qu’elle n’ait jamais voulu épouser Dmitri, elle avait dit oui devant Dieu. Elle l’avait pris pour époux, même si on l’y avait forcé. Et puis, je ne voulais pas faire d’elle ma maîtresse. JE voulais bien plus. Elle avait été mon amante à l’insu de tous pendant des années, et je ne voulais plus vivre cet amour entre deux portes. Je ne supportais que mal la clandestinité. Je la subissais déjà dans mon rôle politique. Je ne voulais pas de cela dans ma vie privée.

Je ne sais pas combien de temps j’ai marché de long en large dans mes appartements, mais je pouvais entendre les domestiques commencer à s’activer dans les couloirs. Le jour ne tarderait sans doute pas à se lever. Je n’avais pas dormi et je savais que je ne trouverai pas le sommeil. Alors j’ai décidé de faire ma toilette le plus silencieusement possible et de me changer pour faire penser que j’avais dormi profondément. Mais alors que je changeais de chemise de corps, un coup fut frappé à ma porte. J’invitai alors la personne à entrer et une lettre me fut remise. Je sus immédiatement qu’Anastasia s’était empressée de me répondre. Je tremblais lorsque je brisai le sceau du cachet.

Je m’empressai alors de lire mon amour. Très vite, l’empressement céda la place à la colère. Je ne pouvais croire en ce que je lisais. De la plume d’un autre, je n’y aurai pas cru. Mais venant d’Anastasia j’y croyais les yeux fermés. Jamais elle n’avait eu le vice qu’est le mensonge. Elle était si naturelle, si douce malgré son caractère de petite fille capricieuse, mais elle pouvait compter dans ses plus grandes qualités l’honnêteté. Seulement je m’en voulais maintenant… J’avais entendu des choses venant de femmes de soldats, ou de soldats eux-mêmes et jamais je n’avais voulu y prêter réellement attention et je me rendais compte aujourd’hui que j’aurais du. Tant de choses qui semblaient maintenant m’avoir échappées.

Je n’avais pas su voir ce qui m’aurait sans doute sauté aux yeux. J’étais un très bon observateur d’ordinaire…
Mais maintenant que je savais, je ne pouvais rester ici sans rien faire. Je savais que la prudence était une de mes plus grandes qualités, mais en cet instant je me moquais des convenances et des apparences. Je ne pouvais laisser Anastasia plus longtemps se faire violenter de la sorte. Et peu m’importait que son bourreau soit un inconnu ou mon frère, je ne le tolérais pas tout simplement.

Je me mis alors en hâte de me vêtir, et renversai un fauteuil dans ma précipitation. Le jour venait à peine de se lever et je pris les souterrains qui reliaient l’Ermitage au Palais D’hiver. Je doutais qu’Anastasia ne soit dans ses appartements au palais, mais il me fallait vérifier. Les serviteurs et domestiques ne furent pas surpris de me voir à l’aube vêtu de pied en cap et presque fou. Je me déplaçais très vite à travers les couloirs et les antichambres. Pour constater qu’en effet, Anastasia n’était pas ici. J’aurais préféré qu’elle le soit, mais cela ne m’arrêterait pas. Je quittai alors le Palais par le quartier des domestiques pour atteindre le plus rapidement possible les écuries où mon cheval attendait couché sur son flanc.

Je cherchais pendant une dizaine de minutes un palefrenier que je ne trouvais jamais, et prit alors sur moi de seller Thor. Thor était le seul lien encore existant entre Anastasia et moi et je refusais de le laisser monter par d’autres et je demandais à ce qu’il soit toujours le mieux traité possible. Il m’avait été offert par mon ancienne fiancée lors de mon vingt sixième anniversaire et était le frère de sa propre jument. Thor était un cheval à la robe grise que j’avais rapidement aimé. Je le montai alors et le surprit quand je lui demandai de se mettre rapidement au galop. Je refusais de prendre le moindre retard et de surprendre le Palais Nouchkine en enlevant Anastasia à son sort.

Pourtant, alors que le Palais d’Hiver était loin derrière moi, Thor se rabroua et je me rendis compte qu’un attroupement de gens du peuple s’était formé non loin. Ce qui me sembla de prime abord sans intérêt m’apparut alors comme plus important. Je donnai les rennes de Thor à un jeune homme en lui demandant de calmer le cheval et m’approchai alors pour voir de mes propres yeux ce qui semblait avoir réveillé tant de gens…

Au sol se trouvait le cadavre d’une jeune femme du peuple. Elle devait avoir succombé difficilement parce qu’on pouvait voir un masque de peur et douleur sur son doux visage. Je fis taire les cris de quelques femmes et réclamait à un homme d’une quarantaine d’années d’aller rapidement chercher des soldats qui pourrait venir lever le corps. Je m’agenouillai alors prés de la défunte et lui fermait les yeux. C’était la quatrième femme qui mourait en pleine rue et si nous n’avions pour le moment pensé à rien de précis, il était maintenant évident que cet assassinat (parce qu’il ne pouvait s’agir que de cela), était du au même homme ou la même femme. Je savais qu’Alexandre allait me demander de mener une enquête privée, supplémentaire à celle de sa Police.

Je restai sur place alors prés d’une heure éloignant les badauds et attendant que les soldats daignent venir. Je perdais patience lorsqu’ils arrivèrent enfin. Je ne perdis pas de temps et me remit en selle. Et cette fois-ci je m’interdis toute halte. Le jour s’était levé et les domestiques devaient déjà s’affairer comme des esclaves pour le petit déjeuner.

Lorsque j’arrivais devant le palais Nouchkine, je galopai jusqu’aux écuries où je laissai Thor aux bons soins du jeune apprenti palefrenier que mon père avait engagé en lui demandant de donner rapidement de quoi sustenter mon cheval et de tenir prête Tasha, la jument d’Anastasia dans dix minutes. Mes ordres donnés, je fonçai alors jusqu’au palais, et ne répondit pas aux « Bonjour Monsieur Nouchkine » des domestiques. Je me moquai bien des mondanités. Je devais soustraire Anastasia de cette demeure qui la tuait lentement mais sûrement.

Je passai outre Antonia, une des dames de chambre de mon ancienne fiancée et belle-sœur, et entrai dans les appartements d’Anastasia comme un fou furieux.

-Anastasia ! Anastasia !!

Elle n’était pas dans son petit salon attablée comme je l’aurais prévu. Sans me préoccuper du tôlé que j’étais en train de provoquer, j’entrai alors dans la chambre d’Anastasia.

-Anya ! Habille-toi ! Dépêche-toi !!

J’avais, je l’avoue, peur au fond de moi que Dmitri ne soit là et ne m’arrête. Sans compter mon père… Mais la chance semblait être de notre côté parce que personne ne vint, et nous pûmes quitter la demeure pour les écuries sans encombre. Je ne dis mot à Anastasia alors qu’elle me demandait de lui expliquer. JE ne pouvais parce que je n’avais plus de souffle. Et je préférais lui dire pourquoi je l’avais enlevé lorsque je serais sur qu’elle était en sécurité.
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Anastasia K. Nouchkine
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MessageSujet: Re: Loveletters { MILAN }   Loveletters { MILAN } Icon_minitimeLun 18 Avr - 22:44

Je tremblais tellement que j'avais bien du mal à tenir ma tasse de thé entre mes mains. Le jour se levait à peine, et j'étais littéralement terrifiée à l'idée que Milan ne reçoive pas ma note à temps. Je priais pour qu'il l'ait, et pour qu'il ne fasse rien. Qu'il fasse comme s'il n'avait jamais reçu ma lettre. Comme s'il ne savait absolument pas la vérité. Il ne devait pas savoir, il n'aurait jamais dû savoir ! Quelle idiote j'avais été ! Pourtant, j'avais relu ma lettre. Et mon aveu ne m'avait pas sauté aux yeux. Non, je n'avais même pas remarqué que je venais d'avouer à mon ancien fiancé que son frère avait assassiné ma sœur pour ensuite me voler à lui. Sans doute étais-je bien idiote de croire que Milan ferait comme si rien ne s'était passé. Après tout, il avait été bafoué, il aurait été bien lâche de ne rien faire... Mais seulement, que pouvait-il bien faire ? À part m'enlever... Ce n'était pas son genre, Milan n'était pas un impulsif comme moi. Il était posé et réfléchi, je ne lui connaissais que très peu de réactions vives et violentes. Pour autant, c'était un être humain et il aurait été normal qu'il réagisse terriblement mal. Quelle idiote ! Après seulement deux lettres, voilà que je lui avouais tout, sans même m'en rendre compte ! Il fallait être bien stupide. Je ne voulais pas voir de scandale éclater, pas tant que Natacha ne serait pas totalement en sécurité. J'avais confiance en Vassili, mais Dmitri était fourbe, Dieu seul savait de quoi il était capable. Tuer son propre frère n'aurait pas été un problème. Milan avait baissé dans son estime au moment même où il s'était aperçu qu'il était amoureux, sentiment que Dmitri pensait réservé aux faibles. Dès lors il n'avait eu de cesse de faire souffrir son frère à cause de son amour pour moi. Dmitri n'avait pas conscience de tout ce que l'on pouvait faire par amour. L'amour pouvait être une force terrible. Voilà pourquoi j'avais peur de ce que Milan pourrait bien faire. Il ne me serait pas venu à l'idée de le sous-estimer. Un coup de folie est bien vite arrivé. Je le savais mieux que quiconque. J'avais un terrible pressentiment. Nous allions probablement nous retrouver dans une situation embarrassante par ma faute. Je ne pourrais vraiment m'en prendre qu'à moi même si les choses tournaient au drame.

J'étais tellement nerveuse que j'étais incapable de bouger de ma chambre. Je n'avais pas envie de m'habiller, je ne voulais rien faire. Je voulais passer des heures à attendre bêtement, à attendre que rien ne se passe. Si rien ne se passait, c'était bon signe. En revanche, s'il se passait quelque chose, ce serait vraiment terrible. La peur me serrait la gorge, à tel point que j'étais incapable de boire une seule gorgée de thé. Et j'avais la nausée tellement je me sentais mal. J'aurais voulu pouvoir revenir en arrière et bruler cette lettre au lieu de l'envoyer bêtement ! Ma sottise était donc sans aucune limite ! Finalement peut-être que Dmitri avait raison de me traiter comme une idiote, parce qu'au final je n'étais vraiment pas maligne... Peut-être étais-je tellement désespérée que je m'étais cachée la vérité, qu'inconsciemment j'avais fait exprès de ne pas voir que j'avais tout avoué. Peut-être même avais-je espéré, une folle seconde, que Milan viendrait finalement me sauver... Peut-être espérais-je toujours qu'il le fasse, mais sans créer d'esclandre, sans provoquer un scandale... Ce qui serait terriblement difficile, voire impossible. Voilà bien longtemps que j'avais cessé de croire aux miracles. Seul le Tsar aurait pu faire des miracles, mais il ne faisait même pas un effort pour Marie, alors pour moi et Milan, il ne fallait rien espérer. J'avais toujours trouvé Alexandre très égoïste, même pour un Tsar. Il ne se préoccupait que de sa Sainte Russie, et en oubliait que les gens qu'il négligeaient, nobles ou non, constituaient le peuple de cette même Russie. Comment pouvait-il prétendre sauver son pays si il ne pouvait aider une poignée d'hommes et de femmes ? Il faut voir tout petit avant de voir tout en grand. Peut-être aurait-il mieux fait de voir ses désirs à la baisse. Il ne sauverait pas le royaume de cette façon. Mais je n'étais qu'une femme, je n'avais pas mon mot à dire... La pauvre Catherine devait certainement se retourner dans sa tombe, elle qui avait fait tant de grandes choses, elle qui voyait si loin... Alexandre faisait régresser la Russie.

J'eus un sursaut violant lorsque j'entendis une porte claquer. Craignant que ce ne soit Dmitri, je me levai brusquement, plus pâle que jamais, en priant pour qu'il se souvienne que j'étais enceinte, que je portais son enfant. C'était toujours cette phrase que j'avais envie de crier lorsque j'étais terrifiée. Certainement parce que c'était à peu près mon seul moyen de défense. Je ne pouvais pas tenter de le maitriser physiquement, alors j'utilisais les mots pour me défendre du mieux que je pouvais. Comme si cela pouvait me sauver... Cela avait déjà fonctionné. Alors, naïve, je me disais que cela pourrait marcher de nouveau. C'était la seule chose que je pouvais tenter de faire contre lui. Il n'y avait rien d'autre. J'étais bien faible face à la brute qui me servait de mari.

Imaginez donc la tête que j'ai pu faire lorsque j'ai compris que ce n'était pas Dmitri qui rentrait furieux pour je ne sais quelle raison. Quand j'entendis la porte de mes appartements s'ouvrir en fracas je crus d'abord que ma dernière heure était venue. Jusqu'à ce que j'entende la voix de Milan, qui m'appelait. Et en moins d'une minute, je suis passée par tout un tas de sentiments et d'émotions. Il était venu. Seigneur, il était venu me chercher ! Enfin, il avait entendu mon appel au secours, et il était venu me chercher, enfin il était venu me sauver. Je ressentis une bouffée d'amour pour lui tout à coup. Néanmoins, quand il fit irruption dans ma chambre, me demandant de m'habiller en toute hâte, je ne pus m'empêcher de déchanter. De toute évidence, il avait l'air assez pressé de m'emmener loin. Et, alors que j'aurais dû être profondément heureuse, je ne ressentis que de la peur à l'idée de devoir m'enfuir avec lui. Sans compter que son père et son frère pouvaient surgir à tout moment. Complètement paniquée, je suis restée interdite une minute, à le dévisager avec de grands yeux ébahis. Et puis j'ai cessé de penser tout à coup. Rapidement, j'ai enfilé une robe d'une simplicité affolante, et un manteau. Puis j'ai demandé à une servante de préparer mes affaires sur le champ et de les envoyer rapidement à l'Hermitage. Je ne pouvais pas me permettre de perdre mon temps. Néanmoins, je pris soin de récupérer la lettre de Milan avant de le suivre. Malgré l'agitation et l'incompréhension qui commençait à régner dans la maison, Milan et moi avons réussi à sortir sans rencontrer ni son père, ni son frère sur notre chemin. Je n'avais pas la moindre idée de ce que Milan comptait faire, et j'étais effrayée. J'eus un moment d'hésitation lorsque je me retrouvai en face de Tasha dans l'écurie. Pouvais-je me permettre de monter à cheval en étant enceinte ? Probablement pas. Pourtant, j'eus tellement peur lorsque le père de Milan se montra dans la cour, pour voir ce qu'il se passait, que j'enfourchai Tasha sans réfléchir une seule seconde. Et avant même qu'il n'ait eu le temps de se précipiter vers nous, je lançai Tasha au triple galop.

Chevaucher dans mon état n'était certainement pas conseillé. Pourtant, je ne laissai pas la peur m'arrêter. Du moins, pas avant que nous soyons arrivés à l'Hermitage. Lorsque je posai le pied à terre, je tremblais tellement que j'avais du mal à rester debout. J'étais également gelée, et j'avais l'impression que mes larmes avaient littéralement gelé sur mon visage. Je dus pratiquement courir après Milan pour le rattraper tandis qu'il entrait dans le palais. On nous dévisageait, certainement parce que nous avions l'air de sortir de nulle part.

« Milan ! Milan, attends moi, au moins ! »

Il m'écoutait à peine, et ne s'arrêtait pas. Je ne savais pas vraiment où nous allions, je ne venais que très rarement à l'Hermitage. J'évitais l'endroit, car je savais qu'Elizaveta venait s'y réfugier. Et même si je l'appréciais énormément, je trouvais malvenu de venir ici, alors que j'étais la suivante principale de la maitresse du Tsar. Je ne voulais pas lui causer plus de peine qu'elle n'en avait déjà. Et pourtant, il semblait que c'était chez elle que j'allais trouver refuge. Elle filtrait les entrées. Pour une fois, j'étais bien contente que Milan soit dans ses bonnes grâces. Dmitri, Nikolaï et mon père auraient certainement bien du mal à entrer. Ce qui ne me sauvait pas d'eux pour autant. C'eût été nettement trop facile. En panique totale, je finis par courir après Milan, et je le saisis par le bras pour le stopper. J'étais en larmes, complètement paniquée.

« Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu as perdu l'esprit ? Je t'ai dit de ne rien faire, de ne rien faire ! »

De toute évidence, il n'avait pas eu ma note. Sans doute était-il parti avant ma note, et peut-être même avait-il croisé Nadjejda en route. Quelle ironie. Mais le mal était fait, et son père était certainement en train d'avertir tout le monde. Oh seigneur ! Il fallait que je prévienne Vassili ! Qu'il n'arrive rien à Natacha ! Oh mon Dieu, mais qu'est-ce que j'avais fait ? C'était de ma faute, tout était de ma faute. J'ai lâché Milan et j'ai reculé d'un pas, me prenant le visage entre les mains.

« Dmitri va me tuer... Dmitri va me tuer... Il va me tuer... Il va vouloir s'en prendre à Nacha... il va me tuer, il va me tuer... »

Me tuer ou me faire pire encore. Panique totale. Je ne pouvais pas me permettre de rester là.

« Peut-être que si je rentre maintenant il ne sera pas en colère... Si je rentre maintenant il ne sera pas en colère, et tout ira bien... »

En réalité, je parlais toute seule. J'avais tant rêvé de ce jour. Et le rêve se transformait en cauchemar. Parce que rien ne se passait comme dans mes songes. Dans mes songes, Natacha ne risquait pas d'être torturée pour mes erreurs, et je n'étais pas enceinte. Dmitri aurait tous les droits de venir me réclamer parce que je portais son héritier, son précieux fils. Ma vie n'était décidément pas telle que je l'avais rêvée. C'était un cauchemar parfait. Dans les moindres détails. Alors j'ai fait demi tour. Mes mains tremblaient tellement que j'avais l'impression que j'allais m'effondrer. Je marchais plus lentement que je l'aurais voulu, mais j'avais peur de défaillir. Pourtant je ne devais pas m'arrêter, je devais partir maintenant, tenter de faire comme si rien ne s'était passé, pour réparer mes bêtises. Il fallait que je parte, je ne pouvais pas rester ici. Il fallait que je parte, quitte à en payer le prix. Qui serait élevé, cela ne faisait aucun doute. Le prix de Dmitri était toujours trop élevé.
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Milan Nouchkine
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MessageSujet: Re: Loveletters { MILAN }   Loveletters { MILAN } Icon_minitimeMar 17 Mai - 18:20

Je tentais bien que mal de galoper au plus vite sans pour autant distancer Anastasia, qui bien que très bonne cavalière, n’en avait pourtant pas la même coutume que moi. Si elle galopait, c’était par plaisir, et non par nécessité. J’avais rapidement compris que la différence pouvait passer pour faible pour le commun des mortels, mais pour celui qui se doit de fuir ou de n’être reconnu, le galop à d’autres vertus et caractéristiques. J’aurais pu ralentir lorsque j’étais assuré que plus personne ne nous suivrait, mais j’avais je l’avoue bien trop peur. Mon unique crainte était qu’on enlève Anastasia et que l’on fasse du mal à cette femme que je chérissais tant. Et pourtant, n’étais je pas moi-même en train de l’enlever ? N’étais je pas en pleine bravade contre l’autorité de son époux, mon frère ? Je n’avais pourtant jamais été rebelle jusqu'à ce jour. Je n’étais pas soldat, et ne m’en attribuait pas la courage et la détermination, mais si on avait du définir mon caractère on aurait certainement dit de moi que j’étais un parfait petit soldat. J’obéissais toujours à ceux qui sont au dessus de moi, et ne bravait jamais les interdits. Pas plus que je n’obéissais pas. Mais savoir Anastasia en danger avait fait voler en éclat cette partie de moi qui aimait respecter l’ordre établi. Pour elle, pour son cœur, et pour son âme je pouvais être celui dont elle avait rêvé lorsqu’elle lisait ces romans de chevalerie moderne. Ma douce et tendre Anya…



Je n’avais qu’une seule hâte c’était que nous arrivions à l’Hermitage et que nous nous y engouffrions le plus vite possible. Là bas, nous serions à l’abri. Anastasia serait à l’abri. Alors hors de question de ralentir. Même lorsque j’apercevais maintenant la pierre blanche caractéristique des bâtiments de l’Empire. Anastasia me rattrapa et nous traversâmes une foule se massant prés d’une des entrées pour gagner la seconde entrée. Plus proche des appartements d’Elizaveta. Il fallait rapidement lui demander asile pour Anastasia. Même si je savais qu’elle accepterait sans hésiter une seule seconde, il fallait qu’officiellement elle décrète qu’elle requérait la présence d’Anastasia a ses côtés. Parce qu’officiellement c’est ce que cela serait. Personne ne pourrait aller à l’encontre du désir de la Tsarine. A part le Tsar lui-même. Et Alexandre ne ferait jamais ça.



Je bondis d’un coup de la selle de mon cheval pour aider Anastasia à descendre. Je devais passer pour un rustre et un fou mais ce qu’elle m’avait dit suffisait à ce que je devienne fou. Je pressai alors le pas tandis que nous entrions dans le palais privé. Des domestiques se trouvaient là, avec quelques membres de la cour invités par Elizaveta. Anastasia me demandait de l’attendre mais je ne voulais pas ralentir le pas. Ma ceinture brinquebalait, mon souffle se faisait court mais il fallait se hâter. Pourquoi ne comprenait-elle pas qu’ici elle n’était pas encore tout à fait à l’abri.



Je cherchais méthodiquement dans chaque pièce ou chaque couloir que nous traversions mon amie. Mais Elizaveta semblait n’être nulle part. Je perdais patience et contenance. J’allais devenir fou. Je faillis avoir un geste malheureux quand je sentis une pression sur mon bras. J’allais perdre mon calme quand je m’aperçus que c’était Anastasia qui réclamait mon attention. Elle était en pleurs. Les larmes salées avaient ruisselés le long de ses joues et son teint d’ordinaire pâle l’était tout autant plus. Elle me demandait ce que je faisais. Et me reprochait d’être allé la chercher. Elle m’avait conté ses souffrances domestiques, et elle espérait vraiment que je reste les bras croisés sans rien faire. Non ! Mille fois non ! Je ne cautionnais pas la violence entre un homme et une femme. Un mari n’a aucun droit sur sa femme. Si ce n’est que celui de la rendre heureuse. Et Anastasia était tout sauf heureuse. Elle ne pourrait me prétendre le contraire.



J’étais interdit devant sa peur que je trouvais irraisonnée. Elle m’avait confié sa vie et maintenant elle me reprochait d’être intervenu. J’avais l’impression d’avoir manqué quelque chose. Pourtant j’avais bien lu. Dmitri la frappait, abusait d’elle…Elle ne pouvait m’avoir menti. Elle m’avait suivi. Elle n’avait pas hésité une seule seconde quand j’étais venu l’enlever. Parce qu’il s’agissait de cela. Je l’avais enlevé. Et pourtant, je n’en tirais aucun regret. Si c’était à refaire je referais la même chose. Dmitri avait beau être mon frère, il n’avait pas le droit de faire du mal à sa femme. Mon amour pour elle n’était pas la seule raison de mon intervention. Je ne cautionnais pas ce genre de comportement. Mais je savais que bien des gens diraient que je n’avais agi que par amour. Les gens savent toujours mieux que vous les raisons de vos actions… Et les cancans allaient si vite à Saint-Petersburg.



Le moins que l’on puisse dire c’était la peur qui gagnait Anastasia. Jamais je ne l’avais vue aussi craintive, aussi malheureuse, aussi déchirée et encline à obéir à quelqu’un. Avais-je été si aveuglé par je ne sais quoi pour ne pas voir à quel point elle avait changé ? Maintenant, l’évidence me sautait en plein visage. Anastasia n’était que l’ombre d’elle-même. Elle n’était plus cette jolie jeune fille puis jeune femme, pleine de vie, délicieuse et amusante. Elle n’était plus qu’une biche craintive face à un chasseur sans humanité aucune. Que pouvais-je lui répondre ?



Je n’arrivais pas non plus à comprendre pourquoi elle pensait qu’il allait s’en prendre à Natacha. Non, je ne comprenais rien. Pourtant, maintenant je voulais comprendre. Je voulais me rattraper pour le peu d’attention que j’avais eu pour elle. Je m’étais fourvoyé comme un adolescent en pensant qu’elle se contenterait de mes missives et qu’elle m’accorderait ainsi le pardon. Les choses ne fonctionnaient pas ainsi. Elle s’était sentie trahie et abusée. Je mesurais enfin à quel point la vie était cruelle et à quel point certaines choses semblaient m’aveugler. Je n’avais pas vraiment cherché à me rebeller. J’avais cru mais je ne l’avais pas fait. J’avais été…lâche. Oui j’avais été d’une lâcheté sans nom. Et maintenant, c’était Anastasia qui souffrait de mon manque d’honneur. Je voulais seulement qu’elle me laisse me racheter.



Je pris son visage entre mes mains et séchai ses larmes. Je cherchais mes mots. Je cherchai une réponse. Je cherchais une réaction. Je manquais d’imagination. Je n’avais pas pensé que peut-être elle ne voudrait pas de mon aide. Je n’avais pas réfléchi…Et cela ne me ressemblait pas.



-Veux-tu vraiment regagner la demeure familiale Anastasia. Le veux-tu vraiment ?



Dis-moi non ! Supplie-moi de ne pas te laisser repartir ! Reste !



Alors que j’allais céder face à son air perdu, Elizaveta s’avança vers nous. Elle venait d’être avertie de notre arrivée fracassante et me demandait à quoi cela était du. Je posai alors ma main sur le bras d’Anastasia et indiquai du regard le salon le plus proche. Loin des regards et des oreilles indiscrètes, j’expliquai alors à la Tsarine la raison de la présence d’Anastasia dans le palais. Elle connaissait mon ancienne fiancée, mais du au rang d’Anastasia et de son amitié avec Marie, je savais qu’Elizaveta ne se serait jamais attendu à ce que je lui demandai.

Anastasia était assise dans une des bergères, et ne disait rien. Je pouvais cependant l’entendre marmonner, mais j’étais trop affairé à demander asile pour elle à Elizaveta pour prendre soin d’elle et la rassurer.

Bien sûr, Elizaveta accepta sans hésiter une seule seconde. Elle nous quitta à la hâte pour aller rédiger une missive à l’adresse de Dmitri. Elle lui réclamerait la compagnie de son épouse, et nous savions tous qu’il ne pourrait pas refuser. Les désirs du Tsar et de la Tsarine ne supposaient aucune contestation.



Pouvais-je alors me dire qu’Anastasia ne risquait plus rien ? Sans doute pas…Je ne faisais que repousser l’échéance. Elle ne pouvait accoucher dans nul autre endroit que notre demeure familial. Et le temps passait si vite. M’agenouillant devant elle, je pris sa main alors qu’elle tremblait.



-Pardonne-moi mon petit oiseau. Pardonne-moi d’avoir été lâche. Hier et aujourd’hui. Pardonne-moi !



Je baissai alors la tête, attendant qu’elle daigne me dire qu’elle ne voulait plus me voir.
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